Les nouvelles doctrines des banques centrales

Présélection prix Turgot

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Benoît Coeure et Hans-Helmut Kotz (dir), Revue d’économie financière.

L'avis du Club de présélection du prix Turgot
Jean-Jacques Pluchart

La dernière livraison de la REF répond opportunément aux principales questions soulevées par la révision actuelle de la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Elle réunit les gouverneurs de plusieurs banques centrales et des experts monétaires reconnus. Elle conjugue des approches à la fois théoriques et pratiques des problématiques soulevées par la révision de la stratégie de la BCE. Elle constitue actuellement la meilleure source de réflexion sur l’économie monétaire contemporaine.

En introduction, Benoît Coeuré et Hans-Helmut Kotz tirent les leçons des crises financières survenues depuis 2008. Ils constatent que les banques centrales ont su adapter leurs stratégies à l’évolution de leurs environnements économique et financier, par les usages coordonnés d’instruments conventionnels et non conventionnels. Les banques centrales ont été dans l’ensemble fidèles à leurs mandats, en privilégiant la lutte contre l’inflation et le soutien de la croissance économique par une «baisse inexorable des taux d’intérêt». Ils constatent que la situation économique actuelle impose la mise en œuvre d’une nouvelle politique monétaire. Comment réorienter l’épargne vers la consommation et les investissements, engager la désinflation, conjuguer politiques monétaire et budgétaire des Etats, accompagner les transitions énergétiques et climatique, encadrer les crypto-actifs…?

Dans une première partie, les auteurs comparent les doctrines monétaires appliquées respectivement par la BCE (P-R. Lane) et la fed (R-H Clarida). Ils s’interrogent sur l’efficacité des mesures non conventionnelles (faibles taux d’intérêt, forward guidance, achat de dettes publiques, soutien de la liquidité) et ils explorent les nouvelles approches possibles des banques centrales dans un environnement économique plus exigeant, marqué par un «double choc» de l’offre et de la demande (F.Villeroy de Galhau, V.Brignon et B.Cabrillac). Ils analysent les changements de stratégies (O. Issing) et les mesures d’exception envisageables afin de pratiquer un «ciblage flexible de l’inflation» (O. Schumacher).

Dans une seconde partie, les experts s’interrogent sur les voies de «budgétisation des politiques monétaires», en rappelant que les banques centrales n’ont en principe pas pour mission d’intervenir dans les politiques budgétaires des gouvernements (S-G. Cecchetti, K-E. Schoenholtz), mais qu’en pratique, les politiques accommodantes de la BCE ont eu pour objectif de soutenir l’économie privée, mais ont en fait favorisé les dérives budgétaires de certains Etat, notamment du sud de l’Europe (A.Orphanides).

Dans une troisième partie, les auteurs analysent les nouveaux défis que doivent relever les banques centrales afin de favoriser les transitions énergétiques et climatiques, ainsi que faire face au développement des crypto-monnaies. M. Derer, D. Dohrmann et J. Gerik s’interrogent sur le rôle de la BCE dans la couverture des risques financiers engendrés par le changement climatique, tandis que M. Thiemann évalue les impacts des politiques monétaires sur la gestion de la crise du covid. M. Aglietta et N. Valla retracent l’historique des monnaies digitales et identifient les rôles des banques centrales dans leur régulation et dans la création de monnaies numériques banques centrales (MNBC). Enfin, L. Scialom mesure la responsabilité sociétale des banques centrales dans la gestion des crises, tandis que P. Berès montre que depuis le «what ever it takes» de Mario Draghi en 20212, les banques centrales se sont substituées aux Etats Providence.