Le défi de l’inflation reste entier à l’aube de 2023

François Savary, Prime Partners

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La chose la plus souhaitable pour les prochains mois est de voir l’inflation s’infléchir définitivement pour retrouver des niveaux plus raisonnables.

A n’en pas douter, de nombreux investisseurs privés ou professionnels verront avec un certain plaisir l’année 2022 passer au rang des souvenirs. Quelle année, en effet! Crash obligataire «historique», forte correction sur les bourses, instabilité monétaire et j’en passe. Rien ne semblait pourtant, à la même période de l’an dernier, préfigurer une telle «annus horribilis» pour les marchés financiers. La guerre en Ukraine me direz-vous, voilà la raison de tous les maux auxquels nous avons été (et nous sommes encore) confrontés cette année!

Personnellement, je reste convaincu que cet événement géopolitique majeur est secondaire dans les développements financiers que nous traversons; certes, l’incertitude politique n’est jamais bonne pour les marchés et la guerre à l’est de l’Europe a renforcé la source de nos «malheurs» qui prédatait cet événement. Un adage fameux en politique veut que bien souvent le résultat des élections dépend de l’économie, le fameux «It’s the economy, stupid»! Cette idée permet aussi d’expliquer ce à quoi les investisseurs ont été confrontés en 2022.

Je m’explique. Tout un chacun peut observer et commenter les performances largement négatives des actifs financiers depuis quelques mois. Cependant, ce qui est plus intéressant encore, c’est l’amplitude des mouvements de prix à laquelle nous avons été confrontés tout au long de l’année; amplitude mensuelle déjà avec des mouvements totalement erratiques sur les principaux indices boursiers ou obligataires mais aussi, pour ne pas dire surtout, amplitude hebdomadaire ou quotidienne qui a légitimité l’idée que les investisseurs ont perdu «leur boussole» pour gérer les marchés financiers.

La période actuelle est à la détermination des scénarios 2023 et le jeu des «top 10 calls for the year ahead» bat son plein. Toutefois, il y a un point qui me rend réticent à y participer:  nous n’avons pas résolu la question centrale que 2022 a posé et pose toujours: sommes-nous entrés dans un cycle économique radicalement différent de celui que nous avons traversé après la crise de 2008?

La volatilité sur le prix des actifs peut être associée aux incertitudes – largement économiques – auxquelles nous sommes confrontés et donc servir d’approximation du manque de visibilité (plus ou moins grand) auquel nous faisons face. A cet égard, l’observation aussi bien du marché des changes que de celui des taux d’intérêt en 2022 nous raconte l’histoire d’une absence totale de visibilité sur le cycle économique. En outre, on peut relever que les actions, malgré des mouvements erratiques évidents au cours des derniers mois, n’ont pas connu des sommets de volatilité comparables à ceux que nous avions pu observer lors de la crise de 2008 ou encore au moment de l’émergence du celle de la covid-19. Peut-être une manière pour les investisseurs d’affirmer que la question centrale qui les anime n’est pas celle de l’émergence d’une crise systémique mais bien celle d’un manque complet de visibilité sur les développements économiques, sous l’influence d’un retour inattendu d’une inflation qui s’était totalement «évaporée» du paysage depuis une quinzaine d’année.

Au risque de paraître en faire une obsession l’importance de la question inflationniste demeure prioritaire et elle n’a toujours pas trouvé de réponse définitive. Plus que de se triturer les méninges pour savoir quelle performance attendre de tel ou tel actif au cours des prochains mois, il faut rester attacher à entrevoir quelle trajectoire la hausse des prix pourra prendre au cours des trimestres à venir. De cette interrogation première dépend la réponse que l’on peut donner à la celle relative au fait de savoir si nous devons nous habituer à vivre avec une volatilité aussi marquée des actifs qu’en 2022 ou si les perspectives d’une normalisation de cette dernière est envisageable, spécialement sur taux d’intérêt et les monnaies. Une autre manière de dire que la réduction de la volatilité serait la meilleure preuve que les investisseurs ont la capacité de de fier à nouveau à «leur boussole», soit de retrouver de la lisibilité sur les développements économiques à moyen terme.

La réaction des marchés financiers à la publication des chiffres d’inflation aux USA (indices des prix à la consommation et à la production) pour octobre est à cet égard tout à fait intéressante: faiblesse de la devise américaine, réduction de la volatilité des actions et surtout des obligations. Une bouffée d’oxygène plus que bienvenue qui démontre une nouvelle fois combien la question de la hausse des prix obnubile les investisseurs et continue à les obliger à se concentrer sur le court terme.

La chose la plus souhaitable pour les prochains mois est de voir l’inflation s’infléchir définitivement pour retrouver des niveaux plus raisonnables. Seule une telle évolution pourra permettre aux investisseurs de sortir de la mécanique des derniers trimestres qui les a conduits à passer du l’espoir au pessimisme au gré de chiffres mensuels d’inflation qui ont tantôt nourri tantôt douché leurs attentes.

Le défi ne l’inflation n’est donc pas (encore) derrière nous et nous allons entrer en 2023 avec lui! Il est probable qu’une normalisation de cette dernière devrait marquer le premier semestre 2023. De quoi nourrir une capacité des investisseurs à se projeter au-delà du court terme, car la visibilité économique en serait renforcée. Faut-il en déduire que la volatilité sur les marchés refluera automatiquement? C’est à espérer, sur le front des taux d’intérêt et des monnaies en particulier. En ce qui concerne les actions, des investisseurs en mesure de se projeter davantage à moyen terme au fil du reflux de l’inflation seront néanmoins confrontés à de légitimes interrogations sur la question bénéficiaire; la réponse que l’on pourra apporter à cette dernière est largement tributaire de la vitesse à la laquelle nous pourrons atteindre un environnement de plus grande stabilité des prix. Définitivement l’inflation n’a pas fini de nous interpeller en 2023, il faut s’en persuader!

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