Les 7 fantastiques

Alexandre Drabowicz, Indosuez Wealth Management

2 minutes de lecture

Les six premiers mois de l’année ont été marqués par une remarquable performance des indices boursiers, malgré un contexte macroéconomique morose.

Derrière cette performance se cache en fait une concentration inédite dont le moindre faux pas pourrait s’avérer douloureux. Ceux qu’on appelle désormais les «7 Fantastiques» (Apple, Microsoft, Google, Amazon, Tesla, Meta et Nvidia) ont enregistré une performance équipondérée de plus de 50% depuis le début de l’année. Le «S&P 493», c’est-à-dire l’indice phare américain S&P  500 moins les «7 Fantastiques», enregistre seulement 2% de performance, démontrant sous la surface que la grosse partie de la cote est à la traîne. En Europe, le même phénomène est observé, trois actions (ASML, LVMH, SAP) à elles seules, font la moitié de la performance des actions de la zone euro depuis le début de l’année. Le déclencheur a d’abord été le lancement de ChatGPT en novembre 2022, suivi par des résultats astronomiques de Nvidia, qui en une séance de bourse, a vu sa capitalisation boursière bondir de USD 150 milliards, entrant ainsi dans le club très restreint des sociétés ayant dépassé la barre des mille milliards de dollars de capitalisation. L’Intelligence Artificielle (IA) est devenue ainsi le sujet numéro un des investisseurs. Si la technologie et la révolution qu’elle apporte sont indiscutables, force est de constater que les investisseurs sont prêts à payer et surpayer très fort toutes les sociétés qui vont participer à ce mouvement. Le débat fait rage: une nouvelle bulle? Ou bien un épiphénomène similaire à l’excitation autour du «métavers» l’an dernier? Quoi qu’il en soit, une poignée de sociétés seront les grandes gagnantes, mais beaucoup d’autres seront à risque. À 200 fois ses profits actuels et 40 fois ses ventes annuelles, ces chiffres sur Nvidia ne laissent pas indifférents et il est difficile d’imaginer comment la société pourrait faire mieux: dit autrement, le  moindre faux pas sera douloureux.

Côté macroéconomique, la croissance américaine résiste, le consensus s’ajuste à la hausse et nous rejoint dans nos prévisions. L’inflation US continue sa descente pour atteindre 4% en glissement annuel: la Réserve fédérale (Fed) pourrait s’en féliciter, mais à la grande surprise générale, se réfère maintenant à l’inflation cœur (hors prix de l’énergie et de l’alimentation) comme étant trop élevée pour reprendre un ton restrictif sur sa politique monétaire. Ce n’est pas une pause a dit Monsieur Powell, mais un «skip1 ». Les deux hausses pré-annoncées par la Fed ne convainquent pas le marché, ni nous-mêmes: une seule hausse devrait avoir lieu en juillet suivie d’un plateau. La conséquence directe est une courbe de taux encore plus inversée: les taux d’intérêt à court terme devenant encore plus attractifs, cela reste selon nous toujours la partie des taux la plus intéressante pour les investisseurs, la duration longue étant à éviter. Des points d’entrée vont se matérialiser. Nous resterons à l’affût pour nous positionner. La surprise ces dernières semaines vient de la Chine: les chiffres soulignant un essoufflement de l’économie ont poussé la banque centrale à baisser ses taux, et le marché commence à envisager des mesures fiscales de support. Nous restons positifs sur l’Asie et les actions chinoises pour trois raisons fondamentales: 1- le niveau de valorisation est proche de 10x les profits futurs (contre 20x sur les actions américaines) avec une croissance positive de plus de 18% des profits attendue, 2- plus de support budgétaire et monétaire à venir, 3- le marché est sous-détenu par les investisseurs globaux et domestiques. Les investisseurs aiment acheter ce qui monte: c’est ce que l’on appelle le «momentum». Étant donné le positionnement sous-pondéré sur la Chine, tout retournement pourrait entraîner un effet momentum important et voir un rattrapage s’opérer. Je vous souhaite une très agréable lecture de ce numéro, dans lequel nous reviendrons notamment sur l’impact du resserrement monétaire sur l’économie réelle et les marchés, bien que l’explosion du thème de l’IA ait bouleversé la corrélation traditionnelle entre taux longs et valeurs de croissance.