2020, année électorale américaine

Cédric Spahr, J. Safra Sarasin Asset Management

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La diminution du stimulus fiscal décidé par Trump en 2018 pourrait empêcher les actions américaines de générer de solides performances en 2020.

©Keystone

Le raffermissement des indicateurs manufacturiers et les conditions de liquidités favorables devraient alimenter de nouvelles hausses des actions au T1 2020. Les États-Unis et la Chine sont en passe de conclure une trêve commerciale avant l’élection présidentielle de 2020. Le président Trump a manifestement intérêt à redonner confiance aux chefs d’entreprise avant le scrutin. Dans un contexte de redressement de l’activité manufacturière, nous recommandons de surpondérer les marchés cycliques, en particulier la zone euro et le Royaume-Uni. Au niveau sectoriel, nous favorisons les secteurs «value» ou cycliques, comme les matériaux, l’industrie, l’automobile, les banques et la biotechnologie. 

La croissance est sortie de l’ornière

Nous attendons une nouvelle accélération cyclique dont l’intensité sera modérée. Le rebond des indices des directeurs d’achats (PMI) manufacturiers des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Chine ouvre la voie à une reprise cyclique de l’activité économique. La confiance dans l’industrie manufacturière en France, en Italie et en Suisse devrait s’améliorer lentement. Même les pays à la traîne, à savoir l’Allemagne et le Japon, devraient voir l’activité manufacturière retrouver des couleurs début 2020. Les ventes mondiales d’automobiles rebondissent et les ventes japonaises de semi-conducteurs augmentent de nouveau. Le cycle industriel se redresse, ce qui devrait soutenir les cours des actions au T1 2020. 

Les taux de croissance bénéficiaire touchent un plancher

Sources: Datastream, J. Safra Sarasin, 11.11.2019

 

Les injections de liquidités soutiennent les cours des actions.

Depuis l’été 2019, les banques centrales ont pris d’importantes mesures pour assouplir les conditions monétaires et financières. La BCE a repris son programme d’achats d’actifs en novembre 2019. La Fed a réduit les taux à trois reprises et face à l’insuffisance persistante de liquidités en dollars sur les marchés monétaires américains, elle a intensifié ses opérations de pensions de titres. La Fed achètera également quelque 300 milliards de dollars de bons du Trésor américain par an pour fournir suffisamment de réserves excédentaires aux banques américaines. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un retour à des mesures «d’assouplissement quantitatif», techniquement, une expansion du bilan de la Fed injecte des liquidités, qui par effet induit influence les marchés boursiers américains et soutient les cours des actions. 

La croissance bénéficiaire approche d’un plancher

Les tendances bénéficiaires des marchés boursiers développés restent stables et les taux de croissance annuels des bénéfices escomptés par le consensus n’ont pas encore atteint leur plus bas, sauf sur les marchés émergents, qui ont de l’avance dans le cycle actuel. L’absence de croissance bénéficiaire n’empêche pas les actions de se redresser, lorsque les investisseurs estiment que le creux du cycle économique est proche et que les perspectives économiques continueront de s’améliorer dans un avenir prévisible. Le raffermissement du cycle économique devrait soutenir les valorisations sur les marchés cycliques, comme la zone euro, le Royaume-Uni et le Japon. Leurs ratios cours/bénéfice (PER) pourraient frôler à nouveau les sommets de 2015 et 2018, à savoir 15x à 16x.

La valorisation des marchés boursiers régionaux cycliques recèle un potentiel de hausse en 2020

Sources: Datastream, J. Safra Sarasin, 11.11.2019

 

Vers une trêve commerciale avant l’élection de 2020

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a débouché sur des négociations lentes qui donnent l’impression que les deux pays cherchent un accord à court terme. Le président américain a tout intérêt à rétablir la confiance des entreprises nationales, entamée par la persistance de la guerre commerciale, moins d’un an avant l’élection présidentielle de 2020. Les Chinois semblent vouloir parvenir à une réduction des droits de douane américains. Ils reconnaissent aussi implicitement qu’attendre un nouveau président américain pourrait les amener à devoir traiter avec quelqu’un dont la position à l’égard de la Chine pourrait être encore plus dure. Elus, des candidats démocrates de gauche comme Warren ou Sanders pourraient inclure des questions relatives à l’environnement et aux droits de l’homme dans un accord commercial, une perspective peu réjouissante pour la Chine. 

