Anatomie d’un rallye du dollar

Christopher Gannatti, WisdomTree

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L’appréciation du dollar invite à une révision de l’allocation des portefeuilles qui devraient être protégés contre un risque devise difficile à anticiper correctement.

A une époque caractérisée par l’influence prédominante des politiques des banques centrales, nous nous sommes accoutumés à de fortes fluctuations des devises. Et ces deux dernières années ont été marquées pour l’essentiel par l’affaiblissement du dollar. Cette tendance a profité aux grandes multinationales américaines et en particulier à celles qui sont fortement exportatrices. Le glissement du billet vert a également eu pour conséquence une reprise marquée de cours des matières premières (une évolution qui n’était guère attendue puisqu’en février 2016, nous envisagions que le baril passe au-dessous de la barre des 20 dollars). Enfin, l’affaiblissement du billet vert a également profité aux marchés émergents.

Mais aujourd’hui, le dollar regagnant du terrain, on peut se demander s’il ne connaît pas une inversion de tendance. Il est en effet assez rare que les devises restent longtemps orientées dans la même direction. Or, du fait que la stratégie idéale en phase d’affaiblissement du dollar n’est pas identique à celle qu’il convient d’adopter en période de renforcement de cette devise, il faut se montrer particulièrement attentif à tout élément qui pourrait être considéré comme précurseur d’un changement de tendance. Or, après avoir abandonné environ 5,1% sur une année (indice Bloomberg pour le dollar du 2 mai 2017 au 1er mai 2018), la devise américaine a soudainement progressé de 3,23% du 16 avril au 1er mai 2018. Il s’agit du rallye le plus marqué que l’on ait pu observer sur l’année écoulée. Faut-il y voir la manifestation du retour du «roi dollar»? Sans aller nécessairement aussi loin, il est tout à fait évident que la rhétorique de l’équipe économique de la Maison Blanche va dans le sens d’un soutien accru au dollar. 

Les taux d’intérêt observés dans les pays industrialisés
restent à un niveau exceptionnellement bas.

Dans ces circonstances, le portage pourrait gagner en puissance. En premier lieu, les taux d’intérêt observés dans les pays industrialisés restent à un niveau exceptionnellement bas et certaines banques centrales, telles que la Banque centrale européenne et la Banque du Japon, maintiennent leurs politiques de taux négatifs. La Banque centrale américaine est la seule à avoir entamé la «normalisation» de sa politique monétaire.

En second lieu, les capitaux se dirigent vers les marchés qui offrent les taux d’intérêt les plus élevés. Toutefois, bien que le différentiel de taux influence la performance d’une devise, ce n’est pas le seul déterminant. D’autres facteurs peuvent entrer en compte et, entre autres, la dynamique des prix enclenchée par les flux de capitaux, la parité du pouvoir d’achat et les changements d’ordre géopolitique. Or, contrairement à ce nous avons pu observer ces dernières semaines, le dollar s’est rarement apprécié contre l’ensemble des devises du G10 depuis la fin 2015. Et ce n’est pas l’effet du hasard si l’évolution du dollar s’est inversée au moment où les rendements des bons du Trésor américains franchissaient la barre des 3% pour la première fois depuis environ quatre ans. 

Durant toute la phase de faiblesse du dollar, les actions des grandes entreprises américaines se sont particulièrement bien comportées. A contrario, une appréciation du dollar devrait avoir un effet négatif sur les bénéfices de ces entreprises, et plus particulièrement sur ceux des multinationales. En revanche, elle pourrait bénéficier aux exportateurs étrangers qui approvisionnent le marché américain, lequel reste l’un des plus gros marchés du monde en termes de consommation. 

Les valorisations n’ont pas partout atteint des niveaux record
et, si l’évolution du dollar se modifie, l’attrait des marchés étrangers pourrait être renforcé.

La question de l’impact négatif de la hausse des taux américains sur les valorisations boursières élevées auxquelles les investisseurs en actions américaines se sont habitués a déjà été largement débattue. Cependant, il convient de ne pas oublier ceci: les valorisations n’ont pas partout atteint des niveaux record et, si l’évolution du dollar se modifie, l’attrait des marchés étrangers pourrait être renforcé, pour autant que le risque de change soit couvert. Les exportateurs européens et japonais, mesurés à l’aune de leurs indices couverts contre le risque de change, ont d’ailleurs déjà réagi positivement au récent rallye du dollar.

Cependant, le timing en matière de devises étant généralement mauvais, nous sommes intimement convaincus que la couverture du risque de change permet de neutraliser les mouvements des devises et qu’elle devrait donc être mise en œuvre de manière stratégique dans les allocations de portefeuille. La fermeté récente du dollar et le fait que nous anticipions une poursuite de cette tendance à un horizon de 12 mois, devraient être mis à profit pour procéder aux réallocations de portefeuille nécessaires aussi rapidement que possible.