«Nous n’investissons que dans d’excellentes entreprises»

Philippe Rey

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Thierry Borgeat, co-fondateur d’Arvy Invest, explique comment investir dans de telles firmes et quelles sont les opportunités actuelles.

Le plus important facteur pour un investisseur orienté vers le long terme est d’investir à un prix raisonnable dans des sociétés de grande qualité. Dans la durée le rendement de l’action d’une entreprise reflète en effet la rentabilité de celle-ci. C’est la philosophie suivie par Arvy. Le point avec Thierry Borgeat, co-créateur de ce gérant d’actions basé à Zurich.  

Vous menez une approche d’investissement hybride qui combine des aspects fondamentaux et techniques. Quels en sont les aspects clés?

Un modèle d’affaires de qualité, une croissance «top et bottom-line», un rendement élevé des capitaux employés (ROCE), une forte génération de cash-flow libre et une valorisation boursière y relative raisonnable, un bas niveau de dettes et une tendance structurellement favorable. 

Nous sommes convaincus qu’investir dans des sociétés de grande qualité recèle le potentiel d’une performance supérieure à long terme. Sans être cruels, nous aimons les chefs de file qui sont «unfair» avec les concurrents plus faible; ce qui leur permet de gagner des parts de marché. 

Cependant, nous combinons ces facteurs fondamentaux avec des aspects techniques, notamment la moyenne mobile à 200 jours, qui s’avèrent positifs. Et ce afin d’éviter des phases de consolidation boursière trop longues d’entreprises de qualité, mais qui connaissent une traversée du désert. 

Nous préférons abandonner les dix premiers pourcents de hausse et n’investir que lorsque les bons fondamentaux sont confirmés par l’analyse technique.

En somme, la «bonne histoire» nous montre ce que nous devons acheter et le «bon graphique» quand l’effectuer.

Quelles sont les meilleures sociétés à cet égard? 

Par exemple, Microsoft, dans les technologies de l’information, Hermès International SCA dans le luxe, ainsi que Novo Nordisk et Eli Lilly dans la pharma, et l’Oréal dans la science et technologie de la beauté. Ou bien Ares Management Corp qui est un leader dans la gestion alternative, en mettant l’accent sur la dette privée, qui est corrélée aux taux d’intérêt. Rollins, spécialiste de l’antiparasitaire, et Schneider Electric, leader dans l’efficience énergétique et des ressources, sont deux entreprises essentielles en regard du dérèglement climatique. 

Ces sociétés possèdent un avantage compétitif durable qui est difficilement contestable.  

Nestlé et Roche connaissent un «coup de mou», cependant que Swatch Group souffre d’une «décote Hayek».

Et des exemples de firmes de qualité que vous évitez en ce moment? 

En particulier Roche et Nestlé qui traversent une phase difficile, avec un «coup de mou», tant en ce qui concerne la croissance que la rentabilité.  Sans parler de Swatch Group qui subit une «décote Hayek».

N’y a-t-il pas le danger de rater une bonne occasion à long terme? 

Nous préférons abandonner les dix premiers pourcents de hausse et n’investir que lorsque les bons fondamentaux sont confirmés par l’analyse technique.

Quelles opportunités voyez-vous à présent? 

Nous avons investi récemment dans l’entreprise Casey’s General Stores qui est une chaîne très efficiente de convenience-stores dans le Midwest et le sud des Etats-Unis, dans un secteur qui est encore fragmenté mais consolide. 

Par ailleurs, nous avons accru nos positions en Waste Management qui est la plus grande entreprise de collecte, de traitement et de recyclage de déchets en Amérique du Nord. Sa signification grandit avec la nécessité du développement de l’économie circulaire. Son avantage concurrentiel s’accentue. 

Autre cas d’augmentation de la position: la firme canadienne Constellation Software qui est un fournisseur leader de logiciels à mission critique et services à un groupe sélectionné de marchés publics et privés.

Aussi longtemps qu’une entreprise peut réinvestir ses bénéfices/cash-flows à un taux de rendement élevé dans sa croissance, elle a tout intérêt à le faire! 

Quand vendez-vous? 

Si les fondamentaux de l’entreprise et du secteur dans lequel elle opère se détériorent. D’autre part, nous réduisons d’un tiers environ la position d’une société qui s’emballe à la hausse sur le plan boursier.  Nous continuons à conserver une telle société aussi longtemps que ses fondamentaux restent bons. 

D’autre part, nous évitons des situations de «turnaround» ou redressement d’entreprise ainsi que de «bottom fishing», soit des actions tenues pour sous-valorisées ou dont le cours a fortement baissé.

Le niveau actuel des taux d’intérêt est-il propice aux actions? 

Arvy ne fait pas de prévisions des taux d’intérêt, ni de prévisions à court terme des bénéfices des entreprises. Le contexte actuel, qui est certainement meilleur qu’en 2021, offre des opportunités à un «stock picker» ou «business picker». Notre portefeuille d’actions comprend une trentaine de titres dans un univers de 3000 sociétés. Nous cherchons constamment les trente meilleures d’entre elles, ce qui constitue un défi.

«Givaudan, Belimo, Marriott International ou Verisk Analytics figurent parmi les titres que nous avons sur le radar.»

Quelles firmes avez-vous sur le radar, sans les avoir dans le portefeuille?

En Suisse notamment Givaudan, Schindler, Kühne+Nagel, Partners Group, Roche, Belimo ou Lindt & Sprüngli; aux Etats-Unis entre autres Marriott International, Verisk Analytics et Cintas & Tractor Supply.

Quel est votre avis au sujet des «7 magnifiques»?

Nous pensons que le narratif concernant ces sociétés technologiques qui dominent l’indice S&P 500 est devenu trop positif; ce qui nous incite à la prudence, bien que nous ayons Microsoft et Alphabet en portefeuille.

Le rendement moyen du dividende de votre portefeuille ne s’élève qu’à 1,2% contre une moyenne de 2% pour le marché. N’est-ce pas un handicap?

Non au contraire! Aussi longtemps qu’une entreprise peut réinvestir ses bénéfices/cash-flows à un taux de rendement élevé dans sa croissance, elle a tout intérêt à le faire! Et donc à n’en pas verser du tout ou bien garder un taux de distribution relativement bas. En outre, la part des bénéfices versée aux actionnaire est doublement imposée, sans compter le risque de réinvestir ces dividendes dans des actifs de moindre qualité.