Obligations d’entreprises: des spreads de crédit plus étroits que jamais

Daniele Paglia, Swisscanto Invest

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La forte reprise économique au premier semestre 2021 a encore stimulé le marché des obligations d'entreprises.

Quinze mois seulement après que les spreads de crédit (primes de risque) ont atteint leur plus haut niveau depuis la crise financière, ils se sont rapidement redressés et sont désormais plus étroits que jamais. De plus, malgré des vents contraires temporaires sur le front des taux d’intérêt, les obligations d’entreprises mondiales ont enregistré des afflux de capitaux au niveau du solde.

Le spread moyen du marché mondial des obligations d’entreprises dans le domaine Investment Grade a chuté à 86 points de base (Bp); les spreads de crédit restent à un niveau très étroit sans volatilité notable.

La différenciation des rendements disparaît
Rendements des obligations d'entreprises en USD

Source: Bloomberg

 

Dans le domaine des obligations d’Etat européennes aussi, la différenciation des rendements axée sur la solvabilité disparaît de plus en plus. Ainsi, même le rendement des obligations grecques à 5 ans a chuté en territoire négatif malgré le taux d’endettement des Grecs, qui dépasse 200% du produit national brut. Compte tenu de l’endettement toujours plus élevé des Etats de l’UE et d’une croissance tendancielle encore assez lente, les marchés misent sur le fait que la BCE absorbera les déficits actuels et garantira la baisse des frais d’intérêts (réels). Dans le même temps, il est considéré comme plutôt improbable que l’UE puisse sortir de la dette par une inflation et une croissance nominale élevée. 

Le débat sur l’inflation est ignoré

Le débat sur la question de savoir si la hausse de l’inflation est liée à une augmentation temporaire ou permanente des prix des biens de production et de consommation a jusqu’à présent laissé les marchés largement froids. Le risque qu’une série de données inflationnistes élevées puisse totalement désancrer les prévisions d’inflation est considéré comme faible. Mais les prévisions d’inflation déjà en hausse ont poussé les taux d’intérêt réels encore plus loin en territoire négatif et aplati massivement les courbes des taux d’intérêt.

Positionnement actuel 

Le rebond de l’économie et la poursuite des mesures de soutien gouvernementales accélèrent l’assainissement des bilans des entreprises. Au cours de la période sous revue, il y a eu plus de révisions à la hausse que de révisions à la baisse du rating, et le taux de faillite a de nouveau diminué. Le maintien d’une forte liquidité fournie par les banques centrales pousse la volatilité des spreads à un niveau très bas et crée un environnement idéal pour les obligations d’entreprises. Les émetteurs en ont profité pour émettre des obligations à des conditions très favorables. Par exemple, Rabobank a pu placer une obligation AT1 en euros (obligation subordonnée) avec un coupon plancher record de 3,1%.

Réserve quant aux nouvelles émissions

Nous avons continué à être très prudents dans notre participation aux nouvelles émissions, mais nous avons profité de l’offre importante pour augmenter notre positionnement dans les obligations vertes. Sur le marché secondaire, nous nous sommes concentrés sur l’optimisation du portefeuille du point de vue des critères ESG. Nous avons profité de l’extrême compression des spreads pour réduire de manière ciblée les risques sans devoir subir de pertes de rendement. 

Des perspectives positives

Tout porte à croire que les banques centrales essaieront de maintenir l’économie à un niveau élevé tout en maintenant les coûts de crédit (nominaux) à un niveau bas pour les gouvernements et les particuliers. La réunion de la BCE en septembre sera un test important. Les marchés attendent une annonce concernant une réduction du programme d’achat d’obligations en cas de pandémie (PEPP). Si l’on n’en tient pas compte au même titre que les déclarations d’intention de la Fed, cela augmente les conséquences potentielles si la réduction de l’offre de liquidités devait effectivement entrer en vigueur.

élections en Allemagne

En septembre, les élections fédérales en Allemagne marqueront la fin de l’ère de Merkel. Les espoirs d’un nouveau départ pour l’Europe, une transition de la gestion de crise vers une politique favorisant la croissance, sont plutôt faibles. Les politiques des deux côtés de l’Atlantique semblent beaucoup plus disposés à mettre des bâtons dans les roues des entreprises en durcissant les régimes fiscaux. 

La plupart des entreprises connaissent actuellement une amélioration rapide de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices, ce qui leur permet de «réparer» leurs bilans. Cette situation est positive pour les investisseurs en obligations.

Une sélection stricte des émetteurs de plus en plus importante

Nous restons constructifs en ce qui concerne les obligations d’entreprises pour les mois à venir. Toutefois, les spreads sont déjà à un niveau dangereusement bas. A cela s’ajoute leur faible dispersion: les grandes différences de solvabilité des émetteurs ne se reflètent plus dans les spreads. Une analyse de crédit approfondie tenant compte des aspects ESG et une sélection stricte des émetteurs deviennent donc de plus en plus importantes. Dans l’ensemble, nous nous voyons renforcés dans la surpondération des obligations de rang subordonné de débiteurs solides et dans l’attitude prudente à l’égard de la duration des taux d’intérêt et du crédit.