Une gestion personnalisée et non standardisée

Yves Hulmann

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Maxime de Raemy, directeur d’Alias Partners, décrit les enjeux actuels pour la société de gestion de fortune indépendante qui célèbre cette année ses 50 ans d’existence.

Fondée en septembre 1972, Alias Partners, qui emploie une vingtaine de collaborateurs dont la moitié de gérants, est l’une des plus anciennes sociétés de gestion de fortune indépendante de la place financière genevoise. A l’occasion des cinquante ans d’existence de l’entreprise, Maxime de Raemy, son directeur, revient sur le développement de la société qui gère environ 1,8 milliard de francs et décrit ses objectifs pour la suite.

Qui sont typiquement les clients d’Alias Partners et quelles sont leurs préoccupations actuellement?

Il s’agit de clients individuels qui sont à la recherche de leur propre solution patrimoniale. Actuellement, nos clients se montrent plus inquiets qu’auparavant de la hausse globale des prix et de l’impact que l’inflation peut avoir sur leur patrimoine. L’accent est aussi placé sur les besoins en liquidités. Il s’agit ici d’évaluer et d’anticiper quel est le niveau des besoins en liquidités des clients en l’organisant de façon à ne pas devoir être contraint de vendre ou réduire des positions au pire moment. Si un client a des besoins en cash élevés, nous allons en garder suffisamment sous forme de véritables liquidités. Et c’est d’ailleurs plus facile de le faire maintenant compte tenu de la fin des taux d’intérêt négatifs. On peut maintenant avoir par exemple des placements liquides à court terme en dollars qui rapportent quelque chose.

«Il s’agit d’anticiper quel est le niveau des besoins en liquidités des clients en l’organisant de façon à ne pas devoir être contraint de vendre au pire moment.»
D’où proviennent essentiellement vos clients?

Notre clientèle est avant tout helvétique. Environ 50% de nos clientes et clients sont des personnes qui résident en Suisse, 35% sont issus de pays de l’UE tandis que 15% proviennent d’autres régions du monde, notamment une importante clientèle brésilienne et un nouveau développement au Moyen-Orient.

Que recherche un client d’un pays de l’UE lorsqu’il s’adresse à Alias Partners?

Les profils des clients et leurs attentes sont bien sûr très divers. Un point commun est qu’il s’agit de clients qui recherchent un contact personnel et qui souhaitent avoir une gestion personnalisée, à l’inverse des solutions standardisées qui leur sont souvent proposées par les établissements de leur pays d’origine. Par ailleurs, ils recherchent aussi une approche de gestion internationale avec des placements très diversifiés, très différente de la gestion axée sur le marché intérieur de leur pays d’origine. Les clients français, par exemple, veulent avoir d’autres titres en portefeuille que les entreprises du CAC 40.

En quoi les exigences accrues en matière de réglementation qui encadrent la branche affectent-elles vos activités et comment réussissez-vous à vous y adapter?

Nous avons commencé, il y a plusieurs années déjà, à modifier l’ensemble de la structure de nos activités. Nous avons investi, par exemple, dans un système de gestion des portefeuilles (PMS). Nous avons entamé ce processus de transformation en 2016, aussi dans l’optique de pouvoir accueillir davantage de gérants intéressés à nous rejoindre. Par ailleurs, Alias Partners est directement régulé par la Finma, ce qui soumet nos activités à une surveillance très stricte. Cela a de nombreuses implications en termes de compliance et nécessite, entre autres, d’avoir un conseil d’administration à majorité indépendante.

Cette démarche a-t-elle été effectuée aussi dans l’idée de participer plus activement au processus de consolidation en cours parmi les gérants indépendants?

Non, ce n’était pas l’objectif initial. Alias Partners n’a pas été conçu au départ comme une plateforme de consolidation et nous n’avons pas l’intention de le devenir. Ce que nous souhaitons, c’est que notre entreprise soit à niveau pour accueillir, quand l’occasion se présente, de nouveaux gérants qui correspondent à notre ADN. Chez Alias Partners, chaque gérant est en charge de sa propre clientèle mais son style de gestion doit se rapprocher de celui de la société.

«Alias Partners n’est pas assez grande pour devenir une petite banque - nous préférons devenir un plus grand gérant indépendant.»
Que pensez-vous, de manière générale, du mouvement de consolidation parmi les gérants de fortune indépendants. Ce processus va-t-il s’accélérer?

Mon avis à ce sujet est qu’on assistera à une accélération du mouvement de consolidation une fois qu’un certain nombre de gérants auront réalisé la complexité qui résulte de la nouvelle réglementation qui est exigée – et de la complexité de l’implémentation de celle-ci. Deux phénomènes se superposent actuellement: d’un côté, il y des coûts en lien avec la réglementation qui augmentent tandis que les marges sont en baisse. De l’autre, il y a aussi les questions qui se posent en lien avec le changement de génération. Beaucoup de gérants sont actifs depuis 20 ou 30 ans, voire davantage, et réfléchissent à la transmission de leur société.

Avec 1,8 milliard de francs d’actifs sous gestion à fin 2021, la taille d’Alias Partners n’est pas si éloignée de celle de très petites banques. Quelle est la différence entre votre manière de travailler et celle d’une petite banque de gestion de fortune?

Nous pouvons voyager beaucoup plus léger sur le plan opérationnel car nous nous appuyons sur différentes banques dépositaires pour toutes les opérations de back-office. Nous travaillons ainsi de manière multi-plateformes et sommes habitués à travailler avec une architecture entièrement ouverte. C’est une différence par rapport à une petite banque qui, même si elle travaille avec de nombreux partenaire, aura intérêt à avoir le dépôt de ses clients chez elles et promouvoir ses propres produits. De manière générale, Alias Partners n’est pas assez grande pour devenir une petite banque - et notre société n’a aucune raison d’essayer de le devenir - nous préférons devenir un plus grand gérant indépendant.

Certains clients apprécient les sociétés de gestion indépendantes pour avoir des avis réellement indépendants au sujet de l’évolution des marchés. Quelles sont vos impressions sur la situation actuelle des marchés?

La baisse des marchés de cette année est différente des autres corrections majeures récentes, celle liée au Covid en 2020 ou comme lors de la grande crise financière entre 2008 et 2009 ou encore lors de l’éclatement de bulle Internet du début des années 2000. Je vois davantage de similarités avec la chute des marchés survenue en 1973 et 1974, où l’on avait assisté à une baisse simultanée des marchés des actions et des obligations dans un contexte de forte inflation et de remontée rapide des taux. Les prochains trois mois seront déterminants pour l’évolution des marchés car ils seront suspendus aux décisions de la Réserve fédérale américaine quant à la direction des taux d’intérêts. Il est certain que des taux qui se rapprocheraient des 5%, maintiendraient les marchés actions et obligataires sous forte pression en 2023. Maintenant, quelle que soit l’évolution des marchés au cours des prochains mois, l’important est de garder une perspective d’investissement à long terme, soit un horizon de placement de plus de cinq ans, en choisissant des stratégies d’investissements qui minimiseront les impacts de cette très forte hausse des taux qui affectent toutes les classes d’actifs. Et la plupart de nos clients, qui ont souvent déjà traversé plusieurs cycles de baisse des marchés, en sont bien conscients.

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