L’espoir face à la réalité

Axel Botte, Ostrum AM

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Les actions intègrent une reprise rapide de l’activité alors que les perspectives bénéficiaires plongent et que les taux sans risque sont orientés à la baisse.

©Keystone

Les marchés d’actions poursuivent leur remontée depuis le point bas du 23 mars 2020. Les principaux indices s’adjugent environ 2% sur la semaine boursière en Europe, au Japon et aux Etats-Unis. L’espoir d’un début de déconfinement le mois prochain a été amplifié par des statistiques chinoises meilleures en mars. La surperformance des secteurs cycliques les plus exposés à la crise sanitaire pose néanmoins question. Les taux sans risque diminuent de nouveau. Le 10 ans américain se rapproche de 0,60% et le Bund replonge vers -0,50%. Les spreads souverains restent sensibles aux calendriers d’émissions. Le BTP italien à 10 ans s’élargit ainsi au-delà de 220pb. A l’inverse, les spreads de crédit IG se réduisent de 23pb cette semaine aux Etats-Unis (210pb vs. UST) et de 9 pb en zone euro (200pb vs. Bund). 

Sur le front des devises, le dollar reste en forte demande
malgré l’activisme des banques centrales.

Le marché du high yield s’est en revanche désenchéri après l’euphorie consécutive aux dernières annonces de la Fed étendant son soutien aux dettes d’anges déchus. Le CDX HY oscille autour de 600pb (+67pb sur une semaine). Les obligations high yield européennes se traitent à un spread moyen de 664pb. Le pétrole replonge sous 20 dollars pour le baril de WTI. Concernant les devises, le dollar reste en forte demande malgré l’activisme des banques centrales. L’euro tombe sous 1,09 dollar. Le yen nippon est ferme mais l’or décroche sous 1700 dollars.  

Le graphique de la semaine

L’un des enseignements de la saison des résultats aux Etats-Unis est a très forte hausse des provisions pour pertes des banques américaines. 
Les 10 plus grandes institutions ont provisionné un total de 27 milliards de dollars de dollars au 1T20. Au pire de la crise de 2008, ce montant pour le même échantillon de banques avait atteint 43 milliards. L’effondrement actuel de l’activité et la hausse vertigineuse du chômage vont se traduire par une hausse des défauts de paiements. 
Cela étant, il est possible que ces institutions aient cherché à rassurer les parties prenantes en provisionnant beaucoup en amont de la dégradation escomptée.
 
Les actions s’accrochent aux espoirs de reprise

Les indices boursiers ont certes connu une correction de 3 à 4% mercredi mais l’optimisme semble de rigueur sur les marchés boursiers. Le message de Donald Trump laissant entrevoir un prochain déconfinement aux Etats-Unis a été bien accueilli par les marchés. Les résultats encourageants d’un traitement du COVID-19 testé dans plusieurs pays confortent l’espoir d’une sortie de crise. Par ailleurs, les statistiques chinoises révèlent une moindre contraction de la production industrielle en mars (-1,1%a). 

Cela étant, le PIB chinois se contracte de 6,8%a au 1t20, une chute sans précédent. Les dépenses des ménages ont plongé de 19% par rapport au 1t19. L’investissement apparait durablement affecté. Aux Etats-Unis, l’effondrement de l’activité transparait dans la plupart des publications. Les ventes au détail ont ainsi décroché le mois dernier (-8,9%m). Les enquêtes manufacturières (Empire, PhilFed) en chute libre en avril et les millions de nouveaux chômeurs chaque semaine laissent sans voix. Les 22 millions d’emplois créés depuis 2009 ont été effacés en 4 semaines. En outre, les 349 milliards de dollars de prêts aux PME débloqués par le Trésor ont déjà été alloués en totalité. Un soutien supplémentaire sera mis en œuvre à brève échéance.

