Faut-il acheter du Bitcoin?

Charles-Henry Monchau, FlowBank

3 minutes de lecture

Le Bitcoin est l’actif «star» de l’année Covid. Est-ce une bulle prête à éclater ou la suite d’un extraordinaire marché haussier?

Une année 2020 charnière pour le Bitcoin

La capitalisation boursière du Bitcoin vient de dépasser les 500 milliards de dollars, une taille supérieure à celle de Visa. Le Bitcoin est désormais la 7ème plus grande devise du monde – juste derrière la roupie indienne.

Après le fameux «hiver des crypto-devises», période durant laquelle le Bitcoin était retombé vers les 3000 dollars, l’année 2020 a été faste pour la monnaie digitale. Le Bitcoin est tout simplement l’actif qui affiche la meilleure performance sur l’ensemble de l’année, surperformant très nettement le Nasdaq ou l’or.

Notons que la phase actuelle semble être différente de celle de 2017. Tout d’abord, la hausse récente passe relativement inaperçue. Une recherche sur Google Trend du mot clé «Bitcoin» met en évidence une dichotomie saisissante: alors que le Bitcoin était très souvent mentionné dans les principaux médias en 2017, la crypto-devise est véritablement «snobée» en 2020.

La hausse du Bitcoin semble moins influencée par les spéculateurs
et davantage par des investisseurs avec un horizon à long-terme.

D’autre part, l’écosystème du Bitcoin est beaucoup plus développé qu’il y a 3 ans. De nombreux acteurs se sont équipés d’infrastructure adéquate, que cela soit en termes de plateforme de trading, des moyens de transfert ou de solutions sécurisées de dépôt des Bitcoin. Les banques ont massivement investi en technologie mais aussi en ressources humaines. Les possibilités d’investir dans du bitcoin ont également évolué. Des marchés «futures» ont vu le jour sur le OKEx ou le Chicago Mercantile Exchange (CME). Et les volumes explosent. Certes, il n’existe pas encore d’ETF sur le Bitcoin. Mais il existe des ETP (exchange traded products) ou encore le Trust côté de Grayscale (GBTC), qui vient d’atteindre une taille de 20 milliards de dollars.

De plus, la hausse du Bitcoin semble moins influencée par les spéculateurs et davantage par des investisseurs avec un horizon à long-terme. Il s’agit notamment de clients fortunés ainsi que certains hedge funds. Le New Yorkais Guggenheim Partners et BlackRock ont signalé leur intérêt pour la crypto-devise en tant que classe d’actifs.

Enfin, le Bitcoin est en train d’être adopté comme moyen de paiement par quelques grandes sociétés tels Square ou Paypal. Le Bitcoin fait également son entrée dans le bilan des entreprises. Une dizaine de grandes sociétés cotées ont fait le pari du Bitcoin en y investissant une partie de leurs liquidités.

Malgré (ou à cause) de son ascension parabolique, le Bitcoin reste très controversé, la grande majorité des investisseurs préférant encore l’ignorer. Le Bitcoin est-il une bulle spéculative qui peut éclater à tout moment? A contrario, est-ce que les investisseurs sous-estiment le potentiel de hausse du Bitcoin?

Le Bitcoin est porté par deux grandes tendances

Le fait que le Bitcoin ait littéralement explosé en 2020 n’est peut-être pas dû au hasard. Certes, le déferlement de liquidités depuis le mois de mars a entretenu la spéculation. Mais les deux grandes tendances qui ont porté le Bitcoin depuis son lancement en 2009 – la digitalisation et la dévaluation des devises «fiat» - ont connu un coup d’accélérateur en 2020.

Aux Etats-Unis, 30% des nouvelles émissions de toute l’histoire
du dollar ont eu lieu depuis le mois de mars…

En effet, avec la pandémie et le boom de l’e-commerce, le recours aux devises digitales devient une évidence. D’ailleurs, les banques centrales en ont bien conscience et lancent leurs CBDCs (Central Bank Digital Currencies). Alors que certains analytes craignent que les CBDCs sonnent le glas du Bitcoin, l’effet pourrait être opposé. L’institutionnalisation des devises digitales par les autorités gouvernementales pourrait agir tel un cheval de Troie, ouvrant la voie à une adoption planétaire des crypto-devises.

