Zoom sur les CAT bonds

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Un marché décorrélé. Avec Jean-Christophe Rochat de la Banque Heritage.

Acheter une obligation catastrophe revient à parier sur la non-occurrence d’un désastre, en général climatique. En clair, si l’évènement survient, l’investisseur perd toutes ses billes, de la même manière que lors d’un défaut de paiement de l’émetteur. A priori très risquées, ces obligations émises par des réassureurs pour se couvrir contre des catastrophes naturelles sont très décorrélées des autres marchés obligataires. Spécialiste sur cette classe d’actifs, Jean-Christophe Rochat, Chief Investment Officer de la Banque Heritage partage les trois règles cardinales de ce type de placement.

Comment les CAT bonds liés aux catastrophes naturelles ont-ils évolué durant pandémie?

Les cat bonds se sont très bien comportés en 2020. Ils ont aussi parfaitement joué leur rôle décorrélant. Vis-à-vis des obligations High Yield, ils ont moins baissé durant les mois de février et mars. Notre fonds sur les obligations catastrophes n’a concédé que -2,38% durant cette période. Bien qu’une faible part aurait pu souffrir des obligations exposées à l’émergence de pandémies, et qu’une forme d’incertitude ait gravité autour des réclamations possibles liées aux interruptions de business, la baisse sur ce segment provient principalement de la nécessité de certains intervenants de liquider leur book pour faire face aux rédemptions. Ce qui s’est d’ailleurs passé sans encombre, signe de sa maturité. Les spreads élevés suite aux événements de 2017/2018, demeurent attractifs. Notre fonds a augmenté de plus de 4% sur le reste de l’année et pour le début de l’année, le rendement à terme moyen demeure supérieur à 4,5%.

Finalement, même si les décès directement liés au COVID-19
ne sont pas à minimiser, ils sont loin d’égaler ceux vécu en 1918.
Il existe donc des CAT bonds liés à la pandémie?

Les obligations catastrophes dont le déclencheur serait un taux de mortalité soudain et élevé existent depuis de nombreuses années. Elles assurent contre des risques similaires à ce qui a pu être vécu lors de la grippe espagnole en 1918 en termes de décès, à savoir des dizaines de millions de personnes sur un continent comme l’Europe. On parle ici d’un risque statistique dont l’occurrence est d’une fois tous les 100 ou 200 ans, bien moindre que pour les ouragans extrêmes qui oscillent autour de 15-20 ans. Moins risqués, ils sont logiquement moins rémunérateurs que les obligations sur les catastrophes naturelles, mais ils sont de bons outils de diversification nullement corrélés à ces dernières.

Comment les obligations sur la mortalité ont-elles évoluées durant la pandémie?

L’impact d’un fort taux de mortalité sur les assurances décès et les débours encourus par les assureurs serait trop important, d’où la nécessité de se réassurer. Certaines de ces obligations ont ainsi vu leurs prix baisser en 2020, en anticipation d’une forte croissance des décès. Finalement, même si les décès directement liés au COVID-19 ne sont pas à minimiser, ils sont loin d’égaler ceux vécu en 1918. Ces obligations n’ont pour le moment ainsi pas été touchées.

La prolongation des mesures de confinement pourrait ramener
sur la table des discussions liées aux indemnisations.
Parier sur la non-occurrence d’une catastrophe n’est pas un placement…plutôt risqué?

Effectué de manière isolée, c’est un placement extrêmement risqué. D’ailleurs, de nombreux hedge funds s’y sont brûlés. Il existe cependant trois règles cardinales afin d’assurer des rendements stables à long terme au sein de cette classe d’actifs. D’abord, être toujours rémunéré au-dessus du risque statistique de perte. Les modélisations dans ce domaine sont très robustes, avec des données sur plusieurs centaines d’années. Encore faut-il savoir extraire cette substance même des contrats obligataires…Ensuite, il faut être bien diversifié car il n’y pas de corrélation entre un tremblement de terre à Osaka et une tempête en Europe. Cela permet de construire des portefeuilles bien plus robustes que dans d’autres classes d’actifs comme le High Yield où les flux d’une panique sur l’énergie entrainent le reste du marché avec eux. Enfin, en écho au premier point, il ne faut pas courir après la performance et la tentation d’augmenter le risque lorsque les spreads baissent. Les obligations ont toutes les caractéristiques pour diversifier le portefeuille mais ça n’est pas la martingale; leur gestion demande beaucoup de rigueur.

Comment les réassureurs et les assureurs ont-ils traversé cette année singulière?

Grâce aux mesures de confinement et la baisse des coûts liées aux accidents ainsi que le report de certaines interventions médicales, les assureurs n’ont finalement pas vécu une mauvaise année. Ces économies ont couvert la hausse des dépenses liées à la pandémie. Mais à plus long terme, la prolongation des mesures de confinement pourrait ramener sur la table des discussions liées aux indemnisations ainsi qu’engendrer des problèmes de santé physique et mentale, ce qui aurait sans nul doute un impact durable sur cette industrie. Mais nous connaissons tous sa capacité à passer les coûts à ses assurés tant que cela se fait dans la douceur et le temps...

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