Ukraine: des bombes sur l’est et le sud, avancée fragile sur les céréales

AWP

4 minutes de lecture

«C’est une épreuve de résistance pour nos sociétés. Nous devons tenir le coup. Nous n’avons pas le choix», a soutenu le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à l’issue de la réunion les ministres des Affaires étrangères.

L’avancée diplomatique pour relancer les exportations de céréales ukrainiennes restait incertaine mercredi au lendemain d’une médiation turque, alors que l’armée russe continue de bombarder l’est et le sud de l’Ukraine.

Mardi, des frappes de missiles ont touché plusieurs villes de l’est, faisant un mort à Kramatorsk, grande ville du Donbass que la Russie cherche à conquérir. Au sud, dans la région d’Odessa, le grand port ukrainien de la mer Noire, il y a eu au moins six blessés dont un enfant, selon la présidence ukrainienne.

A Téhéran, où il avait été convié pour des pourparlers avec ses homologues iranien Ebrahim Raïssi et turc Recep Tayyip Erdogan sur la Syrie et l’Ukraine, M. Poutine a affirmé mardi soir qu’il y avait un progrès sur la question de l’exportation par mer des millions de tonnes de céréales ukrainiennes, qui manquent à l’équilibre alimentaire mondial.

«Grâce à votre médiation, nous sommes allés de l’avant», a-t-il dit à M. Erdogan, dont le pays, membre de l’Otan et puissance régionale en mer Noire, entretient un équilibre délicat entre Moscou et Kiev. «Toutes les questions ne sont pas encore réglées, c’est vrai, mais il y a du mouvement et c’est une bonne chose», a ajouté le maître du Kremlin.

Dans la soirée, M. Poutine a toutefois jeté un doute sur ces avancées, en liant l’exportation de la production agricole ukrainienne à une levée des restrictions occidentales sur les céréales russes.

«Nous faciliterons l’exportation des céréales ukrainiennes, mais en partant du fait que toutes les restrictions liées aux livraisons aériennes à l’export des céréales russes soient levées», a affirmé le président russe, à l’issue des pourparlers.

Au lendemain de ce sommet à Téhéran, la Syrie, alliée de la Russie, a rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine. Le régime de Damas avait reconnu fin juin l’indépendance des régions séparatistes ukrainiennes prorusses de Donetsk et de Lougansk et Kiev avait déjà réagi en coupant les ponts.

Débloquer «certains fonds»

La Russie a soufflé le chaud et le froid ces dernières semaines sur ces exportations cruciales notamment pour le continent africain, affirmant ne pas s’y opposer tout en accusant les sanctions occidentales et en posant des conditions que l’Ukraine refuse en l’état, comme le déminage de ses rades et couloirs maritimes.

Pour Washington, la rencontre de Téhéran prouve l’isolement croissant de la Russie. «Cela montre à quel point M. Poutine et la Russie sont de plus en plus isolés. Ils doivent maintenant se tourner vers l’Iran pour obtenir de l’aide», a déclaré John Kirby, qui coordonne la communication de la Maison Blanche sur les questions stratégiques.

M. Kirby a également accusé la Russie de «travailler à l’annexion des territoires ukrainiens» passés sous son contrôle ces derniers mois en utilisant le même «mode d’emploi» que pour la Crimée en 2014. L’ambassade russe aux Etats-Unis a réagi à ces propos en affirmant sur Telegram: «C’est un pur mensonge d’affirmer que l’opération militaire russe vise à conquérir. Nous ramenons la paix dans des territoires libérés».

Dernier épisode de cet immense bras de fer: la Commission européenne a proposé aux Etats membres de débloquer «certains fonds» de banques russes gelés par les sanctions de l’UE pour aider la reprise du commerce des produits agricoles et alimentaires, y compris le blé et les engrais, selon un document consulté mardi par l’AFP.

L’UE «veut qu’il soit parfaitement clair que rien dans les sanctions ne freine le transport de céréales hors de Russie ou d’Ukraine», a déclaré à l’AFP un diplomate européen sous couvert d’anonymat.

A propos du gaz, autre sujet de tension entre Moscou et les Européens, Vladimir Poutine a assuré que le géant russe Gazprom «remplirait pleinement ses obligations» au moment où baissent les livraisons vers l’Europe.

«Gazprom est prêt à pomper autant que nécessaire», a-t-il déclaré, indiquant que les Occidentaux étaient en difficulté car ils avaient pris des sanctions contre Moscou et «fermé» des canaux de livraison d’hydrocarbures.

