J.P. Morgan est considérée comme la plus grande banque du monde en termes de capitalisation (737 milliards de dollars, ce qui correspond à 7 fois celle d’UBS). Lors de sa récente journée des investisseurs, Jamie Dimon, son CEO, a réitéré son objectif, qui est un rendement des fonds propres de 17% à travers le cycle. Le groupe présente 57 milliards de dollars d’excès de fonds propres (CET1). Cette abondance de fonds propres traduit l’incertitude actuelle, selon la direction. Laura Geiger-Pancera dirige son activité Asset Management en Suisse depuis 18 mois. Elle répond aux questions d’Allnews sur sa stratégie:
Quelle a été votre croissance ces 5 dernières années en Suisse, dans les différents segments de J.P. Morgan Asset Management?
Il faut préciser que J.P. Morgan Asset Management présente une très forte croissance au plan global en vertu de sa taille et de sa portée ainsi que des ressources disponibles dans toutes les classes d’actifs. Cette combinaison nous aide à bien gérer nos affaires dans un environnement de marché très volatil. Nos activités suisses reflètent notre développement au plan mondial. Nous avons plus que doublé nos actifs en Suisse depuis cinq ans.
Qu’en est-il de vos différents segments?
Dans les segments de clientèle «wholesale» et institutionnels, notre clientèle est diversifiée et comprend des grandes banques, des caisses de pension, des assurances. Nous avons une forte allocation sur notre marché de base, les Etats-Unis, et offrons un large éventail de classes d’actifs, allant des actions aux obligations en passant par les investissements alternatifs. Nos véhicules d’investissement comprennent aussi des fonds de placement, ETF et d’autres solutions sur mesure.
«Il sera difficile de bien s’en sortir en se limitant à la gestion passive en 2025».
En Suisse, nous avons observé une croissance significative dans notre activité de «sub-Advisory». Ce modèle favorise les partenariats avec les clients, il est basé sur une relation de confiance et de collaboration, qui ne se limite pas à une bonne performance.
Les mandats de «sub-Advisory», nous permettent de créer et innover avec nos clients. Cette approche s’aligne sur l’évolution du secteur vers une personnalisation de la gestion d’actifs et permet de répondre aux besoins et aux préférences de nos clients. En adoptant ce genre de collaboration, nous entendons nous différencier et les intérêts de nos clients sont ainsi placés au premier plan.
L’année passée, quel segment de produits a présenté la plus forte croissance?
Les investissements alternatifs ont rencontré un écho très favorable l’an dernier. Nous avons toutefois obtenu un bon équilibre entre les classes d’actifs traditionnels, les obligations et les actions, et les alternatifs. Au sein de ces derniers, les actifs réels sont à citer en premier pour nos clients wholesale, institutionnels et caisses de pension.
Comment se sont développés vos effectifs en Suisse?
Les effectifs de J.P. Morgan en Suisse s’élèvent à 900 collaborateurs, à Zurich et Genève et ils traduisent une progression régulière et solide. Nous voulons à la fois croître et conserver notre agilité afin de nous adapter aux besoins des clients.
Et grâce à nos employés locaux, nous sommes en mesure d’échanger avec nos clients dans leur propre langue. Nos employés doivent connaître la réalité locale.
Et dans l’asset management?
Dans l’asset management, nos effectifs sont de 30 en Suisse (dont 50% sont des femmes), pour les services à la clientèle, la distribution, le marketing, la communication, le business management et les affaires juridiques.
Nous nous concentrons non seulement sur les centres financiers de Zurich et Genève, mais aussi sur les besoins des clients des autres régions. Le marché se transforme. Les banques régionales et cantonales jouent un rôle de plus en plus significatif. Il en résulte, pour nous, un besoin d’élargissement de la gamme de nos services dans les régions. Depuis Genève, nous couvrirons davantage les régions de Lausanne, Neuchâtel ou le Valais. L’année dernière, nous avons organisé des événements non plus seulement dans nos hubs mais aussi dans les villes de taille moyenne, romandes, alémaniques et tessinoises. En mars dernier, nous avions une centaine de clients pour notre événement à Bâle. Ces rendez-vous nous permettent de former et partager notre expertise auprès de notre clientèle. Cela fait partie de notre responsabilité fiduciaire.
