L’Europe compte devenir un grand acteur des paiements

Salima Barragan

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Selon Marius Galdikas de ConnectPay, l’initiative des paiements européens pourrait déboucher sur des problèmes de concurrence.

Lancée par les grandes banques d’Allemagne, d’Espagne, de France et des Pays-Bas, l’initiative propose enfin un système unifié à l’échelle européenne. Concurrençant directement les grands émetteurs de cartes de crédit américains, cette solution permettra aux consommateurs – quels que soient leur banque et leur pays de domicile – d’effectuer des paiements en magasin, en ligne, entre tiers, et des retraits d'espèces dans tout le territoire européen avec une même carte. Selon Marius Galdikas, PDG de ConnectPay, ce système par ailleurs soutenu par la BCE pourrait déboucher sur des situations de désavantage concurrentiel. Explications.

Selon un rapport de la BCE publié l’année passée, les acteurs du marché unifient les paiements en Europe depuis deux décennies. Pourquoi cette nouvelle initiative, vingt ans après?

Le lancement des paiements SEPA avait amélioré les virements et les débits mais l'harmonisation des paiements par cartes reste encore à la traîne. En effet, dix pays européens n'acceptent toujours pas les cartes des autres États membres de l'UE. L'Initiative vise ainsi à combler cette fragmentation en remplaçant les systèmes nationaux de paiement par une carte unique et un portefeuille numérique.

Ce qui réduira la dépendance aux grandes sociétés de paiement américaines?

Oui car l'accès paneuropéen des systèmes nationaux de cartes dépend des fournisseurs internationaux tels que Visa ou Mastercard. Un des objectifs de l'initiative consiste justement à en devenir moins dépendant.

Les nuances de l’initiative devraient être discutées plus
en profondeur avant qu’elle ne soit pleinement opérationnelle.
Pourquoi proposer un portefeuille numérique en plus d’une carte?

Parce que les portefeuilles mobiles ne sont aussi proposés qu'au niveau national, ce qui a attiré des acteurs mondiaux.  En palliant les insuffisances des paiements de détail transfrontaliers, ces derniers ont créé un nouvel écosystème de paiements distincts.

Quel est le revers de la médaille de l’initiative qui placera pourtant l’Europe dans une position concurrentielle vis-à-vis des émetteurs américains?

Cette initiative renforcera effectivement la prédominance du paysage européen des paiements et sa résilience face aux acteurs prédominants, mais elle apportera aussi un lot de défis à relever par les autorités de surveillance.

C’est-à-dire?

Certains problèmes potentiels de partenariat et de concurrence pourraient émerger. L'indépendance nouvellement acquise s'accompagnera d'une série de questions, qui pourraient renforcer la compétitivité parmi les banques partenaires. Par exemple, la question des commissions. Même si elles sont plafonnées, elles restent fixées par Visa ou Mastercard. Les nuances de l’initiative devraient être discutées plus en profondeur avant qu’elle ne soit pleinement opérationnelle.

Si d’autres banques européennes - par exemple italiennes, portugaises ou grecques - souhaitent rejoindre le réseau, comment seront-elles accueillies?

Si l'initiative répond avec succès – ou même dépasse les attentes actuelles – elle suscitera l'intérêt d'autres États membres. Des conditions exigeantes pourraient être imposées aux nouveaux venus. Il est d’ailleurs vital de suivre l’évolution de la gouvernance de l’initiative afin de garantir la transparence à tous les niveaux et de veiller à ce qu'aucune des entreprises ne soit placée dans une situation de désavantage concurrentiel.