L’analyse durable est prioritaire et conduit à changer les structures d’une entreprise, selon Jens Haas, de Credit Suisse.
Le marché de la banque d’investissement se porte mieux. Ce marché des fusions et acquisitions, du financement par les actions et les produits de dette a moins baissé l’an dernier en Suisse (-26,3%, à 734 millions de dollars) qu’en Amérique (-53%) et en Europe (-36%), selon Jens Haas, directeur de l’Investment Banking suisse de Credit Suisse.
La grande banque suisse occupe depuis près d’une décennie la position de numéro un sur ce marché, en Suisse. Elle détient, selon Dealogic, une part de marché de 15,2%, avec 165 millions de dollars de revenus, devant UBS (9,1%) et JP Morgan (7,2%). Jens Haas répond aux questions d’Allnews:
Jens Haas: La hausse des taux d’intérêt et de l’inflation ne modifie pas les perspectives à moyen terme des transactions sur les marchés des capitaux. Nous sommes en effet présents sur tous les produits de ce domaine (ndlr. entrées en bourse, fusions et acquisitions, émissions d’obligations, etc). Le principal handicap pour les affaires sur ce marché provient toujours de la volatilité. Si les taux d’intérêt ou les marchés d’actions réagissent fortement, les clients attendent d’abord une stabilisation pour planifier leurs transactions.
Au sein de la gamme de produits, une hausse des taux d’intérêt dynamise la demande d’emprunts. Elle freine par contre l’offre des débiteurs parce qu’elle renchérit les émissions, jusqu’à ce qu’une normalisation soit acceptée et permette d’envisager des émissions.
La hausse des taux d’intérêt pourrait aussi soutenir les fusions et acquisitions.
Nous nous attendons à une reprise des activités en 2023, en particulier au deuxième semestre, à la faveur d’un environnement moins volatile.
La reprise est soutenue par trois facteurs: Les taux d’intérêt se sont stabilisés et ne devraient pas subir des variations excessives à court terme. Le deuxième élément concerne la politique monétaire des banques centrales, laquelle rend le franc suisse relativement plus attrayant. A la différence de la BNS, les banques centrales, qui avaient nettement accru leurs investissements obligataires ces dernières années, réduisent leurs achats, ce qui favorise le franc. Troisièmement, le secteur financier, qui s’est longtemps financé à travers les banques centrales, devrait, avec la fin de l’assouplissement quantitatif (QE) se financer dorénavant par l’intermédiaire du marché des capitaux. Actuellement nous procédons à plus d’une transaction obligataire par jour.
Il s’agit d’une réalité, mais sa concrétisation diffère d’une branche d’activité à l’autre. Par exemple, les semi-conducteurs sont toujours fabriqués à Taïwan. Mais à long terme la chaîne d’approvisionnement sera bel et bien modifiée. Le phénomène influencera les activités d’investissement des entreprises ainsi que, ponctuellement, leurs fusions et acquisitions.
C’est une chance pour la Suisse. L’économie suisse est en bonne forme. Elle est parvenue à s’adapter à la fermeté du franc, au niveau élevé des salaires et aux chocs extérieurs. La complexité des décisions de relocalisation ou de délocalisation sera mieux maîtrisée par des entreprises suisses que par beaucoup d’autres. Cette résilience autorise les groupes suisses à procéder à des acquisitions à l’étranger lors que l’occasion se présentera.
Les marchés européens et américains restent très ouverts aux entreprises suisses. Il conviendra naturellement de continuer à respecter les réglementations portant sur le droit cartellaire et le droit de la concurrence. Mais ce sont davantage les sociétés dans certains secteurs critiques comme les infrastructures qui sont visées.
Non, car en général les entreprises qui sont parvenues à tenir jusqu’à aujourd’hui sont bien armées pour rester indépendantes. Les compagnies aériennes ou touristiques sont un bon exemple. Je pense aussi que celles qui ont été aidées par l’Etat pourraient se lancer elles-mêmes dans des transactions sur le marché des capitaux.
Oui. Il convient toutefois de distinguer entre les différents critères, entre les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les deux premiers en particulier font partie des priorités des investisseurs et des entreprises. Qu’il s’agissent des candidats à une introduction en bourse ou à des émissions d’obligations, l’analyse ESG est devenue un point essentiel de l’évaluation. C’est aussi un moteur de fusions et acquisitions. Les aspects de durabilité contribuent à modifier les contours et la structure d’une entreprise.
Je ne crois pas à la mort des SPACs. Nous assistons à une phase de normalisation. Les SPACs existent depuis des dizaines d’années. Il s’agit de manteaux qui habillent des candidats à l’introduction en bourse (IPO). Ces instruments peuvent accélérer une entrée en bourse. Le processus d’IPO est en effet long et complexe. Un SPAC permet de se passer d’une bonne partie de cette préparation. Je crois que les SPACs ont été mécompris ces deux dernières années. Ils ont parfois été interprétés comme un moyen de parquer gratuitement son argent à une époque de taux d’intérêt négatifs. Cet avantage s’est évaporé. Aujourd’hui, les taux sont redevenus positifs pour le cash. Mais l’idée fondamentale du SPAC n’a pas disparu.
Les GDR reflètent la performance des actions de groupes chinois. L’intérêt pour ces titres provient principalement d’investisseurs domestiques chinois en passant par des instruments cotés en Suisse. Les institutions financières suisses, pour notre part sur une base sélective, participent à ce processus sous un angle technique. La commercialisation est réalisée par des banques chinoises et le négoce par la bourse suisse SIX.