Budget: l’Allemagne tente de se sevrer du «quoi qu’il en coûte»

AWP

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La coalition d’Olaf Scholz doit approuver en conseil des ministres le projet de loi de finance 2024 après s’être déchirée durant des mois sur les tours de vis exigés par le ministre libéral des Finances, Christian Lindner.

Rarement le gouvernement allemand avait autant ferraillé pour boucler un budget: le projet présenté mercredi impose des coupes douloureuses de la dépense publique après les années de «quoi qu’il en coûte», même si la défense tire son épingle du jeu.

La coalition d’Olaf Scholz doit approuver en conseil des ministres le projet de loi de finance 2024 après s’être déchirée durant des mois sur les tours de vis exigés par le ministre libéral des Finances, Christian Lindner.

Pour ce tenant de l’orthodoxie budgétaire et des baisses d’impôts, le budget doit marquer un tournant après les largesses nécessitées par la crise sanitaire puis celle des prix de l’énergie.

«Nous amorçons un changement de tendance: du simple partage de la prospérité à une perspective où il s’agit de gagner de l’argent», écrit-il dans le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Des priorités doivent être définies: «tout ce qui est politiquement populaire ne peut pas être financé».

Montrer l’exemple

Un coup de griffe au parti des Verts et aux sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz, ses alliés de coalition, avec lesquels les négociations budgétaires ont tourné au bras de fer.

Les écologistes sont notamment vent debout contre son refus de sacrifier des avantages fiscaux accordés aux automobilistes quand il renâcle à lâcher du lest sur un nouveau dispositif d’allocation pour combattre la pauvreté infantile.

Les discussions au Parlement, où le projet de budget sera débattu à partir de septembre, promettent d’être animées.

Le ministre allemand des Finances veut aussi montrer l’exemple au moment où il exige de ses partenaires de l’UE le retour à la rigueur des règles du pacte de stabilité, suspendues depuis trois ans en raison du Covid-19.

Au final, la première économie de la zone euro, entrée en récession cet hiver, prévoit pour l’an prochain 445,7 milliards de dépenses (435,3 milliards de francs), contre 476,3 milliards programmés cette année. Mais les dépenses en 2024 dépasseront de 25% leur niveau de 2019, note le projet.

Presque tous les ministères devront contribuer à des économies d’environ 3,5 milliards d’euros par an en 2024 et 2025.

La baisse des nouveaux emprunts est plus drastique avec 16,6 milliards prévus pour 2024 contre 45,6 milliards en 2023.

Long terme

De cette façon, l’Allemagne va respecter sa règle constitutionnelle de «frein à l’endettement» qui interdit à l’Etat d’emprunter annuellement plus de 0,35% de son PIB.

Après avoir été suspendu durant la pandémie, ce plafond est officiellement rétabli depuis cette année.

Mais l’Allemagne a eu recours pour 2023 à plusieurs tours de passe-passe, avec la multiplication de fonds spéciaux, non comptabilisés dans le budget officiel.

Ces fonds ont notamment permis de dépenser sans compter pour soutenir ménages et entreprises face à la hausse des prix de l’énergie.

C’est dans l’une de ces enveloppes que le gouvernement va encore piocher pour atteindre l’an prochain l’objectif de consacrer annuellement 2% du PIB national aux dépenses militaires, comme préconisé par l’Otan.

Le «fonds spécial pour la Bundeswehr» – annoncé par Olaf Scholz après l’invasion de l’Ukraine et doté de 100 milliards d’euros – va ajouter 19,2 milliards d’euros au budget régulier de la défense l’an prochain.

Doté de 51,8 milliards, ce dernier sera l’un des rares à progresser, de 1,7 milliard d’euros. L’augmentation est très loin des 10 milliards d’euros supplémentaires réclamés par le ministre de la Défense pour remettre à niveau l’armée allemande sous-équipée.

D’autant plus, note le quotidien Tagesspiegel, que la progression du budget régulier sera absorbée par les augmentations de salaire et de frais d’équipement liées à l’inflation.

A quelques jours du sommet de l’Otan de Vilnius, le gouvernement allemand doit «expliquer comment il a l’intention d’obtenir plus 2% du PIB sur le long terme, lorsque le fonds spécial aura été dépensé», note le quotidien.

Les dépenses militaires de l’Allemagne plafonnent autour de 1,5% du PIB, suscitant les critiques de certains de ses alliés.

Au regard de cette exigence, «le véritable sevrage de l’ère de l’abondance budgétaire est encore à venir», estime le quotidien des affaires Handelsblatt, jugeant «homéopathiques» les efforts de rigueur de la première économie européenne.

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