La chimie, l’autre secteur qui profite de l’essor des véhicules électriques

Yves Hulmann

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L’électrification croissante du parc automobile profitera aussi à des groupes de chimie de spécialité, observe Daniel Schwarz, analyste chez Stifel.

© Keystone

Pas une semaine ou presque ne se passe sans qu’un constructeur automobile n’annonce de nouveaux investissements dans les véhicules électriques. Lundi, c’est Nissan qui était au centre de l’attention : le constructeur automobile japonais envisage de cesser presque totalement le développement de nouveaux moteurs à combustion, à l’exception notable des Etats-Unis, afin de pouvoir se concentrer sur celui des véhicules électriques sur ses principaux autres marchés, affirmait le quotidien économique Nikkei en début de semaine. Les rumeurs à propos du repositionnement envisagé par Nissan illustrent une nouvelle fois à quel point la question de l’électrification du parc automobile devient incontournable pour les acteurs de la branche. La part croissante des véhicules électriques au sein de l’offre proposée par les grands groupes automobiles – et pas seulement les acteurs spécialisés comme Tesla ou Rivian – entraînera aussi des changements en profondeur pour tous les fournisseurs et équipementiers qui fabriquent des pièces ou éléments nécessaires aux constructeurs proprement dits.

Les émissions de CO2 par kilomètre en nette baisse depuis 2020

La forte baisse des émissions moyennes de CO2 émises par les flottes de véhicules, qui s’observe aussi chez les marques généralistes, atteste de la transformation en cours. Dans le cas de l’Allemagne, les émissions de CO2 par kilomètre parcouru ont fortement diminué au cours de la seule année 2021, passant de près de 127 g/km en janvier à 103 g/km en décembre dernier, selon des données présentées fin janvier par la société d’analyse Stifel lors d’une vidéo-conférence consacrée à ce sujet. Si la tendance a été largement similaire chez BMW et Volkswagen, le mouvement a été encore plus prononcé chez une marque comme Daimler, avec une valeur moyenne qui est passée de 120 g/km en janvier à près de 98 g/km en décembre. «En termes d’émissions de CO2, l’évolution observée chez Daimler est la plus impressionnante observée parmi les grands constructeurs automobiles européens», a commenté Daniel Schwarz, analyste spécialisée dans le secteur automobile chez Stifel.

En termes de valorisation, les actions des fournisseurs d’équipements pour ce secteur se traitent souvent avec des multiples de bénéfices plus élevés que les titres des constructeurs automobiles eux-mêmes.

Hormis les constructeurs automobiles eux-mêmes, les entreprises issues du secteur de la chimie joueront aussi un rôle clé dans ce processus de transformation. Outre les batteries, les véhicules électriques nécessitent en effet des composants hautement spécialisés dans divers domaines. D’une part, il y a l’ensemble des équipements qui sont utilisés pour la distribution du courant («power distribution») dans les différentes parties du véhicule, par exemple pour l’isolation électrique. D’autre part, il est aussi nécessaire de disposer de nombreux composants servant à la gestion thermique («thermal management») au sein des véhicules.

Chimie européenne: 32 milliards d’euros de revenus liés à l’automobile

Pour chacune de ces spécialités, on retrouve les noms des géants internationaux de la chimie tels que BASF, Clariant ou Solvay mais également des acteurs de plus petite taille hautement spécialisés, à l’exemple du groupe EMS-Chemie basé à Coire. Rien que pour l’Europe, les entreprises de chimie cotées en bourse génèrent globalement plus de 32 milliards d’euros de revenus en lien avec le secteur automobile, selon des estimations de Stifel Research.

A cet égard, il est intéressant d’observer que si, en valeur absolue, ce sont sans surprise les grands groupes actifs dans la chimie BASF, Covestro, Air Liquide, Solvay et Linde qui, dans cet ordre, occupent le haut du tableau en termes de revenus générés grâce au secteur automobile, le classement apparaît sous un jour différent lorsque l’on tient compte de la part du chiffre d’affaires en pourcent en lien avec cette branche. Dans ce cas, c’est EMS-Chemie qui, avec plus de 60% de ses ventes réalisées dans le secteur automobile, occupe le haut du classement, suivi par les entreprises SGL, Fuchs Petrolub, BASF et Covestro.

En termes de valorisation, les actions des fournisseurs d’équipements pour ce secteur se traitent souvent avec des multiples de bénéfices plus élevés que les titres des constructeurs automobiles eux-mêmes. A titre d’exemple, les cinq constructeurs automobiles européens suivis par Stifel se négocient avec un ratio cours/bénéfice (P/E) de 6,4 par rapport aux bénéfices estimés pour l’exercice 2022, comparé à un multiple de 13,3 pour la dizaine de fournisseurs d’équipements couverts par la société d’analyse.

En comparaison des autres types de véhicules, le temps nécessaire pour recharger un véhicule électrique apparaît à première vue comme un inconvénient.

En comparaison des autres types de véhicules – qu’il s’agisse des moteurs à combustion classiques ou ceux qui pourraient fonctionner à l’hydrogène –, le temps nécessaire pour recharger un véhicule électrique apparaît à première vue comme un inconvénient. Cette contrainte peut toutefois aussi être mise à profit par les constructeurs, les sociétés de service ou des entreprises partenaires, en proposant des espaces de détente, de restauration ou des possibilités d’aller faire des achats pendant que la batterie du véhicule est en train d’être rechargée.

Les points forts spécifiques de quatre constructeurs européens

Au final, quels sont les constructeurs européens qui disposent des meilleures cartes pour s’imposer dans le domaine de la voiture électrique? En comparant les spécificités de quatre groupes européens – à savoir Volkswagen, Daimler, BMW et Volvo Cars –, les analystes de Stifel relèvent des points forts spécifiques à chacun d’entre eux. Concernant Volkswagen, Daniel Schwarz souligne la possibilité de réaliser des économies d’échelle et la forte capacité à imposer ses prix dont bénéficie le numéro un automobile en Europe. S’y ajoute aussi la perspective d’une IPO potentielle de Porsche en 2022 qui renforcerait l’attrait d’un investissement dans VW.

Du côté de Daimler, l’analyste met en exergue la capacité unique du groupe à imposer ses prix parmi les marques premium. Cet aspect est aussi souligné pour BMW qui bénéficiera aussi de la consolidation de sa coentreprise en Chine.

Quant à Volvo Cars, le groupe d’origine suédoise peut s’appuyer sur la proportion élevée de SUV comprise dans son offre, même si sa rentabilité est bien en-deçà des marques allemandes haut de gamme. Si la marque du constructeur suédois est jugée plus faible par Stifel, les actions de Volvo Cars, qui collabore du reste avec Northvolt dans le domaine des batteries, sont néanmoins attrayantes en termes de valorisation.