La BCE et sa boîte à outils zone euro

André Figueira de Sousa, DPAM

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Dernier mécanisme en date lancé par la Banque centrale européenne pour contrer une volatilité indésirable, l'Instrument de protection de la transmission (IPT) laisse encore perplexe.

Lancé le 1er janvier 1999, l’euro était la nouvelle monnaie unique symbolisant l'intégration européenne; un processus apportant paix, liberté et prospérité au continent. Afin de protéger cette monnaie et garder l’inflation sous contrôle, la Banque centrale européenne (BCE) a été créée, avec pour responsabilité de superviser les banques de la zone euro, élaborer et émettre des billets de banque, veiller au bon fonctionnement des infrastructures financières et contribuer à préserver la stabilité financière. Une dernière mission devenue particulièrement importante, surtout après la crise de l'euro. En tant que jeune institution, la BCE continue encore à développer les outils nécessaires pour remplir au mieux ses objectifs.

Parmi ces outils, nous pouvons citer les célèbres opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO), qui offrent des financements attrayants aux établissements de crédit. En proposant aux banques des financements à long terme à des conditions attractives, la BCE maintient des conditions d'emprunt favorables aux banques et stimule les prêts dans l'économie réelle.

Grâce à leur structure, les programmes de sauvetage ont été financés avec un risque minimal et pratiquement sans coût direct pour les contribuables des autres pays de la zone euro.

Différents programmes ont été mis en place progressivement pour cibler différents types de risques sous-jacents. Ainsi, pendant la crise financière de l'euro, la BCE a été obligée d'intervenir et a lancé en 2010 le Programme pour les marchés de titres (SMP), afin de pouvoir acheter activement des titres de créance publiques et privées de la zone euro. Elle a ainsi assuré la profondeur et la liquidité de ces segments de marché alors dysfonctionnels. L'objectif était de remédier aux dysfonctionnements des marchés des capitaux d'emprunt et de rétablir un mécanisme approprié de transmission de la politique monétaire. L'ampleur des interventions a été déterminée par le Conseil des gouverneurs.

Cette mesure est restée d’application jusqu'en septembre 2012, lorsque le Conseil des gouverneurs de la BCE a annoncé un certain nombre de décisions relatives aux aspects techniques des transactions directes de l'Eurosystème sur les marchés secondaires. Dénommées Outright Monetary Transactions (OMT), ces opérations devaient être menées dans un cadre spécifique. Le critère le plus important consistait à fixer des conditions strictes et efficaces liées au programme approprié du Mécanisme européen de stabilité (MES). Mis en place en octobre 2012, ce dernier succédait au Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui avait été créé comme mécanisme temporaire de résolution des crises dans les Etats membres de la zone euro en 2010. Le MES est une solution permanente pour pallier l'absence d'un filet de sécurité pour les pays de la zone euro qui ne sont plus en mesure de recourir aux marchés des capitaux d'emprunt pour se financer.

Aujourd’hui, le FESF et le MES restent des entités juridiques distinctes mais partageant le même personnel, les mêmes installations et les mêmes opérations. Grâce à cette action collective, ils ont pu faire appel aux marchés financiers pour fournir des fonds de sauvetage à cinq Etats membres de la zone euro au plus fort de la crise. En outre, grâce à leur structure, les programmes de sauvetage ont été financés avec un risque minimal et pratiquement sans coût direct pour les contribuables des autres pays de la zone euro. Quant au cadre OMT, il peut se traduire par un programme complet d'ajustement macroéconomique du MES ou par un programme de précaution (lignes de crédit à conditions améliorées), y compris des achats du MES sur le marché primaire des États qui en ont besoin.

Autre outil, le programme d'achat d'actifs, «un ensemble de mesures de politique monétaire non conventionnelles qui comprend également des opérations ciblées de refinancement à plus long terme». Lancé à la mi-2014, il devait veiller à ce que le mécanisme de transmission de la politique monétaire dispose du niveau adéquat de flexibilité pour garantir la stabilité des prix. Parmi ces programmes, nous pouvons citer le Corporate Sector Purchase Programme (CSPP), le Public Sector Purchase Programme (PSPP) ou encore l’Asset-Backed Securities Purchase Programme (ABSPP).

Le IPT se concentrera principalement sur les titres du secteur public dont la durée résiduelle est comprise entre un et dix ans.

Lors de la dernière réunion de la BCE en juillet, un nouvel outil est apparu sur le marché, l'Instrument de protection de la transmission (IPT). Ce dernier vise à contrer une volatilité indésirable en termes de dynamique de marché. Il se concentrera principalement sur les titres du secteur public dont la durée résiduelle est comprise entre un et dix ans.

Toutefois pour être éligible au IPT, plusieurs facteurs doivent être remplis pour accorder le programme à un pays, en particulier:

  • Respecter le cadre budgétaire de l'UE: le pays ne doit pas faire l’objet d’une procédure de déficit excessif (PDE)
  • Absence de déséquilibres macroéconomiques graves: le pays ne doit pas faire l’objet d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs (PDE)
  • Viabilité budgétaire: la dette publique est viable, et la BCE tiendra compte des analyses de viabilité de la dette effectuées par plusieurs institutions européennes et internationales ainsi que de sa propre analyse interne
  • Des politiques macroéconomiques saines et durables, conformes aux engagements soumis dans les plans de redressement et de résilience pour le mécanisme de redressement et de résilience et aux recommandations de la Commission européenne spécifiques à chaque pays

Ce programme constitue un accomplissement important compte tenu de la rapidité avec laquelle il a été mis en place. Toutefois, il risque d'être difficile à mettre en œuvre vu les critères d'éligibilité définis par la BCE elle-même. Par ailleurs, la référence aux réinvestissements du Pandemic Emergency Purchase Programme et au cadre OMT pousse les marchés à s'interroger sur le degré de volatilité dont la BCE aurait besoin pour activer l'IPT, mais surtout sur les raisons pour lesquelles elle aurait besoin de l'IPT si un pays remplit déjà la majorité des critères d’éligibilité.

Alors que la BCE est en mode de resserrement monétaire, il est fort probable qu'il y ait davantage de nouvelles concernant le programme IPT après la pause estivale, lorsque l'activité reprendra sur le marché primaire des obligations d'Etat européennes. Une période qui pourrait être fort intéressante.

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