Le casse-tête des successions franco-suisses

Salima Barragan

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«En France, le taux de taxation des transmissions en ligne directe peut s’élever jusqu’à 45%», explique Aubin Robert de Avacore Family Office.

Les successions franco-suisses sont un vrai casse-tête car les règles civiles et fiscales applicables sont complexes: le premier point à étudier est le régime matrimonial pour les couples mariés. La loi applicable à la succession définit ensuite qui hérite de quoi et dans quelles proportions avant que la fiscalité n’entre en jeu: où les impôts sont-ils dus et à quel taux? Eclairage avec Aubin Robert, Head of Wealth Planning and Family Office Services chez Avacore Family Office.

Lorsque l’on aborde la problématique des successions franco-suisses, quelle est la première chose à considérer?

La loi du régime matrimonial, qui détermine le patrimoine de chacun des époux, va dépendre d’un certain nombre d’éléments factuels à savoir, le contrat de mariage, la date de mariage, le pays de résidence après le mariage ainsi que le pays de résidence actuel. Dans certains cas, le régime matrimonial n’est pas celui que les couples pensent avoir.

«Il est recommandé de faire un contrat de mariage
pour éviter les divergences de vues entre la France et la Suisse.»
Vous avez réalisé un webinaire sur les successions franco-suisses qui explique en détail les règles applicables au régime matrimonial. Si vous deviez résumer les points saillants, quels seraient-ils?

Dans une majorité de situations, il est recommandé de faire un contrat de mariage pour éviter les divergences de vues entre la France et la Suisse et les changements de régime matrimonial dans le temps. Cela peut concerner des personnes en situation de mobilité. Par exemple, un couple de Français, mariés sans contrat, venus s’installer en Suisse ou au contraire, un couple de Suisses partis en France.

Quelle sera la loi applicable à la succession d’une personne décédée vivant en Suisse ou en France et possédant des biens dans les deux pays?

Les droits français et suisse prévoient que la loi applicable à une succession est celle du pays où résidait le défunt au moment de son décès, c’est à dire la loi française ou suisse selon les cas. Cette loi s’appliquera à l’ensemble des biens compris dans la succession quels que soient leur nature, mobilière ou immobilière, et leur lieu de situation. Une seule et même loi décidera donc de qui sont les héritiers et dans quelles proportions. Elle va notamment déterminer quels sont les droits du conjoint survivant et le montant des réserves héréditaires, c’est-à-dire la part de la succession qui est nécessairement allouée à certains héritiers.

Est-il possible de changer la loi qui régira une succession?

Côté français, il est possible d’opter pour l’application de la loi de sa nationalité. Les personnes possédant plusieurs nationalités peuvent choisir la loi qu’ils souhaitent parmi ces nationalités. La Suisse permet aussi aux étrangers vivant en Suisse de choisir la loi de leur nationalité, mais seulement s’ils n’ont pas aussi la nationalité suisse.

«Une succession soumise à la loi suisse peut être taxable en France,
et inversement une succession soumise à la loi française ne pas l’être.»
Quel serait l’intérêt pour un citoyen français vivant en Suisse ou un citoyen suisse vivant en France de choisir une loi plutôt qu’une autre?

Tout va dépendre de sa situation familiale et de ses objectifs. Il faut comparer le contenu des deux lois et choisir celle qui répond le mieux à ses objectifs. Il faut souligner que ce choix n’a pas d’impact sur la fiscalité. Une succession soumise à la loi suisse peut être taxable en France, et inversement une succession soumise à la loi française ne pas l’être.

Qu’en est-il de la fiscalité des successions côté français?

Les droits de succession sont dus en France si le défunt était domicilié en France ou si l’héritier y était domicilié au jour du décès. Ce second cas de taxation ne s’applique, néanmoins que si l’héritier a eu son domicile fiscal en France pendant au moins six années au cours des dix années précédant celle du décès. Enfin, s’il y a des biens français, quels que soient le domicile fiscal du défunt ou de l’héritier, des droits de succession sont aussi dus en France. Ces règles s’appliquent sans égard à la nationalité du défunt ou de l’héritier.

Et du côté suisse?

Côté suisse, si le défunt était résident de Suisse, le canton peut taxer l’intégralité de la succession, à l’exception des biens immobiliers français détenus en direct. Si le défunt n’était pas résident suisse, seuls les biens immobiliers situés en Suisse, y seront taxables.

Qu’en est-il concrètement de la situation d’une personne domiciliée en France qui hériterait de ses parents, domiciliés à Genève ou Lausanne?

Si les parents décèdent alors que l’héritier été domicilié en France pendant moins de six années au cours des dix années précédant celle du décès, elle ne paiera des droits de succession en France que s’il y a des biens français. Si le délai de 6 ans est atteint, alors elle paiera des droits de succession sur l’intégralité de sa part d’héritier, même si tous les biens de la succession sont situés qu’en Suisse.

«En Suisse, les transmissions de parents à enfants sont exonérées
ou faiblement taxées, en fonction des cantons.»
Quel est l’enjeu de la taxation en France?

L’enjeu est de taille. En Suisse, les transmissions de parents à enfants sont exonérées ou faiblement taxées, en fonction des cantons. En France, le taux de taxation en ligne directe peut s’élever jusqu’à 45%.

Peut-il y avoir des situations de double imposition?

Sans entrer dans le détail de toutes les règles applicables, il y a un risque de double taxation sur les biens mobiliers français (parts de SCI, actions de sociétés françaises, etc), si le canton de résidence du défunt taxe aussi ces biens. 

Enfin, quelles sont les diverses possibilités afin de réduire la facture fiscale?

Il faut anticiper, mais à bon escient. Cela peut passer par des cessions d’actifs, un changement de résidence fiscale des héritiers, des donations, la souscription de contrats d’assurance-vie, etc. Toutes ces décisions ne doivent pas être prises uniquement sur la base de considérations fiscales. Il faut en mesurer les conséquences. Donner en pleine propriété ou en nue-propriété, c’est se déposséder ou perdre du pouvoir.

Pour en savoir plus sur ce sujet, vous trouverez, en cliquant ici, l’enregistrement du webinaire d’Avacore Family Office sur les successions franco-suisses.