Le dilemme de Powell entre stabilité des prix et financière

Arthur Jurus, ODDO BHF

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Le parallèle avec les années d'inflation de 1979 à 1982 s'impose de plus en plus.

©Keystone

Le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell s’est exprimé devant la commission bancaire du Sénat américain et a apporté un message clé qui a déclenché une baisse des cours sur les marchés financiers: le sommet des taux d'intérêt pourrait être plus élevé que prévu jusqu'à présent.

Le parallèle avec les années d'inflation de 1979 à 1982 s'impose de plus en plus. A l'époque, la révolution islamique en Iran avait déclenché un choc pétrolier mondial qui avait fait grimper les taux d'inflation dans les pays développés à de nouveaux sommets. Le 6 octobre 1979, Paul Volcker, alors président de la Fed, a surpris tout le monde en organisant une réunion de la Fed au cours de laquelle il a imposé une politique intransigeante de lutte contre l'inflation. La Fed a alors rapidement augmenté les taux directeurs de 9% en 1978 à 19% en 1980. Et pourtant, le taux d'inflation aux Etats-Unis a atteint 14,7% en avril 1980. En outre, les taux directeurs élevés ont poussé l'économie américaine dans deux "récessions Volcker". La première, courte, en 1980, fut suivie en juillet 1982 d'une seconde, plus violente, qui devait durer 16 mois. L'économie s'est contractée de 1,8% en 1982 et le taux de chômage a atteint un pic de 10,8% en décembre 1982. Et pourtant, la politique a porté ses fruits. En 1983, Volcker avait ramené le taux d'inflation à 3,2%. Au cours des décennies suivantes, l'inflation américaine n’a jamais excéder la barre des 5%,  jusqu'en 2022, où elle dépassa les 9%.

Jerome Powell se trouve-t-il dans la même situation que Paul Volcker en 1979? Oui. Le décideur de politique monétaire est confronté au même environnement macro-financier. L’inflation élevée semble s'installer pour longtemps, comme en 1979. A la fin des années 1970, une hausse brutale des prix de l'énergie a fait grimper les taux d'inflation en peu de temps, comme en 2021 et 2022. Hors, en période de forte inflation, les travailleurs tentent de compenser leur perte réelle de pouvoir d'achat par des accords salariaux élevés qui augmentent eux-mêmes les prix à la production (spirale prix-salaires). Une fois que les anticipations inflationnistes augmentent, il devient de plus en plus difficile pour les banques centrales de lutter contre l'inflation. En outre, l’expérience Volcker a montré que plus les banques centrales hésitent à relever les taux d'intérêt au niveau nécessaire, plus l'atterrissage sera douloureux pour l'économie. Powell a ainsi voulu dissiper les doutes la semaine dernière sur la détermination de la banque centrale à lutter contre l'inflation: "Nous maintiendrons le cap jusqu'à ce que la tâche soit accomplie".

En revanche, la différence avec 1979 est que l’objectif de stabilité financière a aussi repris de l’ampleur la semaine dernière. Le risque de retrait des dépôts dans les banques régionales américaines a conduit la Fed a annoncé un nouveau programme de financement (Bank Term Funding Program) pour apporter des liquidités à 1 an à toute institution financière assurée par l’Etat Fédérale en cas de retrait significatif par ses déposants.

En réaction à cette annonce, les anticipations des taux Fed ont chuté significativement. Les investisseurs anticipaient la semaine dernière un pic du taux Fed à 5,5% en septembre 2023 puis sa stabilisation. Désormais, le pic sera de 4,75% en mai 2023 et la Fed réduira son taux directeur de 25 points de base en septembre 2023. Les anticipations des investisseurs sont revenues au niveau de septembre 2022. Mais l’inflation n’a pas davantage baissé. Si le marché souhaitait tester l’inflexibilité de Powell, alors l’opportunité se présentera le 22 mars prochain.

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