Bénéfices de la BNS pour le peuple

Fredy Hasenmaile, Raiffeisen

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Les réserves de devises de la Banque nationale suisse sont passées de près de 50 milliards de francs lors la crise financière à environ 754 milliards de francs aujourd’hui. Cette expansion massive du bilan n’a pas été sans conséquences.

Depuis la crise financière, la Banque nationale suisse (BNS) achète massivement des devises étrangères. Elle le fait pour empêcher ou, à tout le moins, atténuer une appréciation du franc excessive et donc dommageable pour l’économie. Du fait de cette politique, les réserves de devises de la BNS sont passées de près de 50 milliards à environ 754 milliards de francs aujourd’hui. Cette expansion massive du bilan n’a pas été sans conséquences.

Limiter les convoitises

Avec un bilan qui est désormais plus de huit fois supérieur au bilan d’avant 2008, l’ampleur et la marge de fluctuation des bénéfices et des pertes affichés en fin d’année ont également été multipliées. Le potentiel de bénéfice à moyen terme de la BNS est estimé à quelque 10 à 15 milliards de francs. Aussi, l’expansion du bilan de la banque centrale a-t-il éveillé des convoitises, comme le montrent les discussions régulières sur sa politique de placement et de distribution. Jusqu’à présent, les bénéfices sont distribués pour un tiers à la Confédération et pour deux tiers aux cantons. Etant donné que les exigences politiques sapent l’indépendance de la BNS et la détournent de l’exécution de son mandat qui consiste à préserver la stabilité des prix, il s’agirait si possible en priorité d’alléger le bilan et d’augmenter le ratio de fonds propres. Lorsque c’est impossible en raison des contraintes de la politique monétaire, notamment de la lutte continue contre une appréciation excessive du franc suisse, d’autres moyens devront être trouvées pour contenir les convoitises.  

La distribution à la population est parfaitement fondée

La solution la plus efficace consiste à distribuer les bénéfices de la BNS le plus largement possible à l’ensemble de la population. Un tel «fractionnement» des prétentions réduirait fortement la pression des intérêts politiques particuliers, comme l’a montré une analyse d’Avenir Suisse à l’automne 2024. Toute affectation serait ainsi écartée. De telles affectations, par exemple à l’AVS, sont régulièrement évoquées, mais engendrent cependant des conflits d’objectifs. Une pression pourrait ainsi s’exercer sur la BNS pour qu’elle axe davantage son comportement de placement et sa politique monétaire sur le rendement et l’AVS. En raison des affectations, l’objectif de stabilité des prix risque d’être mis en concurrence et de passer au second plan.

Une distribution directe à la population garantit le fait que les bénéfices profitent effectivement au peuple. Ils compensent en partie la baisse de rendement subie par la population du fait de la politique monétaire de la Banque nationale. Car l’expansion massive du bilan et les distributions de bénéfices plus élevées qui en résultent ne surgissent pas de nulle part. Elles sont la conséquence de la double stratégie de la BNS qui tente d’affaiblir le franc grâce à des taux extrêmement bas et à des interventions sur le marché des changes. Cette stratégie a beau avoir été couronnée de succès jusqu’à présent, elle engendre aussi des perdants, par exemple les épargnants ainsi que les caisses de pension, à savoir au final la population qui voit ses rendements baisser sensiblement à cause des taux bas. Une distribution directe à la population est donc clairement légitimée. Des économistes réputés tels que Aymo Brunetti et Reto Föllmi ont déjà évoqué cette idée il y a des années et elle plus que jamais d’actualité.  

Parfaitement réalisable au plan technique Techniquement, une telle distribution serait parfaitement réalisable. Elle pourrait être mise en œuvre par le biais des primes d’assurance-maladie ou de crédits d’impôt, par analogie avec la redistribution actuelle de la taxe sur le CO2. La période est favorable à une réflexion sur la distribution des bénéfices. D’une part, la Suisse se rapproche de nouveau des taux d’intérêt nuls ou négatifs, ce qui se traduit une nouvelle fois par des défaillances du côté des épargnants. D’autre part, la convention en vigueur concernant la distribution du bénéfice conclue entre la BNS et le Département fédéral des finances expire cette année et devra être renégociée. La disposition de la loi sur la Banque nationale selon laquelle le bénéfice doit être distribué aux cantons en fonction de la population résidente suffit à lui seul à démontrer que ces fonds reviennent au peuple.  

Les cantons ne sont pas tributaires des bénéfices de la BNS

La distribution actuelle des bénéfices de la Banque nationale par le biais de la Confédération et des cantons n’est en outre pas efficace. En raison de leur volatilité, les cantons peinent à budgétiser de telles entrées de trésorerie. L’utilisation de cet «argent gratuit» par les cantons devrait donc être tout aussi inefficace. Il y a un risque pour que la volonté des cantons et de la Confédération de faire des économies s’amenuise encore plus. Le plus judicieux serait que les cantons utilisent les distributions pour abaisser les impôts, ce qui permettrait à la population générale d’en profiter. C’est pourtant rare dans la pratique, raison pour laquelle une distribution directe à la population doit être envisagée. Cela ne représente pas un problème pour les finances des cantons, car en moyenne ils ont généralement enregistré des excédents budgétaires supérieurs à 2,5 milliards de francs depuis 2016.  

Les bénéfices de la BNS appartiennent à la population, ce que personne ne conteste. Le mieux serait donc de les lui distribuer directement.

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