Plusieurs pays européens sont menacés par une dégradation de la note, selon Christian Fischer, de l’Independent Credit View.

La semaine a été marquée par l’abaissement du rating de la dette souveraine américaine par l’agence Fitch de AAA à AA+. En Suisse, la société de recherche sur le crédit Independent Credit View (I-CV) s’est positionnée différemment des grandes agences. Elle est en effet financée non pas par les émetteurs mais uniquement par les investisseurs. Christian Fischer, son CEO, répond aux questions d’Allnews sur les perspectives de ratings:
Il n’est pas aisé d’anticiper les décisions des grandes agences de notations. Ces dernières sont financées par les débiteurs qu’elles sont amenées à étudier. Il en résulte toujours un risque de conflits d’intérêts et de pressions politiques. La décision de Fitch de réduire d’un cran la note des Etats-Unis est en soi très courageuse, après que S&P l’ait réduite à AA+ il y a 12 ans.
Je pense toutefois que cette décision n'est que l’un des nombreux abaissements de ratings à venir, tant pour les Etats que pour les entreprises. Nous nous attendons à ce qu'il y ait beaucoup plus dégradations que de relèvements de notes au second semestre 2023 et au premier semestre 2024.
Les mesures prises pendant la pandémie ont accru l’endettement de nombreux Etats. Aujourd’hui, avec le ralentissement économique attendu, et peut-être une récession, les recettes fiscales devraient diminuer, ce qui détériore les comptes publics. De plus, la hausse des taux d’intérêt, qui est plus forte aux Etats-Unis qu’ici, accroît les coûts de financement à moyen terme.
Il en va de même pour les entreprises: les ratios financiers se sont souvent détériorés, en dépit de certains effets d’inerties dans certaines branches d’activité, par exemple parmi les sous-traitants automobiles. Les résultats semestriels signalent clairement une détérioration des bilans, ce qui conduira à des baisses de ratings.
Oui. Lorsque nous étudions une branche, nous réalisons un «stress test» et communiquons les modifications aux investisseurs. Au sein des agences de notations, il existe toujours la possibilité qu’en dépit d’une détérioration de la santé financière la note ne soit pas changée en raison de l’attente d’une amélioration future de la situation sous l’effet de mesures prises par le management. Avec le vent contraire que représente un refroidissement conjoncturel, il sera toutefois plus compliqué d’atteindre les objectifs de ces derniers.
Les taux d’intérêt atteindront prochainement leur zénith. Mais n’oublions pas que beaucoup d’entreprises ont profité de la longue phase de taux extrêmement bas pour refinancer leur dette en prolongeant les durations. C’est pourquoi, avec la hausse des taux, les refinancements ne coûteront plus cher et les frais financiers n’augmenteront qu’à moyen terme. Par exemple dans l’immobilier suisse, ce coût était fréquemment d’environ 1% et il est passé à 2-3%.
Je pense que plusieurs pays européens sont menacés par une baisse du rating, avant tout le plus endettés, à l’image par exemple de l’Italie et de la France.
Actuellement non. Le marché maintient sa confiance envers ces débiteurs entre autres sur la base du rating des grandes agences. Mais fondamentalement la question se pose. Chacun se rappelle que l’on avait placé à 60% le rapport entre la dette publique et le PIB pour mériter un AAA. Actuellement le ratio est de 120% pour les Etats-Unis et Moody’s accorde encore Aaa. Il y a d’autres critères que ce ratio à observer, mais la tendance n’est pas favorable.
Nous n’attendons pas de 2e vague d’inflation. Les banques centrales s’efforcent de l’éviter. Toutefois, malgré le déclin du renchérissement, les prix sont plus élevés que ces dernières années et cette situation réduit le pouvoir d’achat.
La crise bancaire est survenue à la suite de la hausse rapide des taux d’intérêt qui a fortement réduit la valeur des titres qu’elles avaient achetés. Quand les clients, sur la base de considérations de sécurité, ont retiré leurs épargnes, les banques ont dû vendre leurs titres et ainsi subir de lourdes pertes.
La dégradation des notations des obligations souveraines n'a pas été le principal moteur de la correction des prix des titres des banques, mais la hausse rapide des taux d'intérêt.
Oui. Après des années de taux d’intérêt extrêmement bas, certains acteurs font face à un changement de situation majeur. Avec un taux Saron de 2,25%, certains anciens modèles d’affaires ne fonctionnent plus. Il n’est pas possible d’obtenir un rendement de 2,25% sur les loyers et de payer 2,5% pour le refinancement de la dette. Cela conduit forcément à une perte. Il faut soit augmenter les loyers soit faire un amortissement de la dette.