Priorité à la solidarité

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Amaury Jordan à propos de l’Alliance suisse des gérants de fortune. «La vie est plus simple si votre réseau vous apporte des solutions.»

Fondée à Zurich en 2016, l’Alliance des gérants de fortunes suisses (ASV- ASWM)1 réunit 33 gérants indépendants d’une certaine envergure: agrégés, leurs encours se montent à plus de 100 milliards de francs. Alémanique d’origine, le groupement compte aussi aujourd’hui des membres romands et tessinois qui, de par leur taille, sont amenés à affronter des problématiques que la majorité des GFI ne rencontrent pas. Car, rappelons-le, seuls 3 à 4% des gérants indépendants gèrent plus d’un milliard. Faciliter l’échange d’expertise et d’expérience qui ne sont pas ordinaires chez les GFI, sur des exigences qui se rapprochent davantage de celles auxquelles sont confrontées les banques: c’est le rôle de l’Alliance comme l’explique son vice-président Amaury Jordan, CEO d’Avalor Investment.

En quoi les membres de l’Alliance des gérants de fortunes suisses se distinguent-ils?

D’après l’ASG2, près de 50% de ses membres actifs gèrent des avoirs de moins de 100 millions de francs et seuls 12% gèrent plus de 500 millions. Notre alliance compte des encours totaux de plus 100 milliards pour 33 membres, soit en moyenne plus de 3 milliards chacun. De ce fait, nous rencontrons des problématiques différentes de la majorité de nos homologues. Pour ne citer que quelques exemples: nous avons affaire à d’avantage de banques dépositaires que nos pairs3 et nos besoins informatiques sont à une autre échelle. Être grand ne signifie rien en soi sur le plan de la qualité mais les défis ne sont pas les mêmes en fonction de la taille.

L’étape actuelle est d’établir un dialogue commun
avec les banques dépositaires.
On dit pourtant que les GFI sont plutôt méfiants et peu enclins à coopérer.

Ce fut longtemps vrai mais nous avons observé un énorme changement de mentalité. Les gérants indépendants se sont beaucoup ouverts au cours des deux ou trois dernières années. Tant localement, ici à Zurich, qu’entre sociétés alémaniques et romandes. Tous ont appris à donner et à recevoir car la vie est plus simple si on appartient à un réseau d’échanges informels dont on peut attendre des solutions qu’il ne faut pas hésiter à aller chercher sans «avoir peur de perdre la face».

Pouvez-vous nous donner un exemple?

On nous avait dit que l’obtention d’un enregistrement à la SEC comme Investment Advisor était très compliquée. C’est certainement ce que nous laissait volontiers croire nombre de conseillers, par ailleurs fort couteux. En cherchant au sein de notre cercle d’amis, nous avons identifié un autre gérant qui avait déjà mené ce type de démarches à bien et lui avons demandé conseil. La discussion a été très ouverte, très productive. In fine, nous avons gagné du temps car l’expertise se trouvait au sein d’un groupe avec lequel nous avions une relation de confiance. Ce qui nous a évité de réinventer la roue.

Quel est votre prochain grand chantier?

L’étape actuelle est d’établir un dialogue commun avec les banques dépositaires car, collectivement, l’Alliance travaille avec plus de 60 banques. En abordant ce dossier il y a quelques années, nous nous sommes aperçus de deux choses. La première? Les banques sont très à l’écoute et nous pesons un certain poids. La seconde? 18 mois après avoir rencontré nos cinq principaux correspondants au sein des banques lors du premier round, autour d’une même table, les quatre cinquièmes d’entre eux avaient quitté leur poste et … il fallait tout recommencer.

 Le métier évolue constamment
et ne pas suivre est bien dommage.
Alors où en êtes-vous?

Il nous fallait trouver un consensus, mais finalement nous nous sommes accordés sur une initiative  qui, nous l’espérons, nous permettra d’établir le dialogue que nous souhaitons.  Cette initiative, que nous dévoilerons en début d’année prochaine, est conçue sous le principe de «coopération, et non confrontation» mais notez bien que nous entendons introduire un benchmarking des prestations des différents fournisseurs sur plusieurs critères.  Car il y a autant de façons d’appliquer la même réglementation KYC qu’il y a de banques avec des résultats très contrastés! Pas besoin de quatre mois pour ouvrir un compte. Il est temps que l’écosystème financier suisse facilite la vie du client pour créer un avantage compétitif pour tous.

Les ordonnances d’application de LSFin et LEFin sont maintenant publiées. Qu’en pensez-vous?

Pour les membres de notre Alliance, les conditions n’ont rien de nouveau. Par contre, je regrette que la loi se soit accordée sur des standards minimaux en matière de formation. Pour défendre une part de marché, il faut être bon, être à la pointe, démontrer qu’on se différencie. Le métier évolue constamment et ne pas suivre est bien dommage. S’il doit y avoir un Swiss Finish, c’est dans la formation – et donc la compétence - qu’il doit se trouver. Pour nous différencier des dizaines de milliers de gérants au monde. Pour assurer que la Suisse se positionne comme l’Hermès de la gestion… et non pas comme le Sears.

Que deviendront les vieux gérants avec de vieux clients?

C’est un défi …  Passionnant au demeurant. L’Alliance a tenu un cycle de workshops afin d’éxminer différents aspects d’évaluation et de valorisation d’entreprises comme les notres, ainsi que de différents modèles de succession. Il a touché un nerf et les inscrits se sont bousculés.

 

1 Allianz Schweizer Vermögensverwalter (ASV) en allemand et Alliance of Swiss Wealth Managers (ASWM) en anglais.
2 L’Association Suisse des Gérants de fortune est la plus grande association suisse de gérants indépendants représentant plus de la moitié du marché
3 Selon l’ASG, seuls 8% environ des gérants ont affaire à plus de six banques dépositaires.