Des adages boursiers pour comprendre le présent et ne pas (trop) craindre l’avenir

Frédéric Leroux, Carmignac

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Les menaces qui pèsent sur l’économie et les marchés ne semblent pas faire trembler les investisseurs. Les indices boursiers poursuivent leur ascension depuis de longs mois. Mais ce phénomène plutôt paradoxal s’explique.

Quel retournement de situation! L’ambiance était vraiment morose parmi les investisseurs l’été dernier. Pourtant, la période qui vient de s’écouler a été particulièrement favorable aux marchés actions des économies avancées: avec +16% pour l’indice S&P500 et +31% pour l’Euro Stoxx 50, entre fin septembre 2022 et fin avril 2023. Cette belle envolée est-elle si atypique? Quels enseignements en tirer pour les prochains mois?

Ce rebond massif a été précédé par un resserrement monétaire sans équivalent dans le passé, exacerbé par les effets initiaux de la guerre en Ukraine sur le prix de l’énergie. Cependant, ni l’anticipation de la fin du resserrement monétaire, ni la normalisation progressive de la conjoncture économique plusieurs mois après le déclenchement des hostilités, ni même le recul de l’inflation sous-jacente américaine dès le mois d’octobre ne peuvent à eux seuls justifier un tel rebond des indices: en Europe, ils ont ainsi effacé l’ensemble de la baisse subie l’an dernier.

En effet, face à ces facteurs incontestablement positifs, un certain nombre de menaces persistent, dont certaines récurrentes, tels que les tensions géopolitiques liées à la Chine, le plafond de la dette aux Etats-Unis, les valorisations boursières américaines jugées élevées, ou désormais l’équation énergétique. Les effets retard du resserrement monétaire sans précédent sont aussi à prendre en compte. La crise bancaire américaine n’en est-elle pas une matérialisation probante?

La réduction de l’offre de crédit qu’elle engendre augmente encore la probabilité de la récession américaine. Cependant, nous n'anticipons qu’une récession relativement modérée, car une récession profonde serait dangereuse pour la soutenabilité de la dette, ce dont les banques centrales sont parfaitement conscientes. Ensuite, la baisse de l’inflation devrait conduire à une hausse des salaires réels, permettant aux consommateurs d’amortir en partie le choc économique.

Qu’un tel environnement n’affecte pas les marchés n’est pas si inhabituel. Il reflète une évolution paradoxale des marchés, finalement peu sensibles aux informations macro-économiques ou géopolitiques et qui se comportent davantage en fonction d’un positionnement extrême des investisseurs.

Le resserrement monétaire de 2022-2023 et les inquiétudes relatives à la guerre en Ukraine ont en effet suscité des ventes massives, provoquant ainsi un positionnement très négatif à l’égard des marchés actions, voire trop négatif eu égard aux flux de nouvelles qui ont accompagné ces deux événements majeurs. Le marché s’était mis, par son sous-positionnement sur les actions, en position d’«escalader le mur d’inquiétude» – («A bull market climbs a wall of worry», disent les Anglo-saxons).

Un positionnement trop négatif par rapport à la perception instantanée des marchés permet ainsi leur ascension. Les retardataires se trouvent forcés d’acheter tous les creux de marchés, pour prendre le train en marche. «Buy the dips!» («Achetez les creux!») est la mentalité qu’il faudrait alors adopter pour ne pas rester au pied du mur. Le mur s’escalade et les creux se comblent par ces achats tardifs et contraints tant que le positionnement reste trop faible. A moins que survienne une vraie surprise négative – préférablement exogène –, comme l’irruption du Covid début 2020, qui interrompit brutalement l’ascension paradoxale de l’année 2019.

Après ces constats qu’attendre pour les prochains mois, typiques d’une fin de cycle, avec des marchés d’actions tiraillés entre les espoirs d’une pause dans le resserrement monétaire et la peur d’une dégradation de la conjoncture? Le positionnement actuel des investisseurs est sensiblement moins négatif qu’au cours de l’été dernier. Pourtant il reste de grandes gestions, diversifiées comme alternatives, largement sous-investies qui pourront en conséquence aider le marché à poursuivre son ascension.

Au-delà, et compte tenu des menaces qui continuent de peser sur l’économie et les marchés, ces derniers devront transformer de mauvaises nouvelles fondamentales en bonnes nouvelles pour eux-mêmes  («Bad news is good news!»), comme lors de la décennie précédente où la faiblesse récurrente de l’activité économique garantissait un soutien monétaire et une liquidité favorables aux valorisations.

La crise bancaire américaine pourrait bien être une bonne candidate à cette transformation de mauvaises nouvelles en bonnes nouvelles. En réduisant l’offre de crédit et en forçant la banque centrale américaine à injecter en masse de la liquidité dans le système financier, cette nouvelle crise pourrait répondre aux attentes du marché, à travers un recul de l’activité poussant les prix à la baisse, et apporter simultanément le remède à cette faiblesse économique : le desserrement monétaire. Le paradoxe d’un marché en ascension malgré des fondamentaux menaçants pourrait alors se poursuivre, tant qu’une profonde récession serait évitée.

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