Le bon, la brute et le truand

Charles-Henry Monchau, FlowBank

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Le contexte micro et macro-économique 2021 pourrait bien ressembler au film de Sergio Leone.

Le stratus est bien présent sur le plateau et les férus de ski attendent impatiemment les premiers flocons de neige. Il n’y a pas de doute, la fin de l’année est proche et pour un bon nombre de stratèges, le temps est venu d’étayer les perspectives à venir pour 2021. Bien évidemment, nous espérons tous éviter un bis repetita de 2020, l’année du Covid. Mais en ce qui concerne les marchés financiers, est-ce que 2021 sera nécessairement meilleure que 2020? Rien n’est moins sûr. Ci-dessous, nous comparons les mois à venir au casting d’un western spaghetti bien connu: «Le bon, la brute et le truand».

Le bon: vers un fort rebond des bénéfices des sociétés

Alors qu’au mois de mars un effondrement de l’économie mondiale semblait inévitable, un scénario en «V» semble désormais se profiler. En effet, l’action combinée des banques centrales et des états pour sauver des pans entiers de l’économie pourrait porter ses fruits. De plus, l’espoir d’un vaccin dans un avenir proche incite les spécialistes à tabler sur une forte croissance bénéficiaire en 2021. Ainsi, Goldman Sachs prévoit un rebond de 29% des bénéfices du S&P 500 en 2021 après une baisse (estimée) de 17% en 2020. Sur cette base, le S&P 500 se traite à un P/E de 20x 2021, un multiple historiquement élevé mais qui n’est pas choquant au vu du bas niveau des taux d’intérêt. Le même scénario de forte reprise est attendu en Europe et en Asie. Un momentum de croissance des bénéfices est en général une bonne nouvelle pour les marchés et des surprises positives ne sont pas exclues, surtout si la réouverture de certaines activités (tourisme, transport, etc.) est plus rapide qu’anticipée.  

L’arrivée d’un vaccin et une reprise économique pourraient forcer
les banques centrales à freiner l’expansion de leur bilan.
La brute: une (trop?) grande dépendance aux banques centrales

Malgré la pandémie, les marchés actions se sont comportés nettement mieux que prévus en 2020. Pour de nombreux observateurs, c’est la frénésie des banques centrales qui est à l’origine d’un tel résultat. En effet, le bilan des 4 principales banques centrales a littéralement explosé à la hausse en 2020, passant de 30% du PIB en début d’année à près de 55% en fin octobre. Cette injection massive de liquidités semble être à l’origine du rebond des marchés d’actions depuis mars, du resserrement des «spreads» de crédit, de la bonne tenue du secteur immobilier mais aussi d’un certain nombre d’exubérances – le titre Zoom qui se traite à plus de 100 fois les ventes, la capitalisation boursière des titres technologiques américains qui atteint 42% du PIB, la Grèce qui emprunte à deux ans avec des taux négatifs, l’Autriche qui emprunte à 100 ans pour 50 points de base, etc. Mais comme dans les meilleurs films, les belles histoires ont toujours une fin. L’arrivée d’un vaccin et une reprise économique pourraient forcer les banques centrales à freiner – en tout cas provisoirement – l’expansion de leur bilan. Comme nous avons pu le voir dans un passé récent (2018), il existe une très grande dépendance des marchés aux banques centrales. Paradoxalement, des bonnes nouvelles sanitaires et économiques pourraient peser sur l’évaluation du marché et le sentiment des investisseurs.  

Le truand: une dette colossale telle une épée de Damoclès sur nos têtes  

Le sauvetage de l’économie mondiale en 2020 a un prix. L’endettement des états et des entreprises était déjà colossal au début de l’année. Il est désormais stratosphérique. En effet, le principal héritage de la crise du Covid est davantage de dette. De manière agrégée, l’endettement a atteint $258 trillions à la fin du premier trimestre, soit 331% du PIB mondial. Le surendettement n’est pas cantonné aux seuls états. Les entreprises et les particuliers profitent de taux particulièrement avantageux pour survivre ou se refinancer. Mais le temps de désendettement finira bien par arriver, avec des conséquences potentiellement très néfastes pour la croissance et la stabilité des Etats. Depuis 2008, l’économie mondiale est restée dans la même logique: le «quantitative easing» comme palliatif au manque de croissance. Mais cette politique a de nombreux effets collatéraux, tels que les bulles financières, une allocation des ressources suboptimale mais aussi un fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres. Il en découle une croissance économique atone et la montée des populismes. Nous restons dans l’ère de la «répression financière», où les autorités monétaires, au vu d’une dette publique gigantesque, se doivent de conserver les taux d’intérêt en-de ça des niveaux habituels. Cette période implique des risques considérables pour les investisseurs, mais aussi des opportunités comme le démontre la performance remarquable de certaines classes d’actifs au cours des dernières années.

 

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