Missiles sur Kramatorsk

Sur le terrain à Kramatorsk (est), un missile est tombé mardi dans un petit jardin entouré de barres d’immeubles de quatre étages, en plein centre-ville, ont constaté les journalistes de l’AFP.

Cette ville de 150.000 habitants avant la guerre, centre administratif de la partie de la région de Donetsk encore aux mains de Kiev, est située à une vingtaine de kilomètres du front et régulièrement touchée par des tirs.

Kramatorsk est devenue une cible stratégique pour la Russie, qui cherche à s’emparer de la totalité du bassin du Donbass, en partie contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014.

«A ce stade nous avons un mort», a déclaré à l’AFP Igor Ieskov, porte-parole de la mairie de la ville, tandis qu’un haut responsable de la police a fait état de six blessés.

La Russie avait annoncé samedi avoir officiellement mis fin à la «pause opérationnelle» de son armée décrétée quelques jours plus tôt, et les bombardements ont repris avec plus d’intensité sur les villes du Donbass.

Les troupes russes ont ainsi touché des bâtiments résidentiels à Avdiivka, Soledar, et Bakhmout, selon la présidence ukrainienne, qui recensait mardi «deux frappes de missiles sur Toretsk», ainsi que «des bombardements de zones industrielles».

Près de Bakhmout, l’armée ukrainienne affirme avoir «repoussé avec succès» plusieurs «tentatives d’assaut». Les forces russes affirment avoir tué 60 soldats ukrainiens à Dolina, dans la même zone.

Dans la région d’Odessa, les forces russes ont tiré sept missiles, blessant au moins six personnes dont un enfant, selon la présidence ukrainienne.

Le ministère russe de la Défense a pour sa part affirmé que ses frappes sur Odessa avaient détruit un stock de munitions fournies par les Occidentaux.

«Ne pas entrer dans l’hiver»

Le chef du cabinet de la présidence ukrainienne, Andriï Iermak, a souligné la nécessité pour son pays de renverser la vapeur avant l’hiver pour ne pas permettre aux forces russes de s’installer durablement.

«Il est très important pour nous de ne pas entrer dans l’hiver. Après l’hiver, quand les Russes auront plus de temps pour prendre pied, ce sera certainement plus difficile. Ils nous y entraînent. Il est très important pour nous de ne pas leur donner cette possibilité», a-t-il dit à Novoïé Vremia.

Pour cela, l’Ukraine réclame aux Occidentaux plus de systèmes d’artillerie de précision et à longue portée, comme les lance-roquettes multiples Himars fournis par les Etats-Unis, affirmant qu’ils pourraient «changer la donne» et permettre une contre-offensive pour repousser l’armée russe.

Dans le même domaine, la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna a indiqué mardi que six nouveaux canons automoteurs Caesar, en plus des 12 déjà livrés, étaient «en route» pour l’Ukraine.

En visite aux Etats-Unis, l’épouse du président Volodymyr Zelensky, Olena Zelenska, s’est entretenue mardi à la Maison blanche avec la Première dame des Etats-Unis, Jill Biden. «J’attends de cette visite de la Première dame des résultats significatifs pour l’Ukraine en matière de coopération avec l’Amérique», a déclaré mardi le président ukrainien.

Chercher les traîtres

Le Parlement ukrainien a validé mardi le limogeage du chef des services de sécurité (SBU) Ivan Bakanov et de la procureure générale Iryna Venediktova, proposé dimanche par le président Volodymyr Zelensky qui leur a reproché des efforts insuffisants en matière de la lutte contre les espions russes et collaborateurs de Moscou.

M. Zelensky avait encore annoncé lundi une «révision des cadres» au sein du SBU alors qu’au moins trois hauts responsables du cette organisation avaient été soupçonnés de haute trahison ces derniers mois.

Les services ukrainiens cherchent aussi à identifier ceux, parmi la population, qui aident les artilleurs russes à ajuster leurs tirs, ou leur signalent des cibles.

Vitali Kim, gouverneur de la région de Mykolaïv (sud), constamment bombardée, a ainsi annoncé mardi une prime de 100 dollars pour ceux qui aideront à identifier ces indics. Il a par ailleurs indiqué qu’il envisageait de «fermer» la ville de Mykolaïv pour quelques jours afin de neutraliser les traîtres.

La guerre en Ukraine entrera le 24 juillet dans son sixième mois et il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit jusqu’à présent.

A lire aussi...