Investir dans l'eau

Simon Gottelier & Arnaud Bisschop, Thematics Asset Management

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La résistance historique à long terme de ce secteur devrait lui permettre de sortir du lot.

Simon Gottelier & Arnaud Bisschop, associés-fondateurs de Thematics Asset Management

Si l’on interroge quelqu’un sur les principales caractéristiques d’une stratégie d'investissement dans l'eau, toute personne ayant un peu d’intérêt pour ce domaine spécialisé mettrait probablement en évidence ses propriétés historiquement défensives, la capacité d’une telle stratégie à s’exposer à des services réglementés dédiés à l’eau (qui s’accompagnent d’une visibilité élevée des bénéfices, des flux de trésorerie, et des dividendes), ainsi qu'à un ensemble d'autres modèles économiques stratégiques liés à l'assainissement et à la santé. Ces caractéristiques ont en effet permis à de nombreuses sociétés participant à l'écosystème de l’eau de surmonter certaines des plus récentes et violentes corrections subies par les marchés actions mondiaux, tout en présentant généralement une moindre volatilité.

Les installations physiques sont cruciales dans l’acheminement et le retraitement
de la ressource la plus précieuse au monde, mais peut-être aussi la plus sous-estimée.

En substance, l’eau représente la seule véritable ressource nécessaire au maintien de la vie. L’investissement se réalise par l'intermédiaire d’un ensemble de modèles économiques qui couvrent les marchés des services aux collectivités, de l’agriculture, de l’industrie, ainsi que le résidentiel et commercial. En fait, cette ressource concerne tous les habitants de la planète, toutes les sphères de la vie, et tous les secteurs de l'économie: de la construction à l'exploitation minière, en passant par la production de semi-conducteurs et la fabrication de véhicules électriques. Plus simplement, il n'y a rien de mystérieux dans l’acheminement de l’eau à son utilisateur final. Cela nécessite la ressource elle-même, de l'énergie, mais surtout des infrastructures multiples et variées. En d'autres termes, les installations physiques sont cruciales dans l’acheminement et le retraitement de la ressource la plus précieuse au monde, mais peut-être aussi la plus sous-estimée.

Implications de la crise du COVID-19

Cette pandémie mondiale a bouleversé les conventions sociales, mis à l’arrêt l’industrie de la planète et confiné chez elle près d'un tiers de la population mondiale sur différentes périodes. La nature de la crise que nous traversons est différente de tout ce que nous avions expérimenté jusque-là. En ce qui concerne l’eau, la priorité a été accordée aux services, aux collectivités et aux sociétés industrielles en charge de «missions essentielles». Dans ce contexte, certaines sociétés se sont démarquées.

Premièrement les sociétés qui répondent à un besoin d'efficacité accrue tels que les entreprises d'équipements industriels qui ne dépendent pas exclusivement de nouveaux projets nécessitant de lourds capitaux pour lesquels des retards sont à prévoir, en particulier dans le secteur du pétrole et du gaz. Un regard attentif doit être porté sur les sociétés qui fabriquent des composants essentiels et trop importants pour ne pas être entretenus ou remplacés régulièrement.

La disponibilité de cette ressource, son rôle essentiel dans nos vies
et sa valeur à long terme sont actuellement négligés et sous-évalués.

Viennent ensuite les sociétés de contrôle de la pollution. Ces entreprises qui fournissent des laboratoires ou du matériel permettant de tester la qualité de l'eau. Ce sont souvent les mêmes entreprises qui sont impliquées dans les tests de dépistage des virus ou dans l'élaboration de vaccins.

Finalement, les sociétés d'infrastructures nécessaires à la gestion de l'eau. De façon très surprenante, certaines compagnies de services collectifs ont enregistré des performances financières décevantes. Alors que certaines sociétés opérant dans des activités régulées figurent toujours en tête des classements depuis le début de l’année, une grande partie de cette contribution positive provient de la période d’avant crise, la correction de ces valeurs ayant pris beaucoup d’investisseurs au dépourvu. Il convient à ce stade de souligner la compression des multiples à laquelle nous avons assisté, ainsi que les corrections particulièrement brutales subies par certaines valeurs relevant du sous-segment des «concessions».

Que signifie tout cela aujourd'hui?

Au fur et à mesure que les mesures de confinement continueront à être allégées, la demande refoulée stimulera un rebond des commandes. Même s’il n’est pas possible d’exclure le risque de secondes vagues de contamination en cas de déconfinement mal négocié, les investisseurs de long terme constateront une reprise de l'activité économique qui alimentera la hausse de l’ensemble des titres appartenant à l’univers investissable associé à la thématique de l’eau.

Compte tenu de la crise sanitaire que nous avons tous endurée, et du rôle que l'eau joue dans le lavage de mains et le maintien d’un espace de vie sain, la façon dont l'eau a été considérée comme «allant de soi» a été assez surprenante. Les achats paniques de papier-toilette observés au début des périodes de confinement ont été révélateurs. Très peu de personnes se sont interrogées à ce moment-là sur l’acheminement de l'eau ni sur les services d'assainissement nécessaires pour traverser cette période extrêmement difficile. Il est peu probable que les gens se précipiteront pour constituer des stocks d'eau quand cette crise s'estompera. Néanmoins, la disponibilité de cette ressource, son rôle essentiel dans nos vies et sa valeur à long terme sont actuellement négligés et sous-évalués. Quel type de crise faudra-t-il pour que les investisseurs reconsidèrent leur approche à l’égard de l'eau?

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