L’or brille à nouveau…mais pour combien de temps?

Salima Barragan

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Selon George Cheveley, de Ninety One, la course à la dédollarisation soutiendra durablement le métal jaune.

Incertitudes économiques, activisme des banques centrales, perte de la qualité défensive des obligations d’Etat, volatilité des actions: ces ingrédients qui ont pris le dessus en 2020, ont porté l'or à ses sommets.  Avec une performance annuelle de 23,30%, le métal jaune brillait parmi les actifs traditionnels. Les arbres ne montent peut-être pas au ciel, mais dans un environnement de taux bas et d’attentes de rendement peu reluisantes sur les obligations, l'or devient plus efficace que ces dernières. Explications avec George Cheveley, portfolio manager chez Ninety One.

Comment les ajustements de la Fed face à la pandémie contribuent-ils à supporter le cours du métal jaune?

Le récent ciblage de l'inflation moyenne signifie que la Fed sera plus encline à dépasser son objectif standard de deux pour cent avant de relever ses taux d'intérêt. Il est claire qu’une reflation réussie en termes nominaux sera bénéfique pour tous les actifs. Et quand bien même nous assisterions à une stagflation - une croissance faible couplée à une inflation élevée - les actifs de couverture comme l’or se distingueront.

La faiblesse du billet vert pourrait
aussi être en partie de nature structurelle.
L’affaiblissement du dollar américain a mécaniquement soutenu le cours de l'or. Sa tendance à la baisse va-t-elle perdurer?

Le billet vert est déchiré entre sa valorisation coûteuse, une Fed qui tente d'élaborer une stratégie de taux bas et un contexte économique dynamique vis-à-vis des autres pays. Mais si les réformes chinoises du côté de l'offre se poursuivent et si l'Europe va plus loin et se rapproche d'un modèle d’union fiscale, son cycle baissier perdurera vis-à-vis des autres devises. La faiblesse du billet vert pourrait aussi être en partie de nature structurelle car ces dernières années, rappelons-le, sa hausse était due au différentiel de taux d'intérêt élevé et à une croissance supérieure à la tendance mondiale. Depuis la crise, nous avons assisté à la suppression des deux piliers qui soutenaient le dollar - le taux d'intérêt et l'exceptionnalisme de la croissance américaine. Avant la pandémie, les bouleversements dans l'énergie, les changements structurels en Chine et un effort général pour réduire la dépendance à l'égard du dollar avaient déjà mis le mouvement de dédollarisation en marche.

Peut-on s’attendre à des taux réels encore plus bas?

Les banques centrales devraient continuer de plafonner les rendements obligataires via le contrôle de la courbe des taux et détenir davantage d'obligations d'État, ce qui maintient les rendements réels négatifs. Par exemple, celui des obligations américaines à cinq ans est revenu en territoire négatif au début de l’année passée. La baisse des rendements réels a coïncidé avec une hausse du prix de l'or. Si la répression financière se concrétise, les rendements réels diminueront davantage et, dans cette éventualité, l'abri le plus évident pour les investisseurs est l'or.

Pourquoi remettez-vous en cause le caractère défensif des obligations d’Etat?

La crise du coronavirus a remis en question ce principe fondamental de l'investissement: de faibles rendements, de faibles attentes de rendement futur, une plus grande volatilité, ainsi que des corrélations de plus en plus instables avec les actions; voilà à quoi nous devons nous attendre dorénavant.

D’où, vous privilégiez l’or à la place des obligations pour diversifier vos portefeuilles?

À mesure que les montants en jeu de la dette à faible rendement augmentent, le métal jaune devient de plus en plus attrayant. Dans ce contexte, le coût d'opportunité de sa détention réduit à néant est devenu son principal moteur. Habituellement, un actif qui ne paie pas d’intérêts à tendance à dissuader un grand nombre d’investisseurs mais dans un monde où environ 15’000 milliards de dollars US de dette souveraine sur les marchés développés se négocient avec des taux nominaux négatifs et, un montant encore plus important une fois corrigé de l'inflation, le coût d'opportunité de l'or disparaît. Voire même procure ce qui pourrait être considéré comme un coût de portage positif par rapport aux taux d'intérêt négatifs offerts par certaines dettes souveraines.