Attention aux secousses

Esty Dwek, Natixis Investment Managers Solutions 

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La reprise économique se poursuit, même si elle s'est finalement calmée, tirée à la baisse par le secteur technologique.

La reprise initiale en V alimentée par une demande des consommateurs après le confinement commence à s'estomper, mais les données continuent d'indiquer une reprise. Les derniers indices des directeurs d'achat confirment ce que nous avons commencé à voir le mois dernier, à savoir que les États-Unis, l'Allemagne et la Chine mènent la reprise manufacturière (et les services dans une certaine mesure) alors que le vieux continent est à la traîne. Et la hausse des cas en Europe pourrait continuer à avoir un impact. Toutefois, la reprise du marché du travail (le chômage américain est tombé à 8,4% en août) va être lente. En Europe, la situation reste très dépendante des subventions. Dans l'ensemble, même si la reprise va se poursuivre, le quatrième trimestre pourrait afficher une certaine faiblesse.

La Réserve fédérale (Fed) a officiellement annoncé un ciblage moyen de l'inflation lors du Symposium annuel (virtuel) de Jackson Hole. La Fed tolérera désormais une inflation plus élevée pendant de longues périodes, même avec un faible chômage, sans augmenter les taux d'intérêt. L'objectif principal de cette évolution est de lever les anticipations d'inflation et de pentifier la courbe des taux afin de renforcer les mécanismes de transmission de la politique monétaire. Ainsi, les taux devraient rester plus bas encore plus longtemps. Les responsables de la Maison Blanche et les dirigeants du Congrès sont toujours dans l'impasse concernant le Cares Act 2. Néanmoins, afin d'éviter une fermeture du gouvernement le 1er octobre, le porte-parole de la Chambre Nancy Pelosi et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin ont accepté d'adopter un projet de loi de dépenses à court terme – séparément des pourparlers sur l'aide de COVID-19. Un accord devrait être conclu sur cette quatrième phase de relance à un moment ou à un autre, car l'économie américaine en aura besoin, même si les chiffres de la consommation ont mieux résisté que prévu.

Les inquiétudes liées au Brexit se sont traduites par la faiblesse
récente de la livre sterling par rapport au dollar et à l'euro.

La dernière (8e) série de négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne se trouve toujours dans une impasse, Boris Johnson ramenant le risque de non-deal. En effet, Michel Barnier a averti le premier ministre qu'aucune modification de l'accord de retrait de l'année dernière ne serait acceptée – M. Johnson propose une loi pour passer outre aux parties du traité de sortie relatives à l'Irlande du Nord – dans la mesure où «c'est ce qui sous-tend la confiance à l'avenir». Les inquiétudes liées au Brexit se sont traduites par la faiblesse récente de la livre sterling par rapport au dollar et à l'euro.

L'indice DXY du dollar américain a rebondi après avoir atteint son plus bas niveau depuis deux ans le 31 août et est en hausse de 1,3% depuis. Pour l'instant, l'essentiel de la faiblesse du dollar pourrait être derrière nous, surtout par rapport à l'euro. Le regain de craintes liées au Brexit a fortement pesé sur la livre sterling, avec une baisse de la livre sterling de plus de 2,4% pour le mois à ce jour, collant à une phase gagnante, avec une hausse de la livre sterling à 1,34 dollar. Le marché des options s'attend à ce que la livre sterling soit volatile pour le reste de l'année, mais suggère néanmoins que les investisseurs croient qu'un accord pourra être conclu.

Le cours de l'or s’est replié après avoir atteint un record de 2’075 dollars l’once et se négocie désormais 6% plus bas, car les données ont continué de dépasser les attentes et les rendements réels américains ont cessé de baisser. La demande d'or devrait se poursuivre compte tenu de la baisse des rendements à long terme et de la hausse des anticipations d'inflation.

Les prix du pétrole ont poursuivi leur chute alors que Saudi Aramco, entre autres, réduisait les prix, craignant une chute de la demande dans un contexte de reprise économique encore inégale dans les principales régions consommatrices de pétrole: le ralentissement de la reprise de la demande en Asie et la fin de la «saison de conduite» américaine. Ceci a provoqué un élargissement du contango (où les prix à court terme sont moins chers que ceux à échéance plus lointaine), signalant un retour des inquiétudes par rapport à l'offre excédentaire. Le Brent et le WTI ont chuté ces derniers jours et se négocient désormais sous les 40 dollars et sous les 37 dollars le baril respectivement – des prix qui n'avaient pas été observés depuis juin.

Dans l'ensemble, la technologie
est l'un des principaux gagnants de la crise.

Après cinq semaines consécutives de performances positives, le rebond du marché actions américain s'est essoufflé. La récente correction est principalement due au secteur technologique, qui a fait chuter le Nasdaq de plus de 10% – trois séances après une clôture record. Toutefois, les «coupables habituels», à savoir la situation sanitaire, les élections américaines et la reprise économique, n'ont pas connu de détérioration marquée. Compte tenu de la remarquable progression du secteur technologique depuis mars, reprendre son souffle n'est pas surprenant. Dans l'ensemble, la technologie est l'un des principaux gagnants de la crise, grâce à une forte croissance des bénéfices soutenue par les perturbations structurelles renforcées par la crise de COVID-19, des bilans solides et une solide génération de flux de trésorerie élevés. En outre, le risque clé pour le secteur – une hausse significative des rendements obligataires américains – ne semble pas probable pour un certain temps.

Avec la fin de la saison de publication des résultats du deuxième trimestre, 84% des entreprises ont surpris à la hausse, principalement parce que les attentes avaient été revues très à la baisse. Néanmoins, bien que le bénéfice par action (BPA) ait baissé de 33% sur l’année, de nombreuses entreprises ont revu à la hausse leurs prévisions pour le reste de 2020. En effet, les analystes ont augmenté leurs estimations pour le troisième trimestre de 2,6% pour le BPA du S&P500 (de 31,78 dollars à 32,62 dollars), pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2018, apportant des nouvelles positives aux secteurs les plus touchés, à savoir l'énergie, la consommation durable et les financières.

Les rendements obligataires ont légèrement augmenté mais restent contenus et bien comportés. La récente recherche de sécurité a tiré à la baisse les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans. Les spreads des obligations européennes et périphériques ont suivi le mouvement. Il convient de noter la dislocation intrigante entre la volatilité des actions (indice CBOE Volatilité) et celle des obligations (indice ICE BofA MOVE). Ces deux secteurs ont tendance à progresser en même temps mais, les banques centrales restant ultra-accommodantes, la volatilité actuelle du marché actions ne devrait pas se répercuter sur les obligations jusqu'à présent. Dans l'ensemble, les taux souverains devraient rester structurellement bas en raison des actions des banques centrales.

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