Et s'il n'y avait plus d'OMC?

Philippe G. Müller & Geoffrey Yu, UBS

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Ces jours-ci, on dirait qu'il faut savoir se contenter d'accords partiels dans les règlements de conflits commerciaux entre Etats.

Siège de l'OMC à Genève. ©Keystone

La semaine dernière, la question du commerce est repassée au premier plan et, pour une fois, ce n'est pas le différend commercial sino-américain qui a fait l'actualité. De leur côté, la France, l'Argentine et le Brésil devront désormais composer avec une incertitude plus marquée, en plus d'un environnement commercial déjà problématique à l'échelle mondiale.

Point positif en revanche: Washington et Pékin s'efforcent de maintenir le cap en vue de la signature du premier volet d'un accord commercial. Pour leur part, Tokyo et Séoul se montrent plus disposés à aplanir leur différend, de peur que leur économie très dépendante des exportations ne souffre davantage. La semaine dernière, le Japon a ratifié un nouvel accord commercial avec les Etats-Unis, qui réduira les droits de douane sur ses importations et améliorera son accès au marché américain. 

Les longues négociations commerciales dans le cadre de l’OMC
ou entre blocs ont laissé la place au chacun pour soi. 
Incertitude pour tous

La prudence qui caractérise les prévisions de croissance pour l'an prochain tient notamment à l'incertitude sur le front du commerce mondial, qui a peu de chances de se dissiper. Les trois pays susmentionnés, qui se sont retrouvés la semaine dernière dans le collimateur des Etats-Unis, sont pourtant des alliés de Washington. Tous les pays et tous les blocs commerciaux savent désormais que personne n'est à l'abri. 

Par ailleurs, il semble que la pratique traditionnelle des longues négociations commerciales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou entre blocs a laissé la place au chacun pour soi. 

Vent en poupe des accords partiels

Le Japon a ratifié son accord commercial (également qualifié de «partiel») avec les Etats- Unis dans un temps record. D'aucuns redoutent que cette célérité ne s'explique par la volonté d'échapper à de nouveaux droits de douane par la suite. 

Une fois écoulé le délai de six mois accordé par Washington, l'Union européenne (UE) a réussi à éviter l'instauration de droits de douane sur ses exportations de voitures. Néanmoins, si la relation commerciale entre les Etats-Unis et le Japon se détend durablement lors des douze prochains mois, l'UE sera peut-être tentée de sortir de sa posture défensive pour prendre les devants. 

L'UE a peut-être pris acte du fait que la voie bilatérale
est la seule possible dans l'immédiat.

Cela ne laisse pas pour autant entrevoir une résurrection du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement entre l'UE et les Etats-Unis. Ces jours-ci, on dirait qu'il faut savoir se contenter d'accords partiels. Après tout, le Japon n'a pas considéré que le nouvel accord avec les Etats-Unis se substituait à une adhésion de ces derniers au Partenariat transpacifique. 

Accords bilatéraux plus efficaces

Il existe une autre raison pratique au fait de privilégier le dialogue bilatéral. Depuis le 11 décembre, l'Organe de règlement des différends de l'OMC est paralysé. L'Organe d'appel, qui est essentiel à son fonctionnement, est suspendu car il ne compte plus qu'un juge. Depuis deux ans, les Etats-Unis mettent leur veto à la nomination de nouveaux juges, considérant que les accords bilatéraux sont plus efficaces. 

L'OMC n'a pas toujours donné raison à l'UE, mais son cadre multilatéral reposant sur des règles a toujours eu, par le passé, ses faveurs, ainsi que celles du Japon, de la Chine et d'autres pays. En juillet, l'UE s'est engagée avec réticence sur la voie des accords bilatéraux lorsqu'elle a accepté la création d'un organe provisoire de règlement des différends bilatéraux. 

Les règles de l'OMC permettent (vaguement) la création de tels organes provisoires. L'UE a peut-être pris acte du fait que la voie bilatérale est la seule possible dans l'immédiat. Néanmoins, il est probable qu’elle continue à jouer un rôle moteur pour préserver un système mondial fondé sur les règles et qu’elle n'aura probablement pas de mal à trouver des alliés en chemin. 

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