Les sénateurs américains se sont embarqués cette semaine dans un marathon législatif sur la «grande et belle loi» de Donald Trump, le mégaprojet phare du président, mais les débats s’annoncent particulièrement difficiles avec les craintes de voir s’alourdir le déficit.
Sous la pression de Donald Trump, la loi a déjà passé fin mai la chambre basse du Congrès, la Chambre des représentants. Elle comprend notamment l’extension des crédits d’impôt monumentaux du premier mandat du milliardaire républicain, qui arrivent à expiration à la fin de l’année.
Selon différents analystes indépendants, les prolonger pourrait accroître le déficit de l’Etat fédéral de 2000 milliards à 4000 milliards de dollars sur la prochaine décennie.
Les coupes budgétaires pourraient elles affecter des millions d’Américains les plus défavorisés.
Le président avait salué le passage de sa loi emblématique à la Chambre des représentants, s’adressant ensuite aux sénateurs: «Maintenant, il est temps pour nos amis au Sénat des Etats-Unis de se mettre au travail, et d’envoyer DÈS QUE POSSIBLE cette loi sur mon bureau» pour promulgation.
Mais, au Sénat, où les débats ont commencé lundi, même les élus de son propre camp républicain ont déjà fait part de leur intention d’apporter d’importantes modifications. La navette parlementaire devrait donc se prolonger.
«Arrêter le processus»
Les républicains modérés rechignent à réduire drastiquement les dépenses, tandis que les partisans de la rigueur budgétaire dénoncent le projet comme une bombe à retardement pour les finances de l’Etat.
Sur le plan politique, ces débats devraient donc aussi avoir une grande influence sur les élections de mi-mandat de 2026, ce scrutin toujours périlleux pour la majorité au pouvoir.
«Nous avons suffisamment de soutien pour arrêter le processus jusqu’à ce que le président prenne au sérieux la réduction des dépenses et du déficit», a récemment affirmé sur CNN le sénateur Ron Johnson, qui fait partie de la petite poignée de républicains frondeurs - moins d’une dizaine.
Les républicains contrôlent certes le Sénat mais avec une courte majorité de trois voix.
Quant à l’opposition démocrate, minoritaire dans les deux chambres, elle ne cesse de critiquer des réductions d’impôts pour les plus riches au détriment d’une classe ouvrière déjà accablée par l’inflation.
Le Bureau du budget du Congrès estime en effet que les réductions d’impôts combinées aux grosses coupes budgétaires aboutiraient à un énorme transfert de richesse des 10% les plus pauvres vers les 10% les plus riches du pays.
De son côté, la Maison Blanche assure que la «grande et belle loi» stimulera la croissance économique, alors que la dette américaine frôle les 37.000 milliards de dollars.
«Déçu»
Des analystes indépendants s’attendent à ce qu’environ sept millions de bénéficiaires du programme d’assurance maladie Medicaid, destinés aux plus pauvres, en soient privés en raison des nouvelles restrictions proposées.
Plusieurs sondages montrent qu’une large majorité d’Américains s’opposent à ces restrictions. L’impopularité de cette mesure pousse même Donald Trump et des élus républicains à nier ces coupes, assurant que seules les personnes qui abusent, selon eux, du système en perdront le bénéfice.
Les républicains modérés s’inquiètent également du risque de voir jusqu’à 3,2 millions de personnes privées d’aides alimentaires.
S’il n’a pas hésité à tordre le bras des républicains de la Chambre des représentants, Donald Trump adopte pour l’instant une méthode plus douce avec les sénateurs.
La «grande et belle loi» de Donald Trump a eu un autre effet sur son camp: jusque-là son fidèle allié, le milliardaire Elon Musk n’a pas mâché ses mots au sujet de ce mégaprojet.
Se disant «déçu», il a déploré sur CBS des «dépenses massives» qui «augmentent le déficit budgétaire». «Une loi peut être grande ou belle. Mais je ne sais pas si elle peut être les deux», a-t-il ironisé.
Chargé de tailler dans les dépenses publiques, Elon Musk a terminé comme prévu la semaine dernière sa mission au sein du gouvernement Trump.