Le bizarre incident de l’inflation

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

2 minutes de lecture

Avant la Fed, les investisseurs se recentrent sur l’inflation. La récente remontée graduelle des prix commencera-t-elle à s’accélérer?

Avec la réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) aujourd'hui, l’attention des investisseurs se recentre de nouveau sur les perspectives d’inflation. La récente remontée graduelle des prix commencera-t-elle à s’accélérer? Qu’adviendra-t-il des taux directeurs?

Aux USA, l’inflation s’est maintenue bien en deçà de l’objectif de 2% durant une grande partie des dix dernières années, si l’on considère le coût des dépenses de consommation des ménages hors composantes volatiles (l’indicateur de prix favori de la Fed, dit «Core PCE»). Toutefois, les indices de prix s’améliorent depuis fin 2015 et l’inflation s’est hissée à 2% en glissement annuel en juillet, son plus haut niveau depuis 2012. Dans la zone euro, la tendance est similaire, malgré une progression moins rapide. L’inflation sous-jacente en août s’est élevée à 1% en glissement annuel et ne semble pas près d’atteindre l’objectif de 2% de la BCE, dépassé pour la dernière fois en décembre 2002.

Contrairement à l’inflation sous-jacente, l’inflation globale inclut les composantes volatiles (alimentation, énergie, etc.). Après le choc du pétrole de schiste en 2014-2015, qui a fait plonger le baril de Brent sous les 30 dollars, les prix se sont peu à peu redressés, atteignant 74 dollars en moyenne ces six derniers mois. Dans ces conditions, l’inflation globale a creusé l’écart avec l’indice sous-jacent (2,0% en glissement annuel dans la zone euro et 2,3% aux Etats-Unis).

Divers facteurs ont contribué à maintenir l’inflation
bien en deçà des niveaux historiques.

Des tensions sur le marché du travail américain alimentent également la hausse de l’inflation. Le taux de sous-emploi en août a inscrit un plus bas depuis 2001. Les pressions salariales se sont ainsi intensifiées progressivement ces six dernières années, le salaire horaire moyen atteignant un plus haut cyclique à 2,9% en glissement annuel en juillet. Par ailleurs, les baisses d’impôts massives aux Etats-Unis en 2018 n’ont fait qu’accroître le risque de surchauffe de l’économie. Et les droits de douane sur les importations créent des pressions inflationnistes (les prix des lave-linge américains, en baisse constante ces dernières années, se sont envolés de 14% sur les douze derniers mois).

Cependant, divers facteurs ont contribué à maintenir l’inflation bien en deçà des niveaux historiques. L’indice Core PCE s’est élevé en moyenne à 5,6% par an entre 1970 et 1989, mais à seulement 1,7% depuis 2000. Parmi ces facteurs figurent les progrès technologiques (e-commerce et comparaison des prix en ligne), les chaînes d’approvisionnement transfrontalières (qui ont mondialisé les pressions déflationnistes) et le contrôle strict des salaires par les entreprises au lendemain de la Grande récession de 2008-2009.

La hausse progressive de l’inflation sous-jacente
laisse enfin augurer une sortie de crise de l’économie mondiale.

Au vu de l’évolution de ces dernières années, les anticipations d’inflation des ménages et des investisseurs se sont ancrées à des niveaux bas et la hausse des prix observée durant ce cycle s’est installée plus lentement et a été moins marquée que lors des précédentes décennies. Par ailleurs, notre anticipation d’une baisse des prix pétroliers laisse entrevoir un ralentissement de la progression en glissement annuel de l’inflation globale d’ici fin 2018.

En résumé, la hausse progressive de l’inflation sous-jacente laisse enfin augurer une sortie de crise de l’économie mondiale. Les banques centrales devraient ainsi poursuivre la normalisation de leur politique monétaire (la Fed garde le cap vers quatre ou cinq nouveaux relèvements de taux d’ici à fin 2019 et la BCE devrait mettre fin à ses achats d’actifs avant la fin de cette année). Dans ce contexte, les obligations défensives de courte maturité permettent aux investisseurs de se prémunir contre la hausse probable des rendements des obligations d’Etat américaines et européennes.

A lire aussi...