Industrie: pas d’embellie avant 2021

Yves Hulmann

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Credit Suisse et Swissmem ont esquissé différents scénarios pour l’industrie. Les difficultés ne font que commencer.

©Keystone

Alors que nombre d’économistes divergent sur la forme que prendra la reprise l’an prochain, Credit Suisse et Swissmem se sont penchés sur la situation plus spécifique de l’industrie lors d’une conférence téléphonique organisée la semaine dernière. Seule consolation: la baisse de l’activité dans l’industrie a, jusqu’ici, été un peu moins forte que celle observée dans le secteur tertiaire. Ainsi, l’indice des directeurs d’achats (PMI) a reculé à un moins de 30 points en avril dans l’industrie (production), contre environ 50 points en début d’année. Cet indice est tombé à moins de 20 points les services (activités commerciales), comparé à près de 60 points au début de 2020.

Pour la suite, l’effondrement de la demande extérieure ne signale rien de réjouissant. Le baromètre des exportations a déjà chuté en avril à un niveau qui n’avait plus été observé depuis la dernière crise financière. S’y ajoute la tendance au renforcement du franc, qui n’a pu être contenu que grâce aux interventions toujours plus massives sur les marchés des changes effectuées par la BNS depuis mars, rappelle Credit Suisse.

«Nous ne sommes qu’au début d’une période difficile.
Les prochains trimestres le seront encore davantage.»

Credit Suisse anticipe un redressement de la croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3,5% en 2021, après une contraction similaire (-3,5%) escomptée pour 2020. Le taux de chômage devrait se maintenir en moyenne à 3,5% l’an prochain, soit le même niveau que celui attendu pour cette année. Quant aux exportations de marchandises et services, la forte baisse escomptée pour cette année (-4%) devrait être suivie d’un net rebond de 7% en 2021. Malgré la reprise attendue l’an prochain, il ne faut pas s’attendre à ce que l’on revienne rapidement à la situation qui prévalait avant la crise du COVID-19: «en 2021, nous n’aurons pas encore retrouvé les niveaux affichés à fin 2019», prévient Maxime Botteron, économiste chez Credit Suisse. 

L’industrie MEM est le deuxième secteur
d’exportations en Suisse.

La Suisse exporte chaque année pour 220 milliards de francs. La pharma/chimie se place en tête avec environ 45% de ce total, comparé à 30% pour l’industrie MEM, suivi par l’horlogerie avec 9%. Qu’attendre pour ces prochains trimestres? L’industrie MEM est entrée dans la crise ce printemps après avoir connu une année 2019 déjà difficile, caractérisée par une baisse de 4,5% de son chiffre d’affaires, a rappelé Philippe Cordonier, responsable pour la Suisse romande chez Swissmem. Seules les années 2017 et 2018 avaient été nettement plus favorables. Au premier trimestre 2020, la situation s’est encore détériorée avec un chiffre d’affaires en nette baisse (-5,7%) sur un an même si les entrées de commandes ont moins reculé (-2%). Le fait que les indices des directeurs des achats s’affichaient en rouge en avril presque partout dans le monde, alors qu’ils étaient déjà en territoire négatif en 2019 en Allemagne - premier partenaire commercial de la Suisse avec une part de 25,6% des exportations de l’industrie MEM -, n’annonce rien de bon. «Nous ne sommes qu’au début d’une période difficile. Les prochains trimestres le seront encore davantage», redoute Philippe Cordonier. En témoigne aussi le fait que deux autres importants marchés d’exportations important pour l’industrie suisse, à savoir la France avec une part de 5,1% et l’Italie avec 4%, ont déjà subi de très fortes chutes entre janvier et mars, soit 18% s’agissant de l’Hexagone et de 19,5% pour la Péninsule.

28% des entreprises sondées n’anticipent
un rétablissement de la situation qu’à partir de 2021.

Pour Swissmem, les prochains mois s’annoncent d’ores et déjà comme particulièrement difficile: «une crise majeure frappera l’industrie MEM à partir du deuxième trimestre», écrivait Swissmem dans un document de présentation. A la question de savoir quand les sociétés sondées prévoient que l’activité de leur entreprise se rétablira, seule une toute petite proportion (13%) anticipe un retour à meilleure situation à compter de juin 2020, tandis qu’un tiers (34%) escompte une amélioration dès le troisième trimestre et un quart durant le quatrième trimestre. Mais pour 28% des sondés, l’activité de leur entreprise ne se rétablira qu’à partir de 2021.

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