Le plan de relance économique est gérable

Markus Bürgi, Swiss Finance Institute

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Grâce à une politique fiscale tournée vers l'avenir, la Suisse peut se permettre de prendre les mesures budgétaires nécessaires.

Au cours des dernières années, les banques centrales de nombreux pays ont fait passer en-dessous de zéro leurs taux d'intérêt à court terme. Dans certains cas, même les taux d'intérêt du marché à long terme ont désormais chuté en territoire négatif. Le débat sur les taux d’intérêt négatifs est vaste et sujet à de vives controverses. En Suisse en particulier, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les conséquences de la politique de taux d'intérêt négatifs. C’est dans notre pays que les taux sont actuellement les plus bas. Cependant, les critiques se multiplient également dans la zone euro. En septembre 2019, le président américain Donald Trump a même directement appelé la Réserve fédérale américaine à réduire les taux d'intérêt afin de diminuer le fardeau de la dette publique et de la dette des entreprises et des particuliers. 

Du fait de la pandémie du COVID-19, ce qui semblait jusqu'à récemment impensable pour de nombreux observateurs se mue désormais en certitude : une récession mondiale semble aujourd’hui inévitable. La question n'est plus de savoir quand, mais avec quelle ampleur et sur quelle période de temps le ralentissement économique se produira. Dans l’intervalle, les gouvernements du monde entier ont annoncé des plans de relance gigantesques afin de soutenir l'économie. La Suisse ne fait pas exception.

En dehors des mesures de politique fiscale,
les décideurs du pays ont les mains liées.
Pas de marge de manœuvre

C'est une bonne chose, car en dehors des mesures de politique fiscale, les décideurs du pays ont les mains liées. Les instruments de politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS), par exemple, sont fortement limités. Il est donc beaucoup plus difficile pour la BNS de contrer une récession ou d'atténuer les effets économiques négatifs qui lui sont associés. La politique de taux d'intérêt n'offre plus aucune marge de manœuvre. 

On assiste par ailleurs à une première historique. Pour la première fois au monde, Hong Kong met en pratique le concept de «helicopter money» en versant directement à chaque citoyen adulte la somme de 10’000 dollars hongkongais. Aux États-Unis également, à titre de mesure d'urgence temporaire, jusqu'à 1’200 dollars par contribuable ont été versés de manière échelonnée en fonction du revenu. L'expansion de la masse monétaire qui en découle entraîne inévitablement une dilution de la monnaie. Dans le même temps, la Réserve fédérale américaine a abaissé ses taux d'intérêt directeurs à 0,25% et a annoncé qu'elle soutiendrait l'économie avec des programmes de crédit pouvant, si nécessaire, atteindre jusqu'à 2’300 milliards de dollars. En fonction d'éventuels autres plans de relance économique, la pression sur la Suisse et donc sur la monnaie nationale devrait s'accroître. Le franc suisse menace donc de s'apprécier, malgré des interventions de la BNS sur le marché des changes qui se chiffrent en milliards de dollars.

La Suisse est bien positionnée pour affronter la crise. Grâce à un faible niveau d'endettement national (fruit de la politique budgétaire prospective menée ces dernières années), à un frein institutionnel à l'endettement et à des excédents budgétaires à long terme, le programme de relance économique suisse annoncé, qui devrait se chiffrer à plusieurs milliards d'euros, semble gérable. La Suisse dispose de ressources financières plus importantes que les pays voisins.

La dette a des avantages

A première vue, l’accroissement significatif de la dette nationale qui en résulte peut sembler peu attrayant. A y regarder de plus près, il présente cependant d’indéniables avantages. Un niveau plus élevé de la dette publique, notamment pour des mesures raisonnables et durables visant à stabiliser l'économie, pourrait affaiblir le franc et contribuer ainsi à une normalisation de l'environnement des taux d'intérêt.

Une stratégie intelligente du déconfinement est au moins aussi importante
que des mesures de relance financière réfléchies et équilibrées.

Il apparaît également évident que des pays comme la Suisse, qui étaient réticents à dépenser en période de prospérité économique, se retrouvent désormais, en contexte de crise, dans une position confortable leur permettant de financer des programmes de relance économique. Toutefois, une stratégie intelligente de sortie du confinement actuel est au moins aussi importante que des mesures de relance financière réfléchies et équilibrées. La pesée d’intérêts entre l'évaluation des aspects sanitaires et économiques n'est pas une tâche facile et implique notamment des questions éthiques.

Le système financier est un atout

Un autre grand atout de la Suisse est la stabilité de son système financier, qui démontre aujourd'hui son impressionnante efficacité. Les prêts immédiats aux entreprises en crise garantis par la Confédération suisse sont actuellement passés en revue et accordés par les banques suisses à une vitesse record. Même en mode de crise, les institutions financières fonctionnent de manière fiable et stable, ce qui ne va pas de soi au vu des énormes bouleversements économiques et sociaux actuels.

Il apparaît donc clairement qu'un secteur financier fort est absolument essentiel, particulièrement en temps de crise. La Suisse est très bien placée à cet égard. Il convient de ne pas l'oublier. Il est moins réjouissant de constater que la BNS ne dispose que d'une capacité d'action limitée en raison de son éventail restreint d'instruments de politique monétaire. Heureusement, la stabilité du budget financier suisse est capable de compenser les faiblesses de notre banque centrale. Néanmoins, les coûts de la gestion de la crise seront, au final, payés par le contribuable suisse. Dans ce contexte, les décideurs de Berne devraient continuer à se garder de trop politiser la crise actuelle.

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