Contrôler la température économique du Vieux Continent

Stefan Eppenberger & Michaela Huber, Vontobel

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Les économistes qualifient volontiers d’«homme malade de l’Europe» tout État européen éprouvant des difficultés économiques.

En 2022 et 2023, les «hommes» semblent avoir été nombreux à être malades: première économie européenne et fortement exportatrice, l’Allemagne a ainsi été plombée par la faiblesse de la demande extérieure, la crise énergétique de 2022 consécutive à l’invasion de l’Ukraine, les difficultés de son marché immobilier et les mouvements de protestation à répétition. La France et l’Italie ont également été confrontées à la faiblesse de la demande industrielle et à des grèves. 

Après deux ans de croissance inférieure à la moyenne, l’économie de la région semble connaître une certaine stabilisation. Cela tient à plusieurs raisons. D’une part, les effets les plus néfastes de la hausse des taux d’intérêt semblent désormais révolus. Selon l’enquête de la BCE sur la distribution du crédit bancaire, les banques européennes ont, ces derniers mois, considérablement assoupli leurs normes en matière de crédit. Les banques tablent par ailleurs sur une augmentation de la demande de crédit au second semestre. 

La baisse de l’inflation constitue un autre facteur positif. Les prix à la production européens évoluent en territoire négatif et ils ont encore, en glissement annuel, baissé de 8,6% au mois de janvier. Cela tient, pour partie, à la baisse des prix de l’énergie. L’évolution des prix à la consommation est également encourageante, car ceux-ci n’ont augmenté que de «seulement» 2,6% en février. Pour certains postes de dépenses, tels que les services, la hausse demeure néanmoins élevée, à près de 4%. 

Les services constituent la composante la plus complexe de l’inflation, car dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, la hausse des salaires n’est répercutée qu’avec un décalage considérable. 

Stabilisation en l’absence d’accélération économique significative 

Si la baisse des taux d’intérêt et de l’inflation devrait donner un coup de fouet à l’économie, cette dernière n’est guère soutenue sur plan budgétaire. Le Fonds monétaire international (FMI) estime ainsi que les dirigeants européens font preuve d’une certaine retenue budgétaire depuis deux ans. Le FMI n’envisage d’ailleurs pas que cette retenue se transforme en impulsion positive dans les années à venir. Il est, en outre, peu probable que les consommateurs contribuent à une hausse significative dans un avenir proche. De fait, alors que la consommation privée US s’est révélée extraordinairement résistante, la situation est différente en Europe, car la crise énergétique y a provoqué un effondrement durable de la consommation privée. 

La politique monétaire actuelle est trop restrictive 

Quoi qu’il en soit, la BCE n’est pas pressée de réduire ses taux d’intérêt, et la présidente de la BCE, a, sur ce point, plusieurs fois indiqué que la poursuite d’une croissance vigoureuse des salaires l’incitait, comme nombre de ses collègues, à attendre la publication des données salariales au deuxième trimestre. Le commentaire selon lequel «nous en saurons un peu plus en avril, et beaucoup plus en juin» pourrait laisser présager une première baisse des taux d’intérêt de la BCE en juin. 

Cette fixation sur les salaires semble toutefois déplacée. D’une part, parce que les salaires constituent l’un des indicateurs les plus à la traîne. De fait, la forte hausse récente des salaires peut être considérée comme une sorte de rattrapage des revenus réels (c.-à-d. des revenus corrigés de l’inflation), car les salaires ne réagissent généralement qu’à l’inflation passée. La BCE ne devrait donc pas y accorder plus d’attention qu’il n’en faut. D’autre part, parce que certaines mesures de l’inflation de base sont déjà revenues à l’objectif d’inflation de 2%. Enfin, parce que les taux d’intérêt réels (taux de refinancement de la BCE moins inflation de base) montrent qu’il est temps de réduire les taux d’intérêt: la BCE n’a pas relevé ses taux depuis plusieurs mois, mais les taux d’intérêt réels continuent d’augmenter du fait de la baisse de l’inflation, ce qui freine la reprise économique tant attendue.

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