L’année 2020 restera dans les mémoires non seulement comme l’année «covid» mais aussi celle où les machines à imprimer les billets de banque se sont emballées. Aux Etats-Unis, 30% des nouvelles émissions de toute l’histoire du dollar ont eu lieu depuis le mois de mars… De ce fait, les investisseurs cherchent à se protéger en achetant des actifs dits tangibles tels que l’or et l’argent mais aussi l’or digital – c’est-à-dire le Bitcoin. Il existe une corrélation étonnante entre l’augmentation de la taille des bilans des banques centrales et le prix du bitcoin. Acheter du Bitcoin revient en quelque sorte à parier sur une poursuite de la politique monétaire actuelle.

«Ce qui est rare est cher»

L’émission effrénée de devises «fiat» a créé une prime à la rareté, ce qui explique en partie l’envol des prix d’actifs aussi différents que les chalets à Gstaad, l’or ou le bitcoin.

Pourquoi le Bitcoin profite-t-il de cette prime à la rareté?

Le Bitcoin est le premier actif numérique qui ne peut pas être copié, dupliqué, piraté ou falsifié. Lors du lancement du Bitcoin en 2009, son ou ses développeurs ont stipulé dans le protocole que la production de bitcoin serait un jour plafonnée à 21 millions. A noter que l’offre actuelle est d’environ 18,5 millions et que la production de nouveaux Bitcoin diminue de moitié environ tous les quatre ans («le halving»).

Ainsi, plus de 85% des Bitcoin ont déjà été produits et le tout dernier Bitcoin devrait être généré en 2140. À partir de là, l’offre de Bitcoin sera plafonnée à tout jamais. Aujourd’hui, il n’existe que 0,35 Bitcoin disponible par millionnaire.  

Le Bitcoin pourrait non seulement tenir son rôle d’unité
de réserve mais aussi devenir un moyen de paiement.

«Plan B», un investisseur institutionnel néerlandais, a émis l’hypothèse que la rareté, telle que mesurée par un modèle appelé Stock-to-Flow (SF), a un lien de cause à effet sur la valeur d’un actif. En d’autres termes, plus le SF est élevé, plus le Bitcoin est élevé.

Suivant le modèle développé par plan B, la capitalisation estimée du Bitcoin après le «halving» de mai 2020 est de 1000 milliards de dollars, soit un prix du Bitcoin de 55,000 dollars. Le même modèle prédit que le prix du Bitcoin devrait atteindre 100,000 dollars d’ici la fin de 2021.

Quels sont les facteurs qui pourraient provoquer une telle envolée du prix? Comme mentionné précédemment, le statut d’«or digital» pourrait continuer à susciter l’intérêt des investisseurs tournés vers les valeurs refuges, des épargnants subissant une dévaluation massive de leur monnaie domestique (Venezuela, Iran, etc.) mais aussi des investisseurs privés et institutionnels dont l’exposition au Bitcoin est pour l’instant quasi nulle.

Le Bitcoin pourrait non seulement tenir son rôle d’unité de réserve mais aussi devenir un moyen de paiement comme nous l’avons évoqué au début de l’article. Rappelons que PayPal compte plus de 346 millions de comptes actifs, dont 26 millions de marchands. Ainsi, la demande de Bitcoin pourrait fortement augmenter dans les années à venir alors même que l’offre marginale va continuer à diminuer. Toutes chose égales par ailleurs, l’effet sur le prix devrait donc être positif.

Cependant, les risques liés à l’investissement dans le bitcoin restent très importants. Citons par exemple le piratage de certains échanges, la potentielle interdiction du Bitcoin par certaines autorités gouvernementales, etc. Enfin, rappelons que la volatilité du Bitcoin reste très élevée.

Conclusion

2020 restera une année charnière pour le Bitcoin. Alors que de nombreux facteurs expliquent la tendance haussière, le prix a connu une évolution parabolique ces dernières semaines. De ce fait, certains analystes techniques évoquent un risque de correction de 30% à 40% en début d’année. Peut être l’occasion pour certains investisseurs d’initier une position?

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