Le capitalisme à la croisée des chemins

Pierre Mouton, NS Partners

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Ce système économique devrait surmonter les défis majeurs actuels grâce à sa capacité de destruction créatrice.

Le capitalisme est fondé sur l’investissement du capital, qui accroît la capacité de production de biens et services tout en améliorant la productivité. On offre ainsi une accessibilité sans cesse accrue aux acheteurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises.

Un système qui sait s’adapter en permanence

La force du capitalisme réside dans son adaptabilité et sa propension à trouver des solutions face aux nombreux écueils qui se dressent sur son chemin. Par exemple, cela peut se traduire par une modification des modes de production, par une substitution de matières premières, par la recherche de nouveaux débouchés et surtout par une innovation et des investissements permanents. C’est à ce prix que l’entreprise pourra rester flexible et maintenir la profitabilité, qui est la source même du capital futur dont elle aura besoin.

Le capitalisme ou la destruction créatrice

Ce cercle vertueux est bien entendu très théorique et ne peut à lui seul résumer le fonctionnement de nos économies occidentales, qui, pour la majorité d’entre elles, se réclament du système capitaliste. Cependant, quelques simples observations factuelles restent frappantes. Par exemple, l’amélioration des moyens de transport de biens et de personnes, couplée à l’entrée de la Chine dans le bain du commerce mondial il y a maintenant plus de 20 ans, a entraîné un mouvement rapide et massif de délocalisation des moyens de production, destiné à réduire les coûts et offrir des biens plus accessibles aux consommateurs du monde entier.

Autre exemple, l’apparition des smartphones, qui a bouleversé les modes de consommation et probablement attisé la concurrence, avec l’effet induit de baisses de prix. Ce ne sont que deux exemples, mais l’histoire économique foisonne de preuves incontestables de ce constant renouvellement que Schumpeter qualifiait de «destruction créatrice, la donnée fondamentale du capitalisme, et toute entreprise doit, bon gré mal gré, s'y adapter».

Une hausse des coûts néfaste à l’investissement productif

Le capitalisme fait face aujourd’hui à des forces antagonistes, qui si elles ne remettent pas en cause son existence, représentent tout de même des défis importants, comme cela a fréquemment été le cas par le passé. De fait, intrinsèquement déflationniste, le capitalisme peut difficilement prospérer lors de périodes durables de forte inflation, notamment endogène, qui amènent bien souvent au pouvoir des acteurs populistes et/ou autoritaires, résolument anticapitalistes, quelle que soit leur couleur politique. On peut à cet égard comprendre le stoïcisme des banques centrales de nombreux pays dans leur lutte contre l’inflation.

Mais les forces inflationnistes sous-jacentes sont réelles et fortes: la démondialisation, la diminution de la population active dans de nombreux pays, en particulier en Chine, la hausse des prix des matières premières, et en parallèle la transition énergétique, sont autant de facteurs durables de tensions sur les prix.

Qui dit tensions inflationnistes, dit taux d’intérêts plus élevés. Et si les entreprises et les ménages des pays développés sont, en moyenne, relativement peu endettés, il n’en va pas de même de la plupart des États, qui présentent des niveaux de dette inquiétants. Or, si, en raison de taux d’intérêts historiquement très bas, le service de cette dette fut presque indolore au cours des dernières années, la donne a désormais changé. Ainsi, payer les coupons sur les emprunts obligataires va drainer des flux de plus en plus importants, dont le financement va accaparer des sommes significatives qui, en d’autres circonstances, se seraient dirigées vers de l’investissement productif ou de la consommation. En dernier lieu, le poids de plus en plus prégnant des réglementations diverses et variées ne va pas dans le sens d’une modération des coûts.

Des contrefeux bienvenus

A l’inverse, le développement fulgurant et les investissements massifs dans le domaine de l’intelligence artificielle auront très probablement pour effet de contrebalancer une partie des tensions inflationnistes, grâce, une fois de plus, à la destruction créatrice qu’ils engendreront, même si cela reste difficile à mesurer. Par ailleurs, à plus long terme, il est optimiste, mais rationnel, de penser que les efforts réalisés pour atteindre la neutralité carbone induiront une réduction significative des coûts de l'énergie.

Sans faire plus de supputations, l’on voit clairement que nos systèmes capitalistes se trouvent aujourd’hui à une croisée des chemins : d’une part, des pressions durables sur les prix, des changements drastiques de mix énergétique, des niveaux alarmants de dette des Etats et des matières premières plus difficiles à extraire, avec, d’autre part, des modifications à venir, encore assez floues, au sein des entreprises grâce l’intelligence artificielle.

Les réponses et solutions existent, et le capitalisme a moult fois prouvé qu’il était en mesure de faire face avec succès à des défis majeurs. Pour autant, ces multiples menaces ne doivent pas être négligées, car elles sont toutes sérieuses et concernent évidemment l’économie, mais aussi la démocratie.

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