2020: les institutionnels investissent les cryptoactifs

Manuel Valente, Coinhouse

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. Il y a un an, aucune institution financière ne souhaitait proposer cette catégorie d’actifs et pourtant…

Les années se suivent et ne se ressemblent pas pour le marché des cryptoactifs, hormis sa volatilité qui, elle, reste élevée. Si l’année 2018 était fortement baissière pour le marché, avec des chutes dépassant 90% de la valeur de certains actifs, et l’année 2019 en demi-teinte avec «seulement» une hausse avoisinant 50%, 2020 signe le grand retour des croissances à trois chiffres, dont 230% pour Bitcoin. Nous sommes encore loin des 1700% observés en 2017, mais le contexte économique est totalement différent et surtout de nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché.

2017, une hausse entretenue par les particuliers

La hausse observée en 2017 était principalement due à l’intérêt des particuliers. Un seul indicateur: le deuxième mot le plus recherché sur Google pendant l’année, dans la catégorie actualités, était Bitcoin. Le grand public, principalement américain, avait alors découvert le marché des cryptoactifs. En conséquence, les médias parlaient de plus en plus fréquemment de Bitcoin, ce qui amenait de nouveaux entrants sur le marché, tirant le prix à la hausse, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la bulle éclate fin décembre.

2020, quand les institutionnels s’intéressent sérieusement aux cryptoactifs

En 2020, la hausse des recherches Google sur Bitcoin n’est intervenue qu’à partir du mois de décembre, alors que le cours avait déjà triplé par rapport au plus bas de l’année. Cette hausse, à la différence d’il y a quatre ans, est en grande partie explicable par l’intérêt croissant des institutionnels pour cette classe d’actifs.

La régulation s’impose progressivement à cet écosystème
de la même manière que pour les autres marchés.

Beaucoup d’indices le prouvent. Dans une note datée du 4 janvier 2021, les analystes de la banque JP Morgan affirmaient notamment que «l’impulsion des flux institutionnels est certainement ce qui distingue 2020 de 2017». La note indiquait également que le marché de l’or est actuellement siphonné par celui des cryptoactifs.

Grayscale, un acteur clé pour les institutionnels américains

Le meilleur baromètre de l’intérêt actuel des institutionnels est le fonds d’investissement Grayscale. L’entreprise propose notamment des produits dérivés sur Bitcoin et d’autres actifs numériques à des clients exclusivement professionnels, en particulier des hedge funds et des fonds de pension. Elle publie des chiffres impressionnants: ses avoirs sous gestion sont passés d’un milliard de dollars début 2020 à plus de trente aujourd’hui.

Deux raisons principales peuvent expliquer cet intérêt des institutionnels pour le marché des cryptoactifs. La première est un contexte économique dans lequel les taux d’intérêts restent extrêmement bas, voire négatifs. Les différents plans de relance rendent les liquidités assez abondantes, et beaucoup d’investisseurs sont à la recherche de débouchés alternatifs pour leurs investissements. Or, le marché des cryptomonnaies reste extrêmement dynamique, et présente des opportunités et des performances que des marchés traditionnels comme l’or n’offrent pas.

Un marché qui a gagné en maturité

La deuxième raison est que la réticence qu’on pouvait observer dans le passé a disparu. On a longtemps fait l’amalgame entre le Bitcoin et le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme. Même si de tels phénomènes ont pu exister, ils sont extrêmement minoritaires par rapport à l’utilisation la plus fréquente de cet actif, à savoir l’investissement. Et si les particuliers sont passés outre assez rapidement, il a fallu attendre 2020 pour qu’il en soit de même pour les institutions financières. En effet, la régulation s’impose progressivement à cet écosystème de la même manière que pour les autres marchés, et il est désormais impossible de considérer que les États industrialisés interdiront un jour l’utilisation de Bitcoin.

Le Bitcoin est devenu «un actif d’investissement légitime
susceptible de pallier aux faiblesses de l’argent liquide».
Un actif alternatif pour se protéger de la dévaluation des monnaies fiduciaires

En parallèle, on a également pu voir l’entrée sur le marché d’entreprises telles que Tesla, qui a placé un milliard et demi de dollars de trésorerie en Bitcoin, ou encore Microstrategy avec plus de deux milliards. Ces placements répondent aux mêmes logiques que précédemment, avec un point supplémentaire cité par le CEO de Microstrategy pour justifier son investissement: les mesures économiques pour lutter contre les conséquences du COVID, la création monétaire massive par les banques centrales, et l’incertitude politique et économique au niveau mondial «pourront avoir des effets importants de dépréciation sur la valeur réelle des monnaies fiduciaires et des actifs traditionnellement conservés comme des réserves de liquidité».

En conséquence, Bitcoin est devenu «un actif d’investissement légitime susceptible de pallier aux faiblesses de l’argent liquide» pour une entreprise.

Un dernier point qui justifie la confiance et la hausse sur ce marché: l’apparition de services autour des cryptoactifs à la fois chez les bourses et les banques. Ainsi, il est désormais possible de trouver des trackers Bitcoin dans plusieurs bourses, comme en Suisse ou en Suède, ou des options et contrats à terme au Chicago Mercantile Exchange (CME). On apprend enfin que Deutsche Bank et BNY Mellon vont proposer des services de conservation et de gestion de portefeuilles en cryptoactifs à leur clientèle.

En un an, nous sommes donc passés d’une situation où aucune institution financière ne souhaitait proposer cette catégorie d’actifs à une intégration croissante dans le panel d’instruments à disposition des professionnels. Nous pensons que cette normalisation continuera en 2021 et au-delà, et sera à même d’accompagner une croissance saine de l’ensemble de ce marché.

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