L’envol des ventes de pièces d’or

Emmanuel Garessus

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En 11 ans, philoro a su profiter du fort développement du commerce de métaux précieux et des services qui l’accompagnent. Avec Marco Fiorini.

philoro, qui signifie «ami de l’or» en grec, a été fondé il y a 11 ans à Vienne par les Autrichiens Rudolf Brenner et René Brückler. L’idée initiale consistait à créer un lieu d’échange de métaux précieux en ligne. Ses fondateurs ont immédiatement compris que la clientèle désirait un contact direct parce qu’elle accordait une valeur émotionnelle aux caractéristiques physiques des métaux précieux. Aujourd’hui, le groupe philoro dispose de 15 succursales en Autriche, en Allemagne et en Suisse, dont une à Wittenbach près de Saint-Gall (2017) et une à Zurich (fin 2020). Le groupe compte environ 220 employés, dont une trentaine en Suisse.

Le chiffre d’affaires du groupe s’est élevé à 1,7 milliard d’euros en 2021 et il devrait avoir enregistré un «bonne croissance» en 2022.

A Zurich, à deux pas de la Bahnhofstrasse, le commerçant dispose d’une équipe de conseillers, de spécialistes du rachat de métaux précieux, de traders, d’un centre de logistique et d’un trésor. Des projets de nouvelles implantations sont en cours, déclare à Allnews Marco Fiorini, responsable de la clientèle institutionnelle, lequel nous présente son groupe et les tendances de ce marché.

Combien de clients visitent les magasins de votre groupe?

Marco Fiorini: Notre groupe fournit ses services à plus de 500'000 clients par an. Avec notre vaste réseau international, nous avons toujours été capables de servir nos clients, même dans les situations de marché tendues. Le besoin de contact direct est crucial pour la clientèle privée. Notre chiffre d’affaires en Suisse a quadruplé en trois ans. La stratégie d’implantation dans de nouvelles villes devrait être poursuivie.

La clientèle est très hétérogène. Les ventes de métaux précieux aux clients représentent 90% du volume et les achats 10%. Nous avons observé que dans les phases de hausse de l’or telles qu’en mars dernier, lorsque le cours de l’once a dépassé la barre des 2000 dollars, des clients vendaient une partie de leurs positions. A cet instant, le volume des rachats est grimpé pour représenter 30% des transactions. La demande est prioritairement motivée par la recherche d’un service indépendant des banques à des fins d’investissement.

De plus en plus d’épargnants se posent la question de l’accès à l’or physique lorsqu’ils possèdent un ETF avec réplication physique.

L’or profite toujours de son statut de valeur refuge, de sa stabilité et de sa performance à long terme (en moyenne 6,5% par an en francs au cours des derniers 20 ans). Il est très prisé en Suisse puisque, selon le World Gold Council, environ 40 tonnes d’or y sont vendues chaque année, contre 4 tonnes en France, 160 en Allemagne, 15 au Royaume Uni, 12 en Autriche. La demande de la région comprenant l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse (DACH) atteint 219 tonnes par an sur une demande globale de 1178 tonnes.

Pourquoi un client en quête d’or viendrait-il chez philoro plutôt que de s’adresser à sa banque?

Nous avons l’avantage de nous spécialiser uniquement sur l’achat et la vente physiques de métaux précieux et disposons donc du savoir-faire et des services qui y sont liés alors que les banques privilégient d’autres types de produits et de services. Ces dernières limitent d’ailleurs le nombre de succursales où ce commerce est possible. Selon l’étude de l’Université de Saint-Gall de l’an dernier, les banques ont perdu environ 35% de parts de marché en une dizaine d’années.

Qu’en est-il des différences de prix?

Le prix d’un lingot ou d’une pièce est défini par le prix du métal au comptant auquel s’ajoute une prime (celle-ci comprend les différents coûts associés à la création d’un produit (production, stockage, artisanat etc) et la marge du revendeur. Nous avons sans doute un avantage de prix. Pour les gros montants, les primes sont proches, mais plus l’objet est petit, plus la prime est élevée et plus nous pouvons faire la différence. Par exemple pour un lingot d’or d’un kg (55'000 francs environ), la prime est généralement autour de 2%. Mais pour un gramme d’or, la prime bondit à 20% et les écarts sont importants entre les établissements.

Nous avons enfin l’avantage de disposer de stocks significatifs afin de répondre à la plupart des demandes.

Quelle est la pièce la plus recherchée?

Il s’agit du vreneli FR20 (avec 5,8 grammes d’or), dont nous vendons plus de 5000 pièces par mois, devant le Maple Leaf. La prime du vreneli se monte à 10% en raison de sa forte demande (prix d’environ 350 francs actuellement). Le niveau de la prime exprime la vigueur de la demande ou la rareté de l’offre. L’American Eagle, la pièce américaine officielle, était presque impossible à trouver l’automne dernier et les primes ont grimpé de manière exceptionnelle. La pièce la plus disponible est le Philharmonique de Vienne, produite par Münze Oesterreich en Autriche, qui est devenue une des pièces d’or et d’argent les plus produites dans le monde.

Le client doit-il donner son identité?

L’anonymat est garanti jusqu’à l’équivalent de 15'000 francs pour une période de 365 jours à compter à partir de la première commande ou du premier achat. Les limites diffèrent toutefois d’un pays à l’autre. Elle est par exemple de 1000 euros en Italie, 2000 euros en Allemagne et 10'000 euros en Autriche. Au-delà de ces limites, l’identité de l’acheteur doit être révélée. A partir de 100'000 francs, il faut prouver l’origine des fonds en vertu de la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA).

Comment se développe le commerce d’or en ligne?

Il s’est fortement développé dans le sillage du covid. Le volume a quintuplé depuis 2020 pour atteindre 500 millions d’euros au sein du groupe.

Le client peut commander sur internet et être livré chez lui. En Suisse, les paquets sont tous assurés.

Est-ce que l’épargnant est attentif aux différences entre un produit financier sur l’or et la livraison physique de l’or?

De plus en plus d’épargnants se posent la question de l’accès à l’or physique lorsqu’ils possèdent un ETF avec réplication physique. Cet «or papier» permet de s’exposer à la volatilité du prix de l’or mais sans bénéficier de la sécurité offerte par le produit physique. Le processus qui permet de transférer son or papier est compliqué. Beaucoup d’épargnants ne savent pas qu’ils ne peuvent demander que des lingots de 12,5 kg. Le processus administratif est d’ailleurs très complexe, coûteux et prend entre 3 et 5 semaines. La valeur de la possession physique est donc en train d’augmenter.

Quels sont vos plans d’expansion?

philoro est en train de créer sa propre fonderie d’or à Korneuburg, près de Vienne. Elle sera responsable de 3 à 5% de la raffinerie d’or au plan mondial. La production globale d’or s’élève à 3000 tonnes et le recyclage à 1000 tonnes. La majorité est raffinée en Suisse.

Notre investissement doit être placé dans le contexte d’une recherche accrue de la traçabilité des ressources naturelles et d’une gestion au plus près de toute la chaîne de valeur.