Les récentes mesures tarifaires initiées par le président Trump ont ravivé les inquiétudes sur la dépendance de l’économie mondiale vis-à-vis du dollar américain, relançant les débats sur la dédollarisation. Ce processus vise à réduire l’usage du billet vert dans les échanges internationaux, les réserves de change ou encore les transactions financières.
Aux origines de la dollarisation
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la position dominante des Etats-Unis consolide New York en tant que capitale financière mondiale. Le dollar s’impose alors comme l’une des monnaies de référence. En 1944, les accords de Bretton Woods officialisent son rôle pivot: les monnaies sont liées au dollar, lui-même convertible en or, c’est le système de changes fixes.
En 1945, les Etats-Unis signent un accord avec l'Arabie Saoudite pour que le prix du pétrole soit fixé en dollars, un modèle rapidement adopté par d’autres membres de l'Opep. Ainsi nait le pétrodollar, consolidant la position du dollar dans le commerce international.
Une remise en question croissante
En 1971, le président Nixon suspend la convertibilité du dollar en or, mettant fin au système de changes fixes. Désormais, la valeur du dollar n'est plus soutenue par le métal précieux, mais repose exclusivement sur la confiance accordée au gouvernement américain. Dès lors, certaines nations, inquiètes face aux fluctuations de la monnaie américaine, remettent en cause ce privilège, ouvrant la voie aux premières discussions sur la dédollarisation.
Mais ce n’est véritablement qu’au début des années 2000 que des démarches concrètes voient le jour: accords bilatéraux en monnaies locales entre la Russie et la Chine, efforts de l’Iran et du Venezuela — sous sanctions américaines — pour contourner le dollar dans leurs exportations de pétrole. Le débat prend de l’ampleur en 2022, à la suite des sanctions financières infligées à la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Pour de nombreux pays, l’usage du dollar apparaît désormais comme un instrument de pression géopolitique.
Dans ce contexte, l’or retrouve une place prépondérante dans les stratégies de diversification des banques centrales. Selon le World Gold Council, ces dernières ont acheté plus de 1000 tonnes d’or par an au cours des trois dernières années, soit une hausse de 50% par rapport à la moyenne de la décennie précédente.
Parallèlement, le projet de création d’une monnaie commune des BRICS, évoqué publiquement pour la première fois en 2023, reflète une volonté d’émancipation monétaire du bloc. Toutefois, cette ambition reste très théorique, freinée par des divergences économiques majeures entre membres, des intérêts géopolitiques souvent opposés, et l’absence de gouvernance monétaire intégrée.
Une domination persistante
Malgré les critiques et les tentatives pour réduire son influence, le dollar demeure à ce jour, la devise dominante dans les échanges internationaux.
D’après les données de SWIFT, près de 50% des transactions internationales sont libellées en dollars, loin devant l’euro (22%) et le yuan (4%). De plus, 90% des opérations sur le marché des changes impliquent encore le billet vert. Certes, sa part dans les réserves de change des banques centrales a reculé passant de 71% en 2000 à 58% fin 2024 mais elle reste largement supérieure à celle de l’euro (20%) ou du yuan (2%).
Quelles alternatives crédibles?
A ce jour, aucune devise ne semble en mesure de supplanter le dollar. L’or, bien que perçu comme une valeur refuge contre l’inflation, reste peu pratique en tant que réserve dominante, en raison des contraintes logistiques liées à son transport, à son stockage et à son approvisionnement. Malgré les efforts de Pékin pour internationaliser le yuan, le contrôle strict des capitaux par la banque centrale chinoise et le manque de transparence du système financier limitent sa crédibilité.
Bien qu’il bénéficie d’un cadre macroéconomique stable, l’euro souffre pour sa part d’un déficit de souveraineté politique, freinant son attractivité hors de la zone. Quant aux cryptomonnaies, elles font encore face à de nombreux défis — faible liquidité, vulnérabilités technologiques, méfiance des Etats — qui les cantonnent à une utilisation marginale.
En somme, si les discussions sur la «disparition» du dollar en tant que monnaie de référence prennent de l’ampleur, elles n’en demeurent pas moins éloignées des réalités géopolitico-économiques. Le dollar continuera de dominer en raison de sa stabilité, de sa liquidité et de son intégration profonde dans les infrastructures financières internationales.