Les primaires du parti démocrate influenceront les marchés.

La période précédant l’élection présidentielle américaine de novembre 2020 exercera une influence importante sur l’évolution des actions américaines l’année prochaine. Généralement, lors des années électorales, les actions américaines offrent des rendements positifs. Donald Trump bénéficie de la robustesse de l’économie américaine ainsi que de son rôle de président sortant. Le choix du candidat démocrate à la présidence américaine jouera également un rôle important.

Les marchés des paris donnent des résultats très serrés pour les prétendants à l’investiture démocrate 

Sources: Bloomberg, J. Safra Sarasin, 25.11.2019

 

D’après les marchés de paris, quatre candidats ont des probabilités très proches d’accession à l’investiture démocrate. Un démocrate modéré comme Joe Biden pourrait mettre D. Trump en difficulté dans les États susceptibles de basculer d’un côté ou de l’autre («swing states»). Les candidats plus à gauche comme Elisabeth Warren ou Bernie Sanders pourraient à l’inverse repousser certains électeurs centristes en raison des coûts associés à leur programme de couverture médicale universelle («Medicare for All»). Les premières primaires démocrates auront lieu dans l’Iowa et le New Hampshire à partir de février 2020. Les marchés boursiers devront probablement attendre jusqu’au printemps 2020 pour savoir quel candidat les démocrates choisiront face à Trump. Ce processus pourrait déclencher une certaine volatilité.

La fin de l’ère de la «croissance à tout prix» 

La piètre performance de plusieurs grandes sociétés de croissance de la Silicon Valley récemment introduites en Bourse - comme Uber Technologies, Lyft et Slack - annonce la fin de l’ère de la «croissance à tout prix». La pentification des courbes de rendement mondiales met fin à la surperformance des actions de croissance par rapport aux titres «value». Les rendements obligataires étant susceptibles de continuer d’augmenter jusqu’au début 2020, cette situation influence aussi le positionnement sectoriel, que nous allons maintenant aborder.

Le rebond cyclique devrait se poursuivre en 2020

 

Nous privilégions une exposition à la valeur cyclique.

Nous recommandons d’ajouter une exposition cyclique aux portefeuilles d’actions jusqu’au début 2020. Comme nous ne prévoyons qu’un redressement modéré du cycle manufacturier, nous cherchons des secteurs cycliques présentant un biais «value». Les titres «value» affichent une décote par rapport aux sociétés de croissance, tant aux États-Unis qu’en Europe, ce qui garantit encore un potentiel de hausse à moyen terme. Nous conseillons de surpondérer les matériaux, l’automobile et la biotechnologie dans le secteur de la santé. Parmi les secteurs dont la pondération est neutre dans nos portefeuilles, nous renforçons les positions dans l’industrie, les technologies de l’information et les banques afin de miser sur une reprise cyclique. Nous sous-pondérons l’énergie, les biens de consommation courante et les services de communication. Les sociétés de l’énergie manquent d’attrait en raison de l’offre excédentaire de pétrole. Les biens de consommation courante affichent généralement des valorisations élevées et sont exposés au risque de hausse des rendements obligataires. 

Les marchés des actions devraient progresser début 2020.

Les marchés des actions recèlent un potentiel d’appréciation au premier trimestre 2020, dopés par l’affermissement des indicateurs économiques et des conditions de liquidité favorables. Toutefois, les prix de marché actuels reflètent déjà dans une large mesure ces améliorations, y compris une trêve commerciale. Afin d’améliorer les performances, nous conseillons par conséquent de mettre l’accent sur les pays cycliques, comme la zone euro et le Royaume-Uni, et les secteurs susmentionnés. 2020 sera également l’année de l’élection présidentielle américaine. La diminution du stimulus fiscal décidé par Trump en 2018 pourrait empêcher les actions américaines de générer de solides performances en 2020, comme c’est généralement le cas les années d’élections présidentielles. La concurrence entre les candidats modérés et les candidats de gauche lors des élections primaires démocrates pourrait aggraver l’incertitude politique et provoquer une certaine volatilité sur les marchés américains entre février et avril 2020.

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