Immobilier de bureau: le passage à vide se prolonge

Yves Hulmann

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Les titres des grandes sociétés immobilières cotées en bourse peinent à rebondir depuis mars. Le secteur fait face à une mutation en profondeur.

En périodes d’incertitudes, mieux vaut investir dans la pierre, entend-on souvent dire. En 2020, la crise sanitaire a remis en question de nombreuses certitudes, dans l’immobilier comme dans d’autres secteurs. Depuis mars, le marché immobilier évolue de manière très contrastée dans ses différents segments. Si l’immobilier résidentiel a, jusqu’ici, bien su bien résister, les surface de bureau et de vente subissent la crise de plein fouet. 

En Suisse, ce sont surtout les grandes sociétés immobilières cotées en bourse qui ont été les plus pénalisées par la pandémie de coronavirus, sans parvenir à réellement rebondir durant l’été. Ainsi, l’indice SXI Swiss Real Estates Shares (CHRES), qui regroupe les principaux leaders du secteur Swiss Prime Site, PSP, Allreal, Mobimo et Intershop, a perdu plus de 15% de sa valeur depuis début janvier. En comparaison, la situation reste beaucoup plus favorable du côté des fonds immobiliers: l’indice SXI Real Estate Broad Funds (SWIIT), qui regroupe plus d’une trentaine de fonds qui investissent au moins 75% de leurs actifs en Suisse, affiche même une légère hausse depuis le début de l’année. Durant la même période, l’indice élargi de la bourse suisse SPI a, lui, cédé près de 6%.

Certains segments spécifiques, comme l’immobilier spécialisé
dans la logistique, sont parvenus à tirer leur épingle du jeu.

Parmi les grandes sociétés immobilières cotées, ce sont essentiellement les deux leaders de la branche, soit Swiss Prime Site (SPS) (-31% depuis janvier) et PSP (-18%) qui ont le plus souffert de la pandémie, alors que Allreal est resté stable. Il est aussi frappant d’observer que les titres de SPS et de PSP n’ont pratiquement pas rebondi durant l’été, même lorsque les bourses regagnaient constamment du terrain. Certes, la partie est encore loin d’être terminée: durant la précédente crise financière, les titres des deux plus grandes sociétés immobilières cotées en Suisse avaient aussi plongé durant l’automne 2008. Elles s’étaient toutefois rapidement redressées à partir de la mi-2009, parvenant même à retrouver leurs niveaux d’avant-crise fini 2010.

En ira-t-il de même cette fois? Un certain doute est perceptible du côté des professionnels du secteur concernant les perspectives pour l’immobilier commercial, en particulier s’agissant des surfaces de bureau classique et celles destinées au secteur de la vente de détail. 

Certes, certains segments spécifiques, comme l’immobilier spécialisé dans la logistique, sont parvenus à tirer leur épingle du jeu depuis l’éclatement de la crise sanitaire ce printemps. Les enseignes actives dans le commerce en ligne ont toujours davantage besoin de locaux adaptés pour assurer les livraisons à leurs clients.

De même, l’immobilier résidentiel ne montre pas de signe de faiblesse jusqu’à présent. Selon une étude de Wüest Partner, le nombre de transactions concernant les propriétés par étage réalisées au cours du deuxième trimestre 2020 a même dépassé celui de la même période de l’an précédant. A la mi-octobre, un indice calculé par MoneyPark indiquait également que les prix de l’immobilier résidentiel sont, jusqu’à présent restés stables en dépit de la crise du coronavirus, les maisons individuelles étant même encore davantage recherchées qu’avant la pandémie. 

Attendre la reprise économique ne suffira pas durant la prochaine décennie.

Dans l’immobilier de bureau, l’ambiance est tout autre. Un sondage réalisé en juillet dernier par Jones Lang LaSalle (JLL) et publié fin septembre, incite à la prudence: près d’un tiers (29%) des 318 entreprises interrogées issues de toutes les branches de l’économie en Suisse indiquent qu’elles auront besoin de moins de surfaces de bureau, alors que près de la moitié des sociétés sondées prévoient aussi d’optimiser leur besoin en surfaces de bureau par collaborateurs. En tout, le besoin en surfaces de bureau devrait diminuer de 5 à 10% au cours des trois prochaines années, estime le spécialiste de l’immobilier. L’enquête a montré que la pandémie de COVID-19 n’influencera pas seulement la manière de travailler à l’avenir et l’aménagement des places de travail mais qu’elle laissera aussi des traces sur le marché immobilier, concluait Jones Lang LaSalle.

Au final, la forte correction subie depuis mars par les sociétés fortement exposées au secteur de l’immobilier de bureau reflète une double incertitude. D’une part, celle liée à l’absence de visibilité quant à l’horizon de sortie de la crise sanitaire. D’autre part, celle, plus fondamentale, liée à la transformation des habitudes de travail qui perdurera après la crise. A Londres, des études estimaient que seulement un tiers des employés étaient revenus travailler à leur place de travail habituelle dans les semaines qui ont suivi le déconfinement au début de l’été. Les professionnels de la branche envisagent d’ores et déjà de réaménager complètement certaines surfaces de bureau après la crise, par exemple en prévoyant davantage d’espaces de rencontre pour les employés.

Dans tous les cas, les conséquences de la crise du COVID-19 ne seront pas seulement conjoncturelles. Attendre la reprise économique ne suffira pas durant la prochaine décennie - les sociétés immobilières devront montrer qu’elles ont été capables de s’adapter à une mutation en profondeur des habitudes de travail, tant du côté des entreprises que de leurs employés.

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