Bonnes perspectives pour les obligations d'entreprises

Christian Hantel, Vontobel Asset Management

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Lorsque le cycle du crédit se rétablit, les obligations d'entreprises mondiales se comportent bien.

La pandémie de Covid-19 a mis brutalement un terme à un très long cycle de crédit, amorçant une phase de reprise, qui offre généralement d’excellentes opportunités pour les investisseurs en obligations d’entreprises. Les entreprises ont levé des capitaux, prolongé l’échéance de leurs obligations, racheté des obligations en circulation plutôt onéreuses (par le biais d’offres de rachat).  Plus important encore, elles cherchent aujourd’hui à se désendetter et à augmenter leurs flux de trésorerie, au grand bénéfice des détenteurs d’obligations. Les versements de dividendes et les programmes de rachat d’actions sont passés au second rang de leurs priorités. Lorsque le cycle de crédit est en phase de reprise, les obligations d’entreprises signent généralement de bonnes performances, et les spreads ont pour habitude de se resserrer.

Les banques centrales apportent un soutien technique important

Les annonces de la Fed en mars ont été ô combien déterminantes pour le marché du crédit: elle a décidé de soutenir les entreprises américaines en injectant des liquidités sur le marché des obligations d’entreprises en circulation, par le biais d’une facilité de crédit aux entreprises du marché primaire et à celles du marché secondaire. En d’autres termes, la Fed a commencé à acheter des obligations d’entreprises de catégorie investment grade, mais aussi des titres notés BB, qui ont été rétrogradés récemment (les «anges déchus»), avec des maturités allant jusqu’à quatre ans. Ces mesures ont éliminé en grande partie la dislocation du marché observée durant le premier semestre 2020 et permis aux entreprises de se refinancer aux conditions actuelles du marché. En cas de regain d’incertitude sur les marchés, la Fed pourrait aisément restaurer la confiance en intensifiant ses interventions via les facilités de crédit destinées aux marchés primaire et secondaire. Par conséquent, tout élargissement éventuel des spreads devrait être modeste et les conditions de liquidité devraient rester favorables.

Les rétrogradations de note se sont sensiblement raréfiées, tandis que
les facteurs techniques restent favorables aux obligations d’entreprises.

Contrairement à la Fed, la BCE n’achète pour sa part que des obligations d’entreprises possédant au moins une notation de crédit investment grade, mais elle exclut les titres à haut rendement. Actuellement, les entreprises européennes peuvent se refinancer assez facilement sur les marchés de la dette. Même la plupart des émetteurs à haut rendement ou non notés ont accès au marché des obligations d’entreprises où les rendements sont très faibles. Aussi ne faut-il pas s’attendre à ce que la BCE décide d’acheter des «anges déchus» de sitôt. Toutefois, en cas de volatilité sur les marchés obligataires, la BCE pourrait imiter la Fed et acheter temporairement des obligations ayant perdu leur notation de crédit investment grade en raison de la récession liée à la pandémie de Covid-19. Une telle mesure serait utile si les taux de défaut se révèlent plus élevés que prévu, car elle atténuerait l’impact négatif des déclassements et les éventuelles difficultés de refinancement des titres arrivant à échéance.

Les dégradations de notation ralentissent

Les rétrogradations de note se sont sensiblement raréfiées, tandis que les facteurs techniques restent favorables aux obligations d’entreprises car la demande de crédit reste élevée. Le phénomène n’est pas neuf, mais il s’est renforcé à mesure que les rendements mondiaux ont continué de baisser et que certains investisseurs peinent à trouver de nouvelles idées d’investissement. En réalité, les relèvements de notation devraient être plus nombreux au cours des prochains mois, ce qui pourrait offrir un potentiel de rendement attrayant aux investisseurs qui auront sélectionné les bonnes obligations. En particulier, l’identification des obligations notées BB susceptibles de passer dans la catégorie investment grade s’avèrera bénéfique, car cela permet de profiter de manière précoce du resserrement des spreads de ces potentielles «étoiles montantes».

L’activité des banques centrales
retentit sur le marché du crédit.

Chaque année, près de 7% des obligations notées BB voient leur note relevée d’un cran, à BBB, et rejoignent ainsi le segment mid-yield, une subdivision de la catégorie investment grade. En investissant dans ces «étoiles montantes» avant le relèvement de leur notation, les investisseurs bénéficient en moyenne d’une contraction des spreads d’environ 100 points de base. Par ailleurs, l’échelon BB est un compromis idéal pour les investisseurs en quête de rendement car il fait office de segment refuge stable pour les investisseurs en obligations à haut rendement lorsque la volatilité sévit sur les marchés, tout en offrant des spreads plus intéressants que les obligations notées BBB.

Les obligations d’entreprises pourraient bénéficier de l’effet de rareté en 2021

En 2020, de nombreuses entreprises ont émis massivement des obligations afin d’augmenter leurs réserves de liquidités, tirant parti de conditions favorables: un appétit féroce des investisseurs pour les nouvelles obligations et des coûts de financement historiquement bas. Ainsi, le marché américain a enregistré un nombre record de nouvelles émissions, avoisinant les 1900 milliards de dollars. Toutefois, les entreprises se montrent actuellement plus soucieuses d’assainir leurs bilans et nombre d’entre elles utiliseront leur trésor de guerre pour se désendetter. Par conséquent, le marché primaire devrait être bien moins dynamique en 2021 (jusqu’à -35%), créant ainsi un effet de rareté car la demande d’obligations à rendement positif restera quant à elle élevée à l’horizon des prochains mois.

De surcroît, l’activité des banques centrales retentit sur le marché du crédit, étant donné que l’augmentation des achats d’obligations d’entreprises réduit à la fois les stocks et les flux disponibles pour les investisseurs. Sans compter que les investisseurs traditionnels en emprunts d’Etat sont aux prises avec l’environnement de taux d’intérêt faibles et négatifs que l’on connaît aujourd’hui. Selon les estimations, l’encours total des obligations en euros susceptibles d’être détenues par les investisseurs devrait diminuer de 759 milliards d’euros en 2021 car les achats de la BCE absorberont une large part du marché.