Comment vous développez-vous en Suisse romande?
Nous progressons à Genève tant dans l’institutionnel que pour les caisses de pension et le wholesale. A Zurich nous venons aussi d’engager un nouveau conseiller à la clientèle senior. Le focus portera progressivement sur Berne, Bâle, Vaduz et le Tessin.
Dans le Private Banking, Genève représente le hub de notre groupe en Suisse si bien que la majorité des employés du groupe sont au bout du lac.
Quels sont vos actifs sous gestion?
Nous ne publions pas ce chiffre.
Comment se développe votre activité wholesale?
Nous nous développons très bien auprès des différentes catégories de banques ainsi que des family offices et des intermédiaires.
Nous observons un intérêt marqué en ce moment pour les ETF actifs, une solution introduite en Suisse il y a quelques années.
Le wholesale est en train de devenir une activité sophistiquée en Suisse qui nécessite des solutions personnalisées. En tant que gérants d’actifs, nous évoluons pour être des innovateurs et créateurs de solutions adaptées aux besoins individuels. En parallèle, ces solutions doivent être innovantes et efficientes en termes de coûts, transparentes et modulables. Si une banque veut tout faire elle-même, les coûts risquent d’être très élevés. Une coopération permet de consolider le savoir de chacun et de le fournir à un meilleur prix. Nous mettons à disposition notre savoir et notre réseau, une équipe d’analystes présente dans toutes les parties du monde. Nous mettons sur pied 10’000 rencontres par an avec des entreprises.
«L’ETF actif est la meilleure innovation du moment, et, dans les placements alternatifs, européens les ELTIF».
Nous avons obtenu des mandats de la part de grandes banques. Ces partenariats stratégiques traduisent le besoin des banques privées de répondre à un mouvement de consolidation et de compression des marges. L’asset manager peut offrir sa contribution dans ce contexte.
Cette stratégie n’est possible qu’à condition de disposer des bonnes personnes sur le terrain. Je ne cherche pas des vendeurs de produits, mais des personnes qui entrent dans un dialogue stratégique avec les clients. Leur CV doit être étendu au-delà de la gestion d’actifs. Personnellement, j’ai rejoint J.P. Morgan Asset Management il y a 18 mois après 20 ans de private banking au cours d’une période qui m’a permis de travailler avec les différentes divisions.
Quelle est la meilleure innovation actuellement sur le marché?
L’ETF actif est la meilleure innovation du moment, et, dans les placements alternatifs, européens les ELTIF, sachant que les investisseurs désirent des produits liquides au sein des investissements alternatifs.
Les actifs réels sont également très recherchés ainsi que les infrastructures, en particulier pour les clients institutionnels et «wholesale». Nos solutions de base, les actions américaines et les obligations, restent toutefois prisées, d’autant que 80% de nos stratégies surperforment la moyenne sur 10 ans.
L’un des dix premiers ETF aux Etats-Unis est votre ETF actif. Qu’en est-il en Suisse?
Notre gamme d’ETF actif se comporte très bien sur le marché. Il plaît aux investisseurs en vertu d’un tracking-error très bas. A la suite de la forte volatilité des marchés cette année, les investisseurs recherchent aussi des produits «income», donc à revenu élevé mais avec un caractère plus défensif.
Quelle est votre stratégie en termes de frais des différents produits en Suisse?
L’efficience en termes de coûts est un critère fondamental. Nos clients, comme nous, sont confrontés à une compression des marges. Nous assisterons de ce fait à une forte consolidation dans l’asset management. Du fait de sa taille, de son volume et de son extensibilité, J.P. Morgan Asset Management est bien placée dans ce contexte.
