La fin de l'âge d'or du private equity

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Avec la hausse des taux d’intérêt, de grands noms de l’industrie pourraient peiner à lever des fonds. Avec Ferdinand Dalhuisen, de ODDO BHF AM.

Durant une décennie, l’industrie du capital-investissement a pleinement profité de l’argent gratuit. Lorsque les marchés actions évoluent dans le rouge, le private equity devient l’endroit où aller. Il s’est même récemment ouvert à une plus large clientèle. Mais l’élévation du coût du capital redistribue les cartes: ses rendements déclinent et les transactions ralentissent. Face à ce paradigme, les experts de l’industrie se concentrent sur la sélection des secteurs les plus porteurs et analysent les opportunités offertes par le marché secondaire. Entretien avec Ferdinand Dalhuisen, responsable Private Equity chez ODDO BHF AM.

Que signifie la fin de l’argent gratuit pour le private equity?

Cela veut dire que les temps «faciles» sont révolus. Aujourd’hui, les investisseurs vont devoir chercher du rendement dans les secteurs en forte croissance.  Les secteurs de l’environnement, de la digitalisation et de la santé en font partie selon nous: ils devraient continuer de croître et générer des profits à condition que les points d’entrée restent attrayants. Même si les taux d’intérêt venaient à baisser de nouveau, ce qu’on peut espérer dans le futur, il est peu probable que nous revoyions les niveaux d’avant. Ces niveaux de taux rendent ainsi plus difficiles les acquisitions ayant recours à l’effet de levier.

Le capital investissement est rentré dans une nouvelle ère…

Effectivement. Il est toujours possible de générer des rendements, mais à condition d’être sélectif, car les taux d’intérêt bas ne seront plus là pour aider.

En général, les rendements attendus à court terme sont assez corrélés avec ceux des marchés actions.
Avez-vous constaté un ralentissement dans les transactions?

Oui, du fait des raisons que je viens de mentionner. Nous devons prendre cette nouvelle réalité en compte dans les perspectives pour la classe d’actifs. Il existe encore un nombre significatif d’opportunités que ce soit dans un nouveau cycle de capital-risque (Venture Capital) à des niveaux de valorisation beaucoup plus sains ou dans la transition énergétique qui est soutenue par la réglementation et la demande des consommateurs. Nous considérons également aujourd’hui que le marché secondaire est attractif avec des niveaux de décotes supérieurs à la moyenne historique.

Les portefeuilles ont-ils davantage de difficultés pour attirer le smart money, c’est-à-dire les encours des investisseurs institutionnels?

Les institutionnels allouent leurs actifs selon des critères qui leur sont propres. Nous observons effectivement un ralentissement dans la levée des fonds ces derniers mois, comparée au premier semestre 2022. En raison notamment de la baisse des marchés actions, les investisseurs se retrouvent, de fait, surexposés au capital-investissement. En réaction, les grands investisseurs conservent leurs meilleurs fonds, bien établis, avec un long historique de performances et peuvent être amenés à céder certaines de leurs participations existantes sur le marché secondaire, un segment du marché selon nous très attractif à l’heure actuelle comme nous l’avons mentionné.

Pourrait-on bientôt voir des grands fonds en difficulté?

Oui, c’est tout à fait possible de voir de grands noms qui peinent à lever des fonds et qui pourraient se mettre en retrait du marché. Mais ce processus est long: il prend au moins 3 ans. D’ici là, nous devrions peu en entendre parler.

Le capital-investissement est le principal financeur des start-ups. Pour ces dernières, que signifie la fin des financements faciles?

Oui, mais ce n’est rien de nouveau: le Venture Capital est par nature très cyclique. Nous avons déjà vu maintes corrections liées à des bulles de marché. Les gérants qui possèdent la force de frappe nécessaire – ce qu’on appelle dans le jargon le dry powder – auront de bons retours sur leurs investissements, car ils sont en mesure d’obtenir de meilleures valorisations et de meilleurs termes de négociation que dans les dernières quatre ou cinq années. Dans cet environnement, seules les meilleures start-ups réussiront à se financer.

Quels retours sur investissement en Private Equity attendez-vous pour cette année?

Difficile à dire. En général, les rendements attendus à court terme sont assez corrélés avec ceux des marchés actions. L’horizon d’investissement sur le Private Equity s’établit cependant sur plusieurs années avec des performances relatives robustes.

A lire aussi...