Les volumes échangés ont diminué depuis le krach
de mars sans doute accentués par les flux de capitulation.
Le S&P à 21x les BPA 2020 

Une reprise rapide est intégrée dans les valorisations. Les volumes échangés ont diminué depuis le krach de mars sans doute accentués par les flux de capitulation. Le rebond actuel semble tiré par les rachats de positions vendeuses. Sur les marchés européens, la surperformance sur un mois des secteurs les plus touchés par les mesures sanitaires (automobile, transport, loisirs) pose questions. La plupart des entreprises ne communiquent plus sur leurs perspectives. Par ailleurs, les annonces de réductions de dividendes concernent désormais plus d’un quart de la cote européenne et près des trois-quarts des banques. En zone euro, les bénéfices par action devraient chuter de 24% en 2020 mais les analystes prévoient un retour à la profitabilité de 2019 dès l’an prochain. Aux Etats-Unis, les prévisions sur le S&P 500 font état d’une baisse des bénéfices par action limitée à 7%, alors même que l’effet relutif des rachats d’actions va diminuer de moitié. La hausse attendue des faillites va pourtant amputer l’économie d’une partie de son potentiel de redressement. Les provisions passées au 1t20 par les banques américaines semblent en effet préfigurer une crise de crédit similaire à 2008. Les valorisations actuelles nous semblent injustifiées. En effet, le PER 2020 du S&P s’élève à 21x. Une rechute des marchés semble inévitable si une reprise en V s’avère hors d’atteinte.

Reflux des taux sans risque

La hausse des valorisations boursières semble également incohérente avec la rechute des taux sans risque. A court terme, le soutien des banques centrales est certes sans limite. Christine Lagarde l’a rappelé cette semaine. Le rendement du Bund revient vers -0,50%. Le taux de dépôt semble ainsi constituer une force de rappel pour le 10 ans allemand. Outre l’arbitrage trésorerie-titre sans risque, le choix de l’état allemand de recourir aux émissions de billets de trésorerie réduit la pression qu’exerce habituellement les déficits sur les taux longs. Cela explique l’aplatissement de la courbe allemande. Le spread 10-30 ans français se resserre également malgré une dette publique projetée à 112% du PIB en 2020. Les Trésors européens ont accès au marché, grâce au soutien de la BCE, mais souvent au prix d’une décote avant les émissions, notamment en Espagne et en Italie. Le BTP italien reste volatile de sorte que les spreads à 10 ans se sont élargis vers 225pb. Le gouvernement italien pourrait solliciter une ligne de crédit de l’ESM en cas de dégradation des conditions de marché. Les spreads des dettes supranationales et d’agences sont aussi sous pression.

La tendance à la pentification s’est estompée
autorisant une diminution des achats quotidiens de la Fed.

Aux Etats-Unis, le T-note (0,64% en clôture) oscille entre 0,60% et 0,70%. La tendance à la pentification s’est estompée autorisant une diminution des achats quotidiens de la Fed. La Banque Centrale pourrait bientôt opter pour un ciblage des taux à long terme afin de limiter l’augmentation de son bilan mobilisé par d’autres dispositifs visant les marchés du crédit, les prêts aux PME ou la titrisation. Les spreads sur les créances hypothécaires (MBS) se sont élargis à mesure que les marchés intègrent une baisse des prix immobiliers, le risque de défaut de paiement et le risque de liquidité des sociétés de services financiers. 

Retour des flux sur le crédit

Sur le crédit en euro, la tendance est favorable grâce à une inflexion notable des flux vers la classe d’actifs depuis deux semaines. Les spreads diminuent régulièrement vers 210bp vis-à-vis du Bund. La BCE poursuit ses achats à un rythme soutenu depuis le lancement du PEPP (50mds investis sur 750 milliards d’euros). Le CSPP atteint 200 milliards d’euros. Les financières ont perdu du terrain par rapport aux cycliques la semaine passée. Le TLTRO-III de juin (attendu autour de 800 milliards d’euros) devrait néanmoins réduire les émissions bancaires cette année. Les spreads des dettes subordonnées se sont resserrés vis-à-vis des senior (risque de bail-in). Le high yield a partiellement effacé le resserrement de la semaine passée consécutif aux annonces de la Fed. Les spreads du high yield européen se situent aux alentours de 660pb.

Aux Etats-Unis, le crédit IG reste le marché le plus attrayant. La Fed a porté ses capacités d’action sur le crédit à 750 milliards de dollars. Les spreads moyens avoisinent 210pb par rapport aux Treasuries. Les achats d’ETFs de crédit, y compris sur le high yield ont ravivé les flux vers ces fonds. Nous restons néanmoins attentifs à la dynamique du CDX HY (+67pb sur cinq séances).

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