Au soleil d'Angleterre

Olivier de Berranger, La Financière de l’Echiquier (LFDE)

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La Grande-Bretagne a maintes fois montré la voie de la résilience après avoir frôlé l’effondrement. Sera-ce de nouveau le cas en 2024?

Si l’on se fie aux dernières enquêtes d’activité, cela ne fait pas de doute: au mois de mars, les trois principaux indicateurs de sentiment économique, respectivement dans les services, la production manufacturière et la construction, sont, pour la première fois depuis juin 2022, tous situés au-dessus de 50. Ce seuil indique la délimitation entre l’expansion et le recul de l’activité. Certes, il s’en faut de peu: si l’indice PMI1 dans les services se maintient à un niveau confortable (53,1), celui du secteur manufacturier n’est qu’à 50,3, et la construction à 50,2. Il n’empêche que la convergence du signal sur les trois secteurs est marquante, surtout par comparaison avec la zone euro, où les mêmes indicateurs sont nettement inférieurs: respectivement 51,5, 46,1 et 42,4, plombés notamment par l’Allemagne - 50,1; 41,9; et même 38,3 pour la construction!

La légère récession subie lors des deux derniers trimestres de 2023 semble donc passée, alors que l’Allemagne s’ensable et que la France revoit régulièrement à la baisse ses projections. Ce ne sont pourtant pas les difficultés qui manquent. En particulier, des grèves d’une ampleur inconnue depuis plus de dix ans affectent le pays depuis 2022. En ce début avril, la paix sociale n’est toujours pas retrouvée. De nouvelles grèves de conducteurs de train débutent. Les revendications salariales sont alimentées par une inflation qui fait rage depuis deux ans. C’est aussi le cas ailleurs certes, mais il est vrai que l’inflation reste plus élevée que chez ses principaux partenaires. Elle s’élève ainsi encore à 3,4% en février alors qu’elle est déjà redescendue à 2,6% en zone euro2.

Si la croissance, l’inflation et même l’immobilier convergent donc clairement vers une amélioration, il n’en reste pas moins que le rebond restera entravé. En particulier, le jeu politique pourrait être chaotique. 

L’inflation pourrait pourtant bientôt disparaître des préoccupations britanniques. La Banque d’Angleterre la voit descendre sous les 2% dès le deuxième trimestre 2024. La voie vers une baisse de taux autour de l’été paraît donc toute tracée, comme en zone euro. A cette différence près que les divergences d’approches nationales ne jouent pas au cœur de la banque d’Angleterre, ce qui peut donner une visibilité supplémentaire. L’enjeu y est encore plus fort qu’en zone euro, car le taux de refinancement s’élève à 5,25%, contre 4,50% en zone euro. Il est d’autant plus pertinent d’agir.

Si la croissance, l’inflation et même l’immobilier convergent donc clairement vers une amélioration, il n’en reste pas moins que le rebond restera entravé. En particulier, le jeu politique pourrait être chaotique. Alors que les Conservateurs sont au pouvoir depuis 14 ans – une apparente stabilité qui masque en réalité une grande volatilité dans la gouvernance, comme l’illustre l’épisode rocambolesque du gouvernement de Boris Johnson – les sondages donnent peu de chances à ces derniers de l’emporter lors des prochaines élections législatives prévues d’ici janvier 2025, probablement en octobre prochain. Le gouvernement Sunak n’a pas su gagner la faveur des sujets de sa Majesté. Un coup de barre à gauche pourrait donc avoir lieu d’ici la fin de l’année, réservant de nouvelles surprises économiques.

Mais d’ici-là, le Royaume devrait attester d’une dynamique qui pourrait faire pâlir plusieurs des grandes Républiques européennes. Le Brexit serait-il donc soldé? Certainement pas, d’autant que de nouveaux contrôles douaniers à l’importation depuis l’Europe, déjà reportés à cinq reprises, devraient être mis en application à partir du 30 avril prochain, ce qui reviendrait à de nouvelles taxes. Plus globalement, une étude de Bloomberg - un média certes réputé anti-Brexit – chiffrait, en janvier 2023, le coût du Brexit à hauteur de plus de 100 milliards d’euros annuels. C’est dire si la Grande-Bretagne fait preuve de résilience: malgré ce boulet, que la majorité des Britanniques, d’après les sondages, regrette de s’être attaché, ses perspectives à moyen terme sont plus dynamiques que celles du navire amiral germanique de la zone euro. Long live the Kingdom!

 

Rédaction achevée: 8 avril 2024 
 

1 S&P Global UK PMI Index, corrigé des variations saisonnières

2 Eurostat

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