Quelle est votre stratégie?
Nous sommes présents dans le monde mais nous avons une mentalité suisse. Quoique nous fassions dans le monde, nous ne voulons pas simplement le répliquer ici mais plutôt le traduire dans le langage du client. Nous voulons investir en Suisse, diversifier notre clientèle et notre gamme de produits ainsi que renforcer la dynamique de notre marque en Suisse. Dans l’actuelle volatilité et face aux pressions sur les coûts, notre soutien est crucial pour les clients du pays. Nous voulons continuer d’innover, par exemple dans les placements alternatifs et les ETF actifs. Et nous voulons accroître nos services, notamment dans la formation, pour être considérée comme un partenaire et non un simple distributeur.
Auparavant, j’étais active dans le private banking. Le discours est le même. Il n’est pas possible de s’en sortir en dehors du modèle de partenariat.
En termes de stratégies de placement, est-ce que l’ETF actif représente l’essentiel de votre activité?
Effectivement, nous avons construit notre succès avec un modèle basé sur notre recherche fondamentale, avec une faible tracking-error, et doté d’un wrapper transparent et efficient en termes de coûts. Nous venons d’étendre cette approche au secteur «income».
En Suisse, nous offrons 165 ETF actifs. Nous sommes un pionnier du marché, avec une part de marché de plus de 50%. La concurrence reconnaît la valeur des ETF actifs et prend cette même direction.
Les alternatifs représentent un deuxième instrument clé et nous sommes présents dans ce domaine depuis plus de 60 ans. En Suisse, nous essayons d’apporter des structures «evergreen», qui permettent d’investir à long terme dans des sociétés privées avec une structure open-ended.
En ce moment, avec la forte volatilité des marchés, où se porte la demande?
Après un début d’année difficile sur les marchés américains et une surperformance des actifs européens, la demande en titres européens est soutenue. Mais les clients sont en train de revenir vers les actions américaines. A mon avis, 2025 sera l’année de l’Europe dans les actions. Mais le marché américain reste solide.
Dans les obligations, les clients sont en quête de stratégies «income» et dans les alternatifs, les outils de protection contre l’inflation (comme par exemple l’infrastructure) et les hedge funds.
Quels sont vos objectifs pour 2025?
La situation volatile des marchés doit nous permettre de démontrer les forces de notre gestion active. Il sera difficile de bien s’en sortir en se limitant à la gestion passive en 2025. Nous devons profiter de ce contexte, aller voir les clients et les aider à naviguer dans des marchés compliqués, les accompagner et renforcer une relation de confiance.
Nous avons aussi l’avantage d’être présents dans toutes les classes d’actifs. Si les actions sont moins recherchées, nous pouvons débattre des intérêts d’autres classes d’actifs.
Sur le plan de l’innovation, quels sont les apports concrets de l’intelligence artificielle dans votre activité?
J.P. Morgan Asset Management investit massivement dans l’intelligence artificielle dans le cadre de nos 500 millions de dollars investis chaque année dans la technologie. L’IA est un pilier majeur de ces investissements. Nous utilisons l’IA au sein de toutes nos activités. Elle n’est pas qu’un soutien opérationnel. Nous l’employons dans les relations avec les clients, dans la gestion de portefeuille, dans la recherche quantitative. Nous ne croyons pas que l’IA remplacera l’humain, mais qu’elle améliorera ses capacités.
L’IA améliore finalement les relations avec nos clients et permet de mieux comprendre la façon dont ces derniers pensent et agissent. Leurs besoins sont mieux compris.
Vous dirigez votre organisation depuis 18 mois. Quels sont vos objectifs pour les 3 prochains années?
La volatilité du marché peut influencer nos performances, mais je suis là pour développer la société et je suis confiante de pouvoir y parvenir avec la qualité et l’expérience de notre équipe.