Changement de boussole pour les marchés

Olivier de Berranger, La Financière de l'Echiquier

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Après un premier semestre focalisé sur l’inflation, les investisseurs sont-ils en train de s’en détourner pour porter leur attention sur le ralentissement de la croissance mondiale?

Ces dernières semaines, cela semble bien être le message délivré par l’évolution des taux gouvernementaux, qui jouent de nouveau leur rôle d’actif refuge. Après avoir tutoyé les 3,5% pour le 10 ans américain et 2% en Allemagne, ils ont reflué respectivement à 3 et 1,2%, signe que les investisseurs craignent désormais moins que l’inflation s’enferme dans une spirale haussière. C’est aussi le signe de la fragilité de la croissance à venir. La raison réside dans des données macroéconomiques qui ne cessent de se détériorer, même si elles n’annoncent pas encore clairement une récession à court terme. Autre élément intéressant, la décorrélation entre les actions et les obligations d’Etat redevient peu à peu effective: en moyenne, lorsque le prix des obligations monte, celui des actions baisse et vice versa. Ce n’était majoritairement plus le cas depuis le début d’année, actions et obligations ayant baissé de concert.

La perspective d’un ralentissement de la croissance, voire d’une récession, n’est évidemment guère réjouissante pour la valorisation des actions, car elle assombrit mécaniquement les perspectives de profits des sociétés. Mais cette nouvelle donne redonne aussi du lustre aux sociétés et aux secteurs résilients dans pareil cas de figure. Voilà pourquoi les sociétés dites défensives ou de qualité ont eu tendance à mieux performer ces dernières semaines que celles plus fragiles ou sensibles aux cycles économiques. De ce point de vue là aussi, le marché actions semble s’être tourné vers le thème de la croissance économique, en se détournant de celui de la hausse des prix.

En revanche, au sein de la Réserve fédérale américaine (Fed), toute l’attention est encore portée sur les questions d’inflation. En témoigne le compte-rendu des échanges de la réunion des 14 et 15 juin derniers – les fameuses Minutes de la Fed: le terme «inflation» y apparaît à 90 reprises, tandis que la croissance du PIB n’est citée que 10 fois. A l’inverse des marchés, la Fed n’a, pour le moment, d’yeux que pour l’inflation.

Les semaines à venir seront clés pour dire qui de la Fed ou des marchés a raison, avec les publications d’entreprises du second trimestre qui s’annoncent, les premières estimations de PIB pour les Etats et de nouvelles enquêtes sur le moral des sociétés et des consommateurs. Après leur bévue sur l’inflation, trop longtemps considérée comme temporaire, les banquiers centraux sont-ils cette fois-ci «beyond the curve1»? Ou est-ce au contraire les marchés qui se fourvoient? L’avenir nous le dira.

 

Rédaction achevée le 11.7.2022

 

1 Au-delà de la courbe. Autrement dit, en retard face au contexte macroéconomique et financier.

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