L’ancien directeur de la banque écope de trois ans et neuf mois ferme, moins que les six ans requis par le Ministère public.
La justice zurichoise condamne Pierin Vincenz à trois ans et neuf mois de prison. Elle reconnaît l’ex-patron de Raiffeisen coupable de gestion déloyale par métier, d’abus de confiance, de faux dans les titres et d’autres délits.
Dans son jugement rendu mercredi matin, le Tribunal de district de Zurich retient aussi les chefs d’accusation d’escroquerie, de tentative d’escroquerie et de corruption passive dans certains cas. Dans sa sentence, il n’a pas été aussi loin que le réquisitoire du Ministère public qui avait exigé six ans de prison contre Pierin Vincenz. La défense avait demandé son acquittement complet.
Les 106 jours passés en détention préventive seront déduits de la peine infligée à l’ancien patron de Raiffeisen. Ce dernier est aussi sanctionné d’une peine pécuniaire avec sursis de 280 jours-amende à 3000 francs. Son avocat a annoncé qu’il ferait appel de ce jugement qu’il considère comme «erroné».
Autre principal accusé de ce procès, l’ex-patron de la société de cartes de crédit Aduno, Beat Stocker, écope de quatre ans de prison ferme et de 160 jours-amende à 3000 francs avec sursis. Il est reconnu coupable des mêmes chefs d’accusation, si l’on excepte l’abus de confiance. S’y ajoutent l’incitation à la gestion déloyale et la violation du secret commercial.
Selon la Cour, Pierin Vincenz et Beat Stocker ont placé des participations occultes dans des sociétés destinées à être rachetées par Raiffeisen ou Aduno, dans le seul but de s’enrichir. Le Ministère public évalue la somme délictueuse à 9 millions de francs pour Pierin Vincenz et 16 millions pour Beat Stocker. Le duo devra rembourser 2,6 millions de francs à une société rachetée.
Trois autres des sept accusés sont sanctionnés de peines pécuniaires pour avoir assisté le duo dans ses transactions illégales. Quant aux deux prévenus restants, l’un est acquitté, l’autre voit la procédure contre lui classée en raison de son mauvais état de santé.
Pierin Vincenz et Beat Stocker ont fait parfois preuve d’une «énergie criminelle élevée» et leur responsabilité dans cette affaire était «importante», a déclaré le président du tribunal.
Pour ce dernier, M. Vincenz a abusé de la grande confiance placée en lui en tant que patron. A sa décharge, aucun «simple citoyen» n’a été lésé, contrairement aux entreprises qu’il dirigeait ou administrait. En outre, la banque Raiffeisen ne disposait pas d’un véritable mécanisme de contrôle au moment des faits reprochés.
Pierin Vincenz était aussi accusé d’avoir financé de grosses dépenses privées à travers des notes de frais: 200’000 francs pour des visites dans des clubs de strip-tease dans toute la Suisse et 250’000 francs pour des voyages. Il a justifié ces dépenses par le besoin d’entretenir ses relations avec ses clients.
Pour les juges, il s’agit, au contraire, de cas de gestion déloyale. «L’entretien des relations a aussi des limites» que l’ex-patron de Raiffeisen a largement dépassées, a souligné le président du tribunal. Ses voyages privés à Dubaï ou avec son club de cuisiniers amateurs à Majorque aux frais de la banque tombent sous la même catégorie de délit.
La Cour a aussi retenu le chef d’accusation d’abus de confiance pour certaines dépenses purement privées. Tel est le cas d’un rendez-vous galant fixé dans un restaurant de luxe par l’intermédiaire de l’app de rencontres Tinder. Pierin Vincenz l’avait décrit comme un entretien d’embauche.
Il en va de même de la rénovation d’une chambre d’hôtel qu’il avait dévastée. Le principal intéressé devra rembourser environ 300’000 francs à la banque Raiffeisen pour ses notes de frais abusives.
Pour certains faits reprochés par l’accusation, le tribunal a dû relaxer le principal accusé par manque de preuves évidentes. Par ailleurs, les juges ont abaissé de neuf mois la sentence qu’ils entendaient prononcer, en raison de l’intense couverture médiatique qui a même cité des documents confidentiels.
Le procès s’est achevé le 22 mars après huit journées d’audience étalées sur deux mois. A son issue, Pierin Vincenz avait admis avoir fait des erreurs en vingt ans passés à la banque Raiffeisen, mais il avait souligné ne rien avoir commis d’illégal. Les autres accusés s’étaient aussi dits innocents.
La banque Raiffeisen confie à Keystone-ATS qu’elle «a pris acte» du jugement. En tant que partie plaignante, elle va faire appel à titre préventif.
Professeur de droit pénal, Mark Pieth salue le verdict des juges. Il ajoute que les peines sont plus élevées que nombre d’observateurs l’avaient attendu.