La crise ukrainienne dicte à l’économie

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Le sentiment économique général se serait déjà autant dégradé qu’en mars 2020 pour la zone euro.

La Fed vient de débuter un cycle de hausse de ses taux directeurs. Mais pour l’instant, le ralentissement économique mondial redouté suite à la crise ukrainienne vient modérer les craintes d’un choc majeur sur les taux d’intérêt à long terme.

Malgré la crise ukrainienne, la Fed a monté son taux directeur de 25 points de base et a communiqué un plan de hausse de taux à venir conforme à ce qui est déjà intégré dans les prix du marché. Seul un des membres de la Fed a déclaré préférer une hausse de 50 points de base, démarche qui aurait été probablement plus populaire sans la guerre. Le lendemain, en augmentant ses taux pour la troisième fois depuis décembre 2021, la BoE a indiqué qu’elle était devenue moins certaine du rythme futur des hausses de taux d’intérêt en raison des retombées possibles du choc ukrainien. Bref, toutes les grandes banques centrales – à l’exception notable de la BOJ – visent toujours à normaliser leur politique monétaire, mais les retombées économiques de la guerre et des sanctions en définiront le rythme. Pour ces raisons, les parties longues des courbes de taux d’intérêt ont plutôt bien résisté à la hausse de taux courts et à celle des anticipations d’inflation.

Malgré l’impact positif de la baisse des restrictions sanitaires, la confiance devrait sensiblement se dégrader, surtout en Europe.

Plusieurs mois seront nécessaires pour mesurer l’impact de la guerre sur l’économie mondiale. Les premières indications viendront des enquêtes de confiance auprès des ménages et des entreprises. Malgré l’impact positif de la baisse des restrictions sanitaires, la confiance devrait sensiblement se dégrader, surtout en Europe. Dans une note récente, Bank of America suggère que, selon son indicateur dérivé d’une analyse «big data» quotidienne, le sentiment économique général se serait déjà autant dégradé qu’en mars 2020 en zone euro. Le choc réel étant évidemment beaucoup moins rude qu’il y a deux ans, cela laisse à penser que le choc émotionnel de la guerre risque de biaiser les données d’enquêtes de manière significative. Il faudra donc être prudent dans l’interprétation des résultats.

L’Europe touchée, les Etats-Unis rescapés?

Reste qu’un ralentissement économique européen semble inévitable. Les perspectives sont en revanche plus disputées pour les Etats-Unis, son économie étant nettement moins dépendante de la Russie. Le supplément d’inflation apporté par la hausse des prix du pétrole va cependant agir comme une taxe sur la consommation. De plus, les indicateurs récents semblent déjà pointer vers un ralentissement économique, l’estimation «GDP Now» de la Réserve fédérale d’Atlanta anticipant une croissance de seulement +1,3% au premier trimestre (estimation au 17 mars). Mais ce même rapport montre que cette faible hausse du PIB est entièrement due à une nette baisse des stocks. Hors stocks, la demande intérieure reste très dynamique, avec une consommation qui pourrait dépasser 4% de croissance au premier trimestre, et l’investissement qui grimperait d’environ 10%.

On est donc encore en droit d’hésiter entre deux scénarios. Soit la crise ukrainienne conduit l’économie américaine sur la voie d’une modération durable de la croissance, qui permettrait d’atténuer progressivement les pressions inflationnistes sous-jacentes, avec des conséquences favorables pour les marchés financiers. Soit ce choc n’est qu’un trou d’air au milieu d’un boom inflationniste plus résilient qu’on ne l’imagine, et qui conduira à de nouvelles et fortes tensions sur les taux d’intérêt. Plusieurs semaines seront sans doute nécessaires avant de pouvoir trancher en faveur d’une des deux hypothèses. Pour l’instant, il semble prudent d’éviter le marché obligataire, dont la valorisation s’est encore aggravée avec des taux réels (hors inflation) presque partout négatifs. Est de se concentrer sur des fonds flexibles et des stratégies actions-cash, les actions portant des valorisations ajustées du risque nettement plus attractives que les obligations (y compris les obligations d’entreprise).

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