La désynchronisation des économies crée des opportunités

Christophe Gilles, TeamPacific

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Asie, Etats-Unis et Europe ne sont plus dans la même phase du cycle économique. Comment en tirer partie?

Ce que l’on a observé jusqu’à présent est parfaitement conforme à la théorie économique (selon KITCHIN) qui prévoit qu’un cycle économique dure 47 mois. Lequel comprend 4 phases: en phase 1, la croissance est inférieure à son potentiel, les risques inflationnistes sont faibles ; en phase 2, la croissance accélère et dépasse son potentiel, tensions inflationnistes à la clé ; en phase 3, la croissance décélère tout en restant au-dessus de son potentiel. Des tensions inflationnistes apparaissent, qui sont une fonction retardée de la croissance ; en phase 4 enfin, la croissance repasse sous son potentiel, les tensions inflationnistes se dissipant.

Entrée en ordre dispersée dans la 2e phase du cycle

Si la crise sanitaire n’a pas fondamentalement modifié la séquence en quatre phases de ce cycle, les différences dans les réponses sanitaires adoptées par les principales zones économiques ont modifié les rythmes de progression dans la phase 2 où étaient rentrées chacune des grandes zones au moment du premierr confinement. Ainsi, alors que Chine, Etats-Unis et Europe avaient commencé de concert la phase 1, étaient entrées ensemble en phase 2, leur destin ont divergé. Aujourd’hui, la Chine a commencé la phase 3, tandis que les Etats-Unis arrivent au sommet de l’asymptote de la courbe, l’Europe étant encore bien ancrée dans la phase 2. Ainsi, la Chine et l’Asie en général, qui ont répondu de la manière la plus rapide et la plus stricte à la pandémie se trouvent-elles au début de la phase 3 du cycle, celle où les taux d’intérêt montent, les actions perdant de leur intérêt au profit des obligations. La croissance chinoise se tasse, à 6%. Les dépenses sans précédent mises sur la table par les Etats-Unis pour faire face à la crise sanitaire et sociale leur ont permis de combler leur «output gap», c’est-à-dire l’écart entre la croissance réelle et la croissance potentielle. Le PIB est revenu au niveau de décembre 2019. Quant à l’Europe, elle poursuit sa longue route, en comparaison avec les deux premières, vers une croissance en ligne avec les projections, freinée par les retards dans l’activation du plan de sauvetage de 700 millions d’euros voté par la Commission européenne.

Tout est question de timing. Le timing est aujourd’hui largement celui indiqué par les banques centrales.

La question au cœur des stratégies d’allocations d’actifs est aujourd’hui de savoir comment jouer au mieux cette situation asymétrique.

Les banques centrales, un arbitre qui a toujours raison

Les injections des banques centrales ont été déterminantes dans les scenarii de sortie de crise, elles le sont encore. Tant il est vrai que ces mains invisibles régissent aujourd’hui les tendances du marché, et que, même si elles ont tort, rien ne sert d’aller contre elles. De fait, même si l’on peut citer des exemples où les banques centrales se sont manifestement trompées, celui de Jean-Claude Trichet en 2008 ou bien d’Alan Greenspan. Dans les deux cas, les craintes inflationnistes ont conduit les présidents de la BCE et de la Fed à augmenter les taux. Des leçons à méditer alors que le spectre de l’inflation est brandi, à tort ou à raison, par les économistes et les banques centrales comme argument pour promouvoir une hausse des taux. Cela étant rappelé, rien ne sert d’aller contre les mains invisibles que sont ces mastodontes. Il existe actuellement six mois de décalage dans leur stratégie: la BCE reproduit avec six mois de retard ce que fit la Fed, qui elle-même suit la BoC un semestre plus tard. Or, tout est question de timing. Le timing est aujourd’hui largement celui indiqué par les banques centrales. Le rendez-vous de Jackson Hole du 26 août sera de ce point de vue clé. Il nous donnera les clés du sort du second semestre 2021.

Jouer le décalage pour optimiser l’allocation d’actifs

Les marchés actions sont à leur apogée aux Etats-Unis et en Europe, battant chaque jour le record de la veille. Rien d’étonnant dans la phase 2 du cycle. Ce qui ne veut pas dire que les situations soient comparables: en Europe, les actions growth sont toujours d’actualité dans une optique d’allocation 40-60 (40 value, 60 growth) alors qu’aux Etats-Unis, il est temps de privilégier les actions growth dans une optique d’allocation 60-40 (60 growth, 40 value). Les taux bas resteront bas en Europe au moins jusqu’en 2023, sous le joug des politiques monétaires très conservatrices. Il ne faut pas craindre le mur des faillites. Les secteurs favoris sont les contra-cycliques, les bancaires notamment. Il est par ailleurs temps de commencer à regarder le secteur obligataire en Chine. Tant que les taux d’intérêt réels seront bas, la détention d’or ne présente pas d’intérêt intéressante. En revanche, les matières premières industrielles ont toute leur place dans les portefeuilles. Le cash reste à proscrire.