Au moins un an pour effacer le COVID en Europe

Anne Barrat

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Il faudra attendre 2022 pour que la croissance européenne retrouve son niveau 2019 selon les économistes de S&P. Avec Sylvain Broyer.

©Mario Andreya

Réunis virtuellement pour leurs traditionnelles perspectives de début d’année, les économistes de S&P ont insisté en ce 12 janvier sur les disparités qui caractérisent les rythmes de reprise dans les différents marchés (UE, US, APAC, Emergents) d’une part, le retour de la croissance au niveau pré-COVID d’autre part. En toute logique, plus une zone économique a été touchée, plus son rythme de retour à la «normale» est long. Sans surprise, l’Asie prend les premières places: la Chine a retrouvé son niveau de décembre 2019 dès le deuxième trimestre 2020, l’Inde le retrouvera au deuxième trimestre 2021. Il faudra en revanche attendre 2023 pour le Japon, dernier des pays industrialisés. En 2022, ce sera le tour de la zone euro (Q2), puis du Brésil (Q3), enfin du Royaume-Uni (Q4 2022). Selon ces prévisions, le second semestre 2021 verrait les Etats-Unis et la Russie renouer avec leur niveau de croissance 2019. Nonobstant les facteurs purement sanitaires à l’origine de ces différences, ces dernières tiennent beaucoup au policy mix mis en place pour limiter l’impact de la crise sur la consommation des ménages, la production industrielle, les faillites d’entreprises. De ce point de vue, l’Europe, pourtant la zone la plus touchée en nombre de cas, a eu une réponse exemplaire.

«Le plan de relance de l’UE combiné au maintien d’une politique monétaire
accommodante pose les fondations d’une reprise solide et durable.»
Une réponse européenne coordonnée et adaptée

«Ayant tiré les leçons du passé, de la crise financière globale de 2008 en particulier qui avait été suivie d’une reprise pauvre en emploi et éphémère, l’Union européenne a privilégié une réponse coordonnée et vigoureuse, à la mesure de l’enjeu. Son plan de relance combiné au maintien d’une politique monétaire accommodante et de conditions financières favorables pose les fondations d’une reprise solide et durable» explique Sylvain Broyer, Chief Economist de la zone EMEA. Lequel balaie les craintes liées au risque d’inflation et à une récession des bilans telle qu’en 2008, rappelant que la somme des actifs au bilan de l’ensemble des institutions financières européennes a augmenté de 50 points de PIB par rapport à fin 2019. L’expansion coordonnée du bilan de la BCE par injection de liquidités dans le système bancaire et ses deux programmes d’achats de titres de dette d’une part, le plan EU Next Gen de 750 milliards d’euro, le projet SURE et les facilités de crédit offertes par la BEI et le MES aux Etats membres d’autre part, sont autant de mesures clés pour répondre à la demande en dépenses et investissements publics, qui bénéficient aussi bien aux ménages qu’aux entreprises. 

«Plus dure sera la récession au premier semestre,
plus vigoureuse sera la reprise dans la deuxième moitié de l’année.»
Un moment schumpétérien

Et ce, sans pour autant faire peser le spectre de la zombification que certains agitent, craignant que les plans de relance ne profitent à des entreprises qui, sans eux, auraient fait faillite. Tant s’en faut: la création d’entreprise connaît, en Allemagne comme en France, des niveaux inédits, plus hauts que ceux de 2019. Le choc a précipité des changements structurels. Tout se passe comme si l’on vivait un moment schumpétérien de destruction créative, comme c’est d’ailleurs souvent le cas lors de crise économiques majeures, souligne Sylvain Broyer. De nouvelles entreprises se créent dans les secteurs les plus touchés par la crise – commerce, hôtellerie, restauration, transports – dans un mouvement de renouvellement du tissu économique». 

2021, entre ombre et lumière

Ces signes positifs ne sauraient pourtant pas nier le scénario pour 2021 en Europe. Sylvain Boyer prévoit «une histoire en 2 parties: plus dure sera la récession au premier semestre, plus vigoureuse sera la reprise dans la deuxième moitié de l’année». Une reprise qui sera largement tirée par la consommation. A condition que les mesures et aides du policy mix ne soient pas retirées trop tôt, ce qui est sans doute le plus grand risque actuel, que ce soit en Europe ou dans toutes les grandes économies.

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