Novartis pourrait créer la surprise

Salima Barragan

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Grégoire Uettwiller de Moneta: le groupe pharmaceutique suisse augmente ses chances de succès.

Créé en 2003, Moneta Asset Management est un stock picker fondamental avec plusieurs fonds à son actif. Dans le cadre de sa stratégie long-short, la société parisienne tire parti de titres survalorisés, couvre certaines de ses positions longues et enfin, tire parti de la décorrélation entre deux titres au sein d’un même secteur; ce que l’on appelle dans le jargon financier «un pair trade». Grégoire Uettwiller, gérant long short equity revient sur sa stratégie d’investissement, dont une position acheteuse sur le titre de Novartis chahuté en bourse depuis son spin-off du 3 octobre.

Novartis est en chute libre depuis la réalisation boursière de sa scission avec Sandoz. Pour quelles raisons l’appréciez-vous?

Novartis a connu un parcours quelque peu agité avec des déceptions cliniques sur son pipeline ces dernières années qui ont affecté son image et entraîné des multiples de valorisation faibles. Nous pensons que cette situation est temporaire. Le pipeline présente de beaux potentiels et la société s’est aussi recentrée sur certaines activités, augmentant ainsi ses chances de succès. Le titre offre ainsi du potentiel de bonne surprise, car le marché ne croit pas aux objectifs de croissance de la société.

Nous apprécions globalement le secteur de la santé, – à travers la pharma, les diagnostiques, les MedTech-, sur lequel nous sommes exposés. Un secteur peu cyclique nous semble indiqué dans un environnement de marché un peu chahuté avec la hausse de taux.

Airbus figure aussi dans vos paris acheteurs. Est-ce en raison de sa position concurrentielle?

Airbus et Boeing se partagent un duopole. Cependant, Boeing reste affaibli par les déboires de son 737 Max. Le groupe américain est endetté et n’arrive pas à concurrencer le Airbus A320 pour les courts et moyen-courriers.

En revanche, le carnet de commandes d’Airbus lui assure 8 ou 9 années d’activité, offrant une bonne visibilité sur la croissance de son chiffre d’affaires. Sa trésorerie excédentaire est suffisante pour un éventuel rachat d’actions l’année prochaine. Nous voyons un potentiel de hausse supérieur à 20% sur son titre.

Le problème d’approvisionnement dans l’aéronautique constitue le seul bémol à court terme. Leur chaine de logistique est très diversifiée, et un grand nombre de petits sous-traitants peinent à suivre la cadence. Cette situation devrait de résoudre d’ici un moment.

Dans le cadre de votre stratégie long-short, vous tirez parti de sociétés survalorisées. Les entreprises exposées au secteur de la construction sont-elles dans ce cas?

Oui, notamment dans le secteur des sanitaires. Suite à la bulle de la rénovation lors du confinement, les valorisations de plusieurs sociétés du secteur demeurent erronées. Au début, les prix des matériaux ont été absorbés par une demande solide. Mais ils ont ensuite explosé suite aux difficultés sur la chaîne d’approvisionnement. Aujourd’hui, les grossistes se retrouvent avec un excès de stocks parce qu’ils ont sur-commandé alors que l’activité ralentit.

Les marchés n’ont pas encore intégré ce double effet. Aujourd’hui, les multiples élevés ne sont plus justifiés: la construction est à l’arrêt et les transactions immobilières secondaires se font de plus en plus rares. En raison d’un manque de catalystes, le secteur devrait continuer à sous-performer.

Vous détenez plusieurs positions vendeuses dans le secteur automobile. Pour quelles raisons?

Nous couvrons notre forte conviction longue sur le groupe automobile Stellantis par un panier de constructeurs automobiles concurrents. Suite à la fusion en janvier 2021 de Peugeot Citroën et Fiat Chrysler, Stellantis est devenu le 3e constructeur mondial. Bien qu’il soit déjà le constructeur le plus rentable au monde, nous nous attendons à des synergies supplémentaires, car les nouveaux modèles seront lancés sur des plateformes communes. De cette manière, ils pourront défendre ou améliorer leurs marges. Malgré cela, Stellantis est le constructeur le moins cher, valorisé à peine plus de 3 années de bénéfices.

Cependant, nous souhaitons éviter une surexposition au secteur automobile, par nature cyclique et en proie à la concurrence chinoise ou de Tesla sur l’électrique, alors nous couvrons le risque sectoriel par des valeurs moins bien armées, moins décotées et que nous aimons aussi moins. Le grand concurrent allemand de Stellantis souffre par exemple de problèmes de gouvernance majeurs et peine à baisser ses coûts dans la même amplitude que ses concurrents, ses marges demeurent aussi plus faibles.

Nous avons également un constructeur américain dans nos positions vendeuses, car deux tiers des profits de Stellantis sont réalisés aux États-Unis, notamment avec la marque Jeep. Il nous semble donc pertinent de rajouter une couverture américaine avec un titre qui se paie quasiment deux fois plus cher pour des performances moindres. Nous captons ainsi la convergence des multiples qui devrait logiquement se produire.

Pour quelles raisons shortez-vous Tencent?

Tencent est une société qui opère dans un environnement réglementaire et économique actuellement compliqué et sur laquelle nous n’avons pas d’avis. En revanche, Tencent représente 80% des actifs de la holding hollandaise Prosus. Nous sommes actionnaires de Prosus et short Tencent pour capter la réduction de la décote de holding, qui dépasse 35%. Prosus souhaite réduire cette décote et a lancé un programme de rachat massif de ses propres actions, financé par la cession de titres Tencent. Le rythme de rachat d’actions entraîne une croissance de l’actif net par action de Prosus de 7% par an.

 Un de vos analystes couvre le secteur de la qualité de l’air, c’est peu usuel…

Nous ne suivons pas la liste de référence, mais sommes à la recherche des pépites qui poussent et des niches d’investissement mal suivies. La qualité de l’air couvre des petites et moyennes entreprises disséminées en Europe et généralement suivies en silo par des analystes locaux. Notre analyste a ainsi une meilleure vue d’ensemble du secteur.

Quelles sociétés y trouve-t-on?

La qualité de l’air couvre des sociétés comme Volution en Grande-Bretagne et Lindab en Suède, actives dans l’extraction de l’air et la ventilation à double flux ; des solutions destinées à des industriels ou des particuliers. Nous y trouvons aussi des sociétés telles que Nibe en Suède ou Ariston en Italie qui fabriquent des pompes à chaleur. Le secteur connaît néanmoins récemment un ralentissement, qui nous fait rester à l’écart.

La référence à certaines valeurs boursière est donnée à titre d’illustration. Elle n’a pas pour objectif de promouvoir l’investissement en direct dans ces titres et ne constitue pas une recommandation d’investissement ou un conseil en investissement.

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