L'argent expliqué aux enfants

Anna Aznaour

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Initier les enfants à la bonne gestion de l’argent tout en les formant à l’égalité salariale hommes-femmes est l’objectif des quatre livres de Mara Harvey.

Une femme peut-elle rendre un homme millionnaire? Oui, à condition qu’il soit milliardaire! Si cette blague sexiste est plutôt drôle, la réalité l’est nettement moins. Et pour cause, dans l’imaginaire collectif, la femme a soit le rôle de la cigale soit celui de la bonne poire. D’ailleurs, mal payée, elle l’est depuis son enfance. Ainsi, selon certaines études, les fillettes reçoivent jusqu’à 30% d’argent de poche en moins que les garçonnets. Une sorte d’apprentissage d’inéquité qui va conditionner leur attitude de résignation à l’âge adulte. «Et cela doit changer le plus rapidement possible!» estime l’économiste Mara Harvey, Managing  Director chez UBS à Zurich, en s’attaquant aux racines du mal avec sa série d’ouvrages «A Smart Way to Start».

Pourquoi est-ce si urgent d’éduquer les petits, dès l’âge de 3-4 ans, aux rudiments de la finance et de l’équité?

Parce que c’est une question de survie pour cette jeune génération dont l’espérance de vie a des chances d’atteindre les cent ans. Il suffit de faire un simple calcul. Si un petit d’aujourd’hui commence sa carrière professionnelle à l’âge de 25 ans, il travaillera, selon toute vraisemblance, pendant 50 ans, c'est-à-dire jusqu’à ses 75 ans. Sachant que la durée de vie moyenne est actuellement de 83 ans et que d’après l’Office fédéral de la statistique, une fille sur quatre née en 2017 pourrait devenir centenaire, sa retraite durera 25 ans. Sous peine de voir toute cette population en grande précarité, la notion d’égalité salariale devrait être assimilée d’ici là. Idem quant aux bons réflexes monétaires.

Tous les coups de main aux parents ne devraient
certainement pas faire l’objet de rémunération.
Schématiquement, quelles sont les étapes d’initiation à l’argent décrites dans vos quatre livres?

On pourrait résumer cette éducation avec quatre mots: conserver, gagner, choisir, épargner. Dès l’âge de 3-4 ans l’enfant doit comprendre que ses petits sous ont de la valeur et que pour ne pas les perdre, il doit les conserver dans un endroit sécurisé, une tirelire par exemple. Vers 5-6 ans, il intégrera la notion du temps, quelques heures voire quelques jours, indispensables pour gagner de l’argent afin de s’offrir une glace, des bonbons, etc. Au même moment, il apprendra que son choix de dépenser cet argent est définitif, car il ne pourra plus le récupérer. À partir de 8-10 ans, il sera capable d’assimiler la notion d’épargne et du calcul des intérêts afin d’ouvrir, plus tard, un compte en banque non seulement pour sauvegarder son argent, mais aussi pour le voir croître. Finalement, à l’âge de 10-12 ans il faudrait le familiariser avec le concept d’endettement.

Comment expliquer à l’enfant l’endettement qui touche près de 47% de nos jeunes de 18 à 25 ans?

Cette problématique est souvent liée à l’usage intempestif de la carte de crédit qui facilite les achats en ligne tout en émoussant la conscience des montants dépensés, ainsi que celle des intérêts cumulatifs. C’est pourquoi, il est indispensable de former d’abord l’enfant à l’aide de la monnaie physique qu’il peut toucher, visualiser et facilement calculer avant de lui apprendre l’usage de la monnaie digitale. Faire comprendre aux petits que dépenser l’argent que l’on n’a pas gagné expose à l’obligation d’en gagner beaucoup plus pour rembourser ses dettes est absolument essentiel.

Faut-il payer son enfant pour des tâches ménagères accomplies ou encore les bonnes notes obtenues à l’école?

C’est là où entre en scène le volet «négociation» qui entraîne l’enfant à la rhétorique - argumenter pour persuader dans le but de conclure un accord. Mais également apprendre à évaluer la valeur d’un travail. Par exemple, quelle est la tâche ménagère la mieux rémunérée par rapport à sa durée d’accomplissement: faire la vaisselle tous les jours ou laver la voiture une fois par semaine? Cependant, tous les coups de main aux parents ne devraient certainement pas faire l’objet de rémunération. Quant aux gratifications pour les accomplissements scolaires, un seul montant, auparavant fixé, pour l’ensemble de son parcours annuel réussi est largement suffisant et uniquement à titre de célébration. Pour ce qui concerne la rétribution de l’enfant pour chaque bonne note, je la déconseille car elle risque de créer la confusion dans son esprit. S’il n’est plus payé, que doit-il faire alors? Arrêter de travailler à l’école? Apprendre devrait être une motivation intrinsèque, susceptible de l’accompagner durant toute son existence.

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