Investissement de niche pour diversification véritable

Nicolette de Joncaire

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Syz Capital va au-delà des fonds alternatifs et des fonds de capital-investissement dans sa recherche de rendements non corrélés. Entretien avec Marc Syz.

La gestion alternative est traditionnellement synonyme de réduction du risque. Mais est-ce réellement le cas des fonds «alternatifs» géants qui ont gagné le marché depuis la crise financière de 2008 et sont de plus en plus corrélés aux autres actifs? Probablement pas. Ce qui a conduit Marc Syz à lancer Syz Capital en 2018, à la recherche d’une véritable diversification plus particulièrement sur les marchés privés, et notamment au sein des sociétés familiales ou entrepreneuriales, souvent structurées de manière distinctive pour répondre aux objectifs d’un actionnariat correspondant à une ou des personnalités spécifiques. Le plus récent exemple du type de position que privilégie Marc Syz est SK Pharma dont Syz Capital a pris le contrôle en février, avec comme partenaire opérationnel, Saturnus Capital. Entretien.

Pourquoi privilégier les sociétés entrepreneuriales ou familiales?

Probablement en partie parce qu’elles nous ressemblent, que nous les comprenons et qu’elles nous comprennent. Nous partageons un horizon à long terme et des valeurs communes. Nos propres horizons se situent entre 5 et 10 ans et, contrairement à ce que l’on observe sur les marchés publics, la volatilité est faible. Une entreprise familiale et privée peut se focaliser sur un horizon lointain sans subir la pression des analystes et n’en est que plus stable. Et avec le bon plan d’expansion et d’efficacité opérationnelle, les objectifs de rendement peuvent atteindre au moins 25 à 30% par an.

Comment choisissez-vous vos thématiques d’investissement?

Nous recherchons systématiquement des stratégies non corrélées aux marchés des capitaux comme la santé, la logistique, des situations spéciales dans l’immobilier, les financements de contentieux ou certains composants de la transition énergétique.

Que se passe-t-il quand vous estimez que l’opération est arrivée à maturité?

Selon le secteur, nous revendons notre participation à des investisseurs stratégiques comme UPS ou DHL dans la logistique ou d’autres acteurs financiers comme parfois certains groupes de Private Equity généralistes.

La société SK Pharma, dans laquelle vous avez pris une participation majoritaire, est-elle un bon exemple de ce que vous recherchez?

Un excellent exemple. SK Pharma est une société familiale allemande spécialisée dans le stockage, la manutention, le reconditionnement et la distribution de produits pharmaceutiques, avec plus de 30 ans d’expérience et une croissance impressionnante (28% annuellement au cours des trois dernières années). Proche de la succession, son actionnaire voulait continuer à grandir tout en maintenant une présence active, un contexte où notre appui est particulièrement efficace. D’autant que l’industrie pharma se porte bien, la logistique encore mieux, et que son activité sera peu touchée par la crise actuelle de l’approvisionnement énergétique.

Cet investissement n’est pas sans rappeler celui que vous avez fait en 2019 dans SINWA.

Effectivement SINWA fournit des biens de première nécessité aux navires et à leurs équipages, c’est une sorte de supermarché pour bateaux.  Il s’agit donc bien dans les deux cas de services B2B impliquant une logistique complexe. Notez, entre parenthèses, que nous avons déjà eu des offres de rachat pour SINWA auxquelles nous n’avons, pour l’instant, pas donné suite. Similairement, nous avons également pris une participation dans une société qui fait du service informatique (sécurité, IT management) en Allemagne ainsi que dans une entreprise familiale suisse, Swiss Post Solutions, acteur mondial en gestion de documents et numéro 2 derrière Iron Mountain.  Cette dernière transaction a été menée avec un partenaire.

L’une de vos stratégies était focalisée sur l’hôtellerie. Comment a-t-elle franchi la difficile étape du COVID?

Nous n’investissons pas à proprement parler dans les groupes hôteliers mais détenons les murs (l’immobilier) que nous louons, confiant l’exploitation à des opérateurs de grande envergure. En conséquence, notre stratégie n’a souffert d’aucun défaut malgré le COVID. Le principe est de sélectionner des types d’investissement qui tiennent quelles que soient les circonstances de marché ou macroéconomiques.

Quels sont les avantages que vous percevez dans Le financement des contentieux, une stratégie assez inhabituelle en Europe?

En tant que classe d’actifs, le financement des contentieux offre un potentiel d’investissement totalement décorrélé des marchés financiers plus classiques. C’est à l’heure actuelle une classe d’actifs qui continue à croitre car elle est efficiente pour les sociétés dans la mesure où le financement de contentieux leur permet d’éviter le risque de réputation en externalisant leurs litiges. Il y a encore peu d’acteurs sur ce marché en Europe - les droits anglais et américains se prêtant mieux à la pratique -, mais on commence à l’observer même dans les pays qui appliquent le code Napoléon où il y a plus de demandeurs que d’offre. C’est un marché assez illiquide (2 à 6 ans en moyenne) mais qui offre des rendements intéressants, de 12 à 30%. Toutefois, il ne peut se pratiquer en l’absence de vrais spécialistes.

Syz Capital est né il y a quatre ans. Où en êtes-vous aujourd’hui?

Avec un peu mois de 2 milliards, nous faisons partie des «gérants de petite à moyenne taille» du private equity1, ce qui nous donne beaucoup de flexibilité et nous permet de nous développer sur des marchés de niche extrêmement rentables. Les prochaines étapes seront hors de Suisse. En Asie où il existe un fort potentiel de sociétés familiales en fin de «première génération» qui cherchent un appui. L’Asie du Sud-est, plus particulièrement, offre un marché très dynamique et nous avons déjà un partenaire à Singapour où nous cherchons à établir une équipe. Notre autre objectif est de nous installer à Londres. Ces deux étapes font partie de notre plan stratégique à 3 ans mais sans aucune date butoir pour le moment.

Quel est, selon vous, le paramètre le plus important de votre activité?

Notre actif principal, ce sont les personnes. Le contact est la substance de notre métier car la compréhension des circonstances personnelles de nos interlocuteurs joue un rôle fondamental.

 

1 Les «gérants petits et moyens» maitrisent des actifs jusqu’à 50 